mercredi 27 juin 2012


je veux sauver l'araignée du matin (pas de chagrin aujourd'hui, il fait si beau) une araignée fluette perdue au fond d'un photophore ; elle roule sur le toit avec la bougie, descend le courant, petit radeau, jusqu'au bord du vélux ; le chat la voit le chat la mange ? à coté du lumignon sur le toit-terrasse, pattes jointes, fier, il s'est allongé



lundi 25 juin 2012

les livres...

'Ma survie, c'était mes livres.
C'est ma vie, là, tout autour de moi. Famille, monde, métier et consolation. Ceux qui n'écrivent pas ou ne sont pas de grands lecteurs peuvent-ils comprendre le frémissement de sensualité lorsque l'on se dirige vers un livre connu et aimé, qu'on le fait basculer hors de l'étagère, qu'on en caresse la couverture et qu'on l'ouvre au hasard, pour goûter les mots et les laisser rayonner en soi ? Happer une phrase la laisser couler sur la langue et dans le cerveau. Entrer dans le monde que ces auteurs ont créé et dont chaque lecteur est l'habitant.'

extrait de "les hommes qui me parlent" de Ananda Devi,
qui participait cette année aux assises internationales du roman de lyon.

vendredi 22 juin 2012

Itinéraire détourné : Paris ainsi



Je ne suis pas dans mon corps, inversion polaire. Promenade près de la Seine, chaleur. Une jeune femme s’arrête subitement, ramasse quelque chose parterre, l’essaye à ses doigts, interpelle des passants, deux touristes étrangers, leur tend la bague - je suppose que c'est une bague -, gênés, ils l’essayent à leur tour, je crois qu’elle leur dit de la garder, que c’est pour eux, ils sourient toujours empêtrés dans la gêne, ils s’éloignent à gauche, elle s’éloigne à droite, s’arrête subitement, se retourne, revient sur ses pas, les interpelle, il cherche quelque chose dans sa poche de bermuda, il en sort un euro, ils sourient gênés, ils s’éloignent plus loin sur la gauche, elle se tourne vers moi, ses bras s’écartent et claquent les côtés de son corps : c’est ainsi.
Ainsi un groupe de cent gamins surgit de nulle part, ils encerclent passants, arbres, bancs comme une marée de fourmis appelée à déguerpir au plus vite. Des jeunes filles se donnent la main, elles passent, bras tendus, au-dessus de ce qui doit être ma tête, se retournent vers quelque chose qui doit être moi, cette chose se tourne vers elles, cela rit gentiment, puis ces bras - piqués au jeu - passent au-dessus d’une dame assise sur le banc, cela rit encore, la dame et ce qui doit être moi se regardent et cela sourit.
Dé-pixelarisée. La montagne est trop loin, là c’est le nord, un nord trop présent. Dans la montagne chaque parcelle de pensée est incarnée, totalement incorporée. Si le voyage continuait vers Roubaix, je crois que  "je" se désintégrerait totalement. Est-ce un sort des maîtres du désordre, de leurs outils chamaniques sous vitrine? Est-ce un choc de lecture avec ces écorchés vifs ?
Ainsi la place de la Bastille et les Family parodiant des séquences de cinéma, d’émission pour enfants, Tex Avery en pop, en hipe, en break et hop. L’eau d’Evian noie ce qui reste - encore un peu - de fiable en moi dans cette rue d’un nom de salade. Dans la chambre d’hôtel le livre se termine, trempé au pinceau de Shutter island. La soirée devient bruyante quand tout est silence en ce corps-pensées qui continue à se disloquer. Visage défait. En bas, sous la fenêtre, sept enfants et une mère, exilés, assis sur une natte, une poussette remplie de leurs effets personnels, 2-4 ans, 8-10 ans, une gamine de 16 ans, deux adolescents qui pourraient être mes fils. 23h. Ils demeurent. Ce qui doit être moi se disloque et descend dans la rue, un billet de vingt euros passe de main à main, pas de chambre pour eux dans cet hôtel, pas de samu social ce jour d’été ; des cellules craquent, aspergent les murs de la chambre. 23h30. Des hommes viennent chercher la famille, ils s’éloignent vers un squat ? des caravanes ?

Ainsi la nuit fait tomber la pluie. Le matin l’emplacement de la famille est noyé sous l’eau. Quelques cellules s’alourdissent dans l'estomac avec le pain et le croissant, mais pas suffisamment : quelque chose en moi n’a pas le réflexe de l’appareil photo.
Ainsi, vingt chevaux au pas, dans la rue du nom de salade, et autant de cavaliers avec dans le dos «gendarmerie». Un power point. Un café au lait. Un TGV. Une panne. "Je" remonte comme le saumon. 

mercredi 20 juin 2012

Bel été








Avant le passage à un monde autre, je vous laisse une grande part de mon coeur et emmène mes yeux. A bientôt

yoyotons !


Pièce en 3 actes : 
Acte 1 : (repas de famille ; enfant 1 : garçon, 13 ans et demi ; enfant 2 : garçon, 13 ans et demi et 20 mn)
            -elle : « les enfants, j’ai une question. A votre avis que veut dire  Yoyoter de la touffe ».
            - enfant 1 et enfant 2 en même temps : (ils poussent de rire)
            - enfant 2 : ben... pourquoi ? (refoulant un fou rire)
            - elle : c’est une expression, j’aimerais savoir ce que vous en pensez
            - enfant 1 et 2 : (silence gêné et rieur)
            - enfant 2 : c’est un mot... grossier ?
            - elle : non, pas spécialement, peut-être... allez ! En toute liberté, qu’en pensez-vous ?
            - enfant 1 : (très gêné) ben... c’est en bas... hum...
            - enfant 2 : (il confirme) oui là enfin le... bas du pantalon quoi
            - (les enfants n’osent rire)
            - enfant 2 : c’est... bouger le....
            - enfant 1 : et d’où tu connais ça ? ça vient d’où ?
            - elle : c’est dans un livre d’expressions, comme « peindre la girafe »
            - enfant 1 : ah... ben oui... c’est...
            - enfant 2 : whouais, quoi : c’est clair.

Acte 2 :  (apéro avec des copains).
            - elle : avant de partir, je voulais vous demander ce que vous comprenez de l’expression...
            (copains, ils répondent en même temps, brain-storming)
            - tourner en rond -
            - autre nom donné à quelqu’un qui a Alzheimer ; déraisonner ?
            - Il croit ce qu’il dit !
            - cheveux sur la langue -
            -  la grand-mère yoyotte de la touffe -
            - deux lesbiennes en monokini qui font du tandem dans une côte -
            - une fille qui fait du vélo -
            - c’est sexuel ?

Acte 3 : (en fin de journée, après de longs échanges mail tout l’après-midi, pour un travail formel et certainement inutile)

            - elle : c’est d’actualité, savez vous ce que veut dire .... ce peut avoir un lien avec ce que nous sommes en train de faire.
            - Un collègue : enculer les mouches !
            - Le second collègue : cela veut dire être un peu barge, non ? Et d'ailleurs, notre métier sociologue, vous savez ce que c'est?  celui qui fait les sauces (dixit un enquêté de 8 ans), je vais retourner dans ma cuisine et fermer le mail!
            - Elle : bon, je crains qu’on soit en train de peindre la girafe !
            - Le collègue : et en même temps on s’en tamponne le coquillard !

jeudi 14 juin 2012

15 juin

 
Cher Monsieur Mathieu,

Francisco Goldman raconte qu'à la mort de sa femme, il a accroché sa robe de mariée dans son bureau et que ce qu'il recherchait en écrivant « Ecrire ton nom » était à remplir la robe de mots, de tant de mots qu'elle allait prendre chair et pourquoi pas revenir à la vie.
Tant il est vrai que les mots rendent plus présents ceux qui nous manquent tant.

Alors pour remplacer nos lettres, pour remplir le vide, j'empile des mots, la nuits dans mes rêves, le jour sur ce blog. J'en emplis de pleins carnets pour combler le vide que vous tous qui n'êtes plus là, avez creusé en moi.
Je cultive des fleurs, on dit que j'ai la main verte, ce sont d'autres mots que je peux offrir.

J'ai eu la chance d'être portée par l'amour, la confiance, l'attention et l'estime de quelques personnes grâce à qui j'ai en moi tant de forces de vie, qu'il me semble encore, avoir devant moi tous les possibles. C'est grâce à vous que me sont poussé des ailes. Vos influences continuent à agir en moi.

Merci d'être parmi ceux-ci quelqu'un d'unique sur ma route.
Où que vous soyez et quelque forme que vous ayez prise, je reste votre dévouée Anne-Marie.


                                       Bon anniversaire



dimanche 10 juin 2012

Mariechen

 
Cette année là, comme tous les jeunes, elle est réquisitionnée. Soit elle part, loin de son village, travailler dans une usine d'armement, soit elle reste là tout près, fille à tout faire dans une ferme.
Ses parents ont vite fait de décider pour elle, d'ailleurs elle est si jeune qu'elle aurait fait le même choix. Elle connaît ces fermiers, ils sont durs mais ils ont des chevaux qu'elle passe souvent voir pour caresser leur poil et fixer longuement leurs tendres yeux.
C'est la guerre. Ici, tout est calme, mais là-bas du côté de la frontière avec la France, il y a du sang et du feu. Hitler a dit qu'on les battrait très vite, que l'Allemagne est invincible. Ici, à la ferme, on manque de main d'oeuvre. Il faut fournir du ravitaillement aux soldats, en fournir toujours plus. Elle travaille dur, trait les vaches, s'occupe des enfants, travaille aux champs. Elle est belle avec ses tresses blondes et ses seins déjà bien formés. Tous l'appellent Mariechen.
Un jour, trois prisonniers français arrivent, ils sont affectés à cette ferme ; des femmes aussi sont arrivées, de Pologne. La ferme dispose maintenant de beaucoup de main d'oeuvre mais il faut sans cesse travailler et produire plus.
Ces prisonniers français sont très gentils, ils lui sourient quand elle ramasse les pierres avec eux dans les champs, et lors de l'arrachage des pommes de terre, ils l'aident à porter les sacs jusqu'au bout du champ. L'un des trois surtout est très gentil, il essaie de parler avec elle, au fil des semaines apprend quelques mots d'allemand puis des phrases entières, ils rient ensemble, elle lui rend quelques menus services.
Le mot « guerre » pour elle n'a pas de sens. Elle a maintenant quinze ans, elle a toujours vécu dans ce village de Saxe, sa vie commence. Elle est autorisée à monter la grosse jument, elle en est très fière, et ce prisonnier français qui lui envoie de petits baisers du bout des doigts quand elle traverse la cour, la remplit de bonheur. Elle découvre un émoi qui la traverse toute entière, la comble et lui dit que la vie est belle, l'espoir illimité. Elle aime.
Ce prisonnier, André, français, le bel étranger brun et aimant, de huit ans son aîné remplit tous les rêves qu'elle ne savait même pas avoir. Alors de mots tendres échangés aux baisers volés derrière les buissons, des caresses furtives aux étreintes dans l'écurie, Marischen court le guilledou, fait buisson creux et si les fermiers ne tançaient pas tous les travailleurs, elle n'aurait qu'une envie : tout plaquer pour peigner la girafe avec son tendre amoureux.
Elle le voulait pour elle toute seule. Elle avait si peur qu'un jour il ne parte qu'elle rêvait chaque nuit de prendre la clé des champs et de filer avec lui pour un voyage sans retour à l'instar du petit Hans de son enfance « Hänschen klein, geht allein, in die weite Welt hinein... »
La jalousie l'étreignait surtout quand les polonaises yoyotaient de la touffe pour aguicher les prisonniers. Certaines ne portaient pas de culotte et Mariechen était folle de rage quand elles se baissaient pour ramasser les pommes de terre.

Ses parents ne purent jamais croire en cet amour, pendant la guerre on n'aime pas. Comment oser parler d'amour, laisser exploser son bonheur, quand cet amour est honteux ; quand, ce qu'il faudrait c'est avoir été malheureuse comme tout le monde pendant cette période ; quand aimer est doublement interdit ?
Le temps eut beau passer, le bonheur se révéler long et durable, l'interdit demeura. Cette guerre se devait d'être pour tous un long temps d'horreur, avoir été vécue dans la souffrance et dans la honte d'être allemand. Pour elle, à l'image de ceux qui s'enlisent face à leurs contradictions, le silence pesait du plomb. On lui avait ôté le droit d'avoir connu alors les années les plus heureuses et les plus lumineuses de sa vie.
Pour que le bonheur ait enfin droit de cité, que les bruits de la vie dominent le cliquetis des bottes et des cailloux sucés pour tromper la faim, pour que ne s'enlise pas dans la boue saxonne cette éclosion de joie, cette explosion de chair, pour que ressuscite le bonheur refoulé, elle avait appris par coeur ces vers : « Quand nous rêvons pendant que les autres se taisent
             Nous ne sommes pas dans le silence
             Nous sommes avec les bruits de la vie
             Et en conversation avec nos secrets »
qu'elle se répétait pour elle toute seule.

vendredi 8 juin 2012

Busy in someone else's dream

"You know those nights, when youre sleeping, and it's totally dark, and absolutely silent, and you don't dream, and there's only blackness, and this is the reason, it's because on those nights you've gone away. On those nights, you're in someone else's dream, you are busy in someone else's dream.
Some things are just pictures, theyre scenes before your eyes. Dont look now, Im right behind you."
Laurie Anderson

lundi 4 juin 2012

Des girafes à peigner


 sur le blog
http://au-bout-de-la-route.blogspot.ca/2012/06/quand-la-france-pensait-girafe.html#more


http://curiosaetc.wordpress.com/2012/01/15/la-france-la-premiere-girafe/

dimanche 3 juin 2012

à trous


Un sourire, des fesses
Une intelligence, un sexe                                              
Un dos, l’espoir des caresses
Des yeux patinés, souvenir de jeunesse
des jambes normalement convexes
Et des trous, des trous, des vides et des trop pleins :
Pied flexe,  poitrine sans latex
Taille en tasse, ventre de silex
Hanches yoyotantes,  regard touffu sans appeals-sex
visage négligeable, cheveux sans tresses
Allure sans élégance, présence sans existence
Qu’elle est belle celle qui manque à l'amoureux, elle n’a pas de trous, elle !

Chemin des canaux secs

Hier après midi, 14 heures pile, avons embarqué dans un car hyper climatisé -la seule fausse note de ce bel après midi orageux et plein de miel- sur les traces archéologico-ferrovières de la première ligne de chemin de fer européenne continentale. Faisons abstraction de quelques rails par ci par là du c$oté de la Perfide Albion, ne soyons pas mesquins, accordons à St Etienne et à son Pont de l'âne, le privilège et la primeur de cette ligne de chemin de fer.
Depuis le Pont de l'âne, début des festivités, la ligne traversait le Soleil, longeait les abords du Zénith, arrivait vers le bois Monzil. Se perdait un peu à Villars, puis longeait le Furan. Une jolie promenade le long du chemin des canaux secs, près de st Just st Rambert. Fin de la ballade sur les berges de la Loire à Andrézieux .
Sur la Loire le charbon était acheminé sur des rambertes, bâteaux rudimentaires à fond plats, et à usage unique qui une fois arrivés à bon port étaient détruites car elles ne pouvaient pas remonter.
Le prochain itinéraire commun pourrait consister à aller marcher sur les vestiges de notre histoire (hi hi), il y a une belle longueur dans Saint-Etienne où l'on ne risque pas de se jeter sur les roues d'un train (photo ci-dessous, vers le Zenith)

pars courir


à tous ceux qui s’enlisent ...
 lire, écrire, dire  
fais le girafon 
peigne la girafe 
à cheval sur son dos 
prends la clé des champs 
doigts dans les cheveux 
pars au travers 
va courir 
parcourir 
les bruits de la vie 
guilledou 
fais le buisson creux 
le chat qui ronronne 
le diseur de voyelles 
roule toi par terre 
à travers chants 
à cheval 
sur le dos 
pendant que les autres se taisent 
souffle tes sons 
girafon 
dans les buissons 
au creux 
du cou long
dis tes secrets 
et yoyotte de la touffe



   

vendredi 1 juin 2012

chemin des ânes


 Le chemin des ânes s’invente entre le four à pain et le bassin des lavandières, il fuit le village, courre le guilledou durant 8 kms,  salue la madone yoyotant de la touffe dans  sa boîte  grillagée remplie par les prières contradictoires des marcheurs. Marcher. Patiner sur les cailloux glissants. Pendant que certains randonneurs se taisent rêvant à leurs secrets ou conjurant leurs démons, d’autres s’épuisent en vaines conversations. 
Le chemin s’enlise dans les pierriers, vaguement balisé par les cairns se devinant au creux des buissons. La montagne ne fait pas silence. Elle crisse,  tambourine à chaque détachement de rocher.
Le chemin des ânes se hisse tel un cou de girafe et les pas prennent la clé des champs avec entorses et fêlures, crachas et essoufflements. Ca sent l’arnica sur le chemin des ânes. A l’imitation d’un bêlement, par un promeneur zélé, les brebis rompent leur belle hiérarchie, et la prairie se peint de mille tâches blanchâtres et grises. Pourtant, lors des messes, le curé avait loué les moutons bénis par son dieu.
Le chemin des ânes débouche sur un lac violet, où se reflète la carte des sommets repliée dans le guide touristique. Mais l’orage arrive. Il faut redescendre ou se cacher sous un arbre, heurs !  Il n’y en a pas.
Le chemin des ânes se fait patinoire, les corps tombent, s’emmêlent au milieu du carnage des bêtes à laine dont l’affolement a attiré la foudre. 
Au bout du chemin, les chèvres et les ânes arrivent au refuge, ayant coupé à travers la prairie. Bêtes  perdues pour l'esprit sain, mais en vie. 

6° Assises Internationales du Roman

A Lyon, aux Subsistances, bords de Saône, du 28 mai au 3 juin 2012


J'y ai, pour le moment, découvert Peter Nadas, auteur hongrois, dont le dernier roman foisonnant "Histoires parallèles" est à lire absolument ... et Caroline Eliacheff (psychanalyste) partager avec Bernard Comment, France, Francisco Goldman, Etats-Unis et Hubert Klimko, Pologne, sur "La fabrique de la mémoire", thème fascinant qui hantera probablement mon prochain texte.