dimanche 30 septembre 2012

Bondieuseries



Jeune dévote recueillant de l'eau bénite pour la semaine, dans la grotte de Notre Dame de Cotatay afin de soigner son vieux mari.

samedi 29 septembre 2012

De pire en mieux


Poèmes express

Le 29-08-2009, Laura-Solange publiait sur ce blog un extrait d'un texte de Antoine Emaz (cf libellé : poésie, Emaz, Laura) dont je reprends ici des bribes
"...la situation initiale du poème reste la même : une brusque et violente souffrance de déficit de la langue face à ce qui arrive, aussi bien un deuil qu'un ciel parfaitement bleu ... L'origine du choc est parfois même non-identifiable en mémoire ou parmi l'afflux d'images et de tensions vécues au quotidien. Mais il y a eu choc, émotion ... On écrit pour ne pas rester muet, pour reprendre prise un peu, autant que possible, sur soi et sur ce qui est."

Et, comme je suis totalement, tout à coup, en déficit de langue, l'idée m'est venue de reprendre une consigne de production de "Poèmes express" en ouvrant au hasard les pages d'un livre et yeux fermés, avec un crayon de "piquer" sur un mot, une phrase et d'en faire un poème, sans en changer un seul mot, et parfois, sans même modifier l'ordre d'apparition des mots.


L'enveloppe
maintenant qu'elle est fermée
fait obstacle.
Jetée comme une frontière
elle occupe le paysage
et rappelle par sa présence
les premières blessures.
                    
(Mariette Navarro "Alors Carcasse")


Au milieu de la nuit
on a chahuté et rigolé.
J'ai serré mes poings;

Manque de sommeil.
Plus tard, je m'endors
un peu comme une sirène d'usine.
      
(Katarina Mazetti "Le mec de la tombe d'à côté")


Mon grand-père
tout en vous empêchant de reculer
vous humiliait.
Je me suis caché
en direction des joncs,
derrière ces crayons de couleur
avec un petit éclat délicat.
               
(A. Lobo Antunes "La nébuleuse de l'insomnie")


Je ne l'avais jamais vu
dans ton lit.
Une espèce de glu a coulé
encore inachevée.
Une détresse qu'il n'aurait su expliquer
suintait.
Je glissais de mon siège.
                   
(idem)


Le cadavre d'un adulte
glissait sur les rails étroits.
Les paysans t'ont-ils battu ?
Pendant un instant
expliqua-t-il,
tout en poussant des soupirs
et tenant des propos ignorants.
       
(Kenzaburô Oé "Arrachez les bourgeons, tirez sur les enfants") 



Je me mettais à ma table de travail.
Je continuais à creuser
des chimères d'images, de souvenirs.
Comme une évidence
je déposais avec soin
les housses de dentelles brodées
qui brisent la mer gelée en nous.

(Jean-Philippe Toussaint "L'urgence et la patience")



Elles se regardaient l'une l'autre
entre l'aveuglement et les désirs.
Elle se mit à penser
que la statue,
pour le ballet des jambes
utilisera
les torsions des tapisseries.             
pour le ballet des jambes.
           
(Louise Bourgeois)


J'en garde pour les autres jours pluvieux ... 

le résultate en vaute la chandélier


Fin de l'atelier "itinéraires en chantier"

"S'arracher du pathos, des gravats. Ignorer les commentaires défaitistes, fatalistes. Déblayer. Embrayer sur quelque chose de neuf, d'envolé."

Fukushima - Récit d'un désastre.  Michael Ferrier - Gallimard.

Avec cette phrase, je clos mon  itinéraire en chantier.

mercredi 26 septembre 2012

échec et mat

Ca s'est sans doute passé autrement, mais faisons comme si

j'y arrive pas, j'arrive pas à faire comme si, bien sûr le résultat en vaut la chandelle, être presque heureux à deux, même un moment c'est toujours ça de pris, mais là j'arrive pas à faire comme si j'avais été avec vous, ça fait 4 fois que je commence, avec tous mes différents moi, j'invente, je pianote, je lis vos textes, je recommence, je gomme je copiecolle, je change la place des mots, je les mets en ligne, à la Natô,  j'aime pas rester coite devant l'écran blanc, je cherche l'illumination, je vais manger un morceau de chocolat, je me frotte le lobe de l'oreille pour stimuler mes bonnes glandes, je me gratte le troisième oeil, je fais une réussite, je reviens toujours rien. faire comme si, c'est pas comme faire do, c'est pas faire ça, faire comme si, c'est trop aigu, c'est pas juste et moi mon moteur, c'est la justice, ma blessure, c'est l'injustice ; sachant que là aussi, y aurait beaucoup à dire. je suis complètement à côté de la plaque, les concessions, tout ça, la flexibilité, la douceur, les caresses en pensant à quelqu'un d'autre, ou à ce qu'on va manger plus tard, en se bouchant le nez parce qu'on aime pas l'odeur, ou.... c'est pas mal aussi, quand on y arrive, faire comme si, c'est se prendre pour qui on n'est pas, ça peut faire découvrir d'autres moi, ça peut faire explorer des sentiments qu'on aurait pas connus sans ça et sans si. Faire comme si la tour Eiffel avait vraiment été construite au Moyen-âge et comme si djizeus xraïst était vraiment venu nous sauver, mais de quoi, je vous le demande, de quoi nous a-t-il sauvés au fait ? et comme si je n'avais pas envoyé ce mail un jour d'avril et comme si je n'avais pas pris ce train un jour d'avril aussi, comme si, je n'avais pas souri alors que j'avais envie de fondre en larmes, et le contraire aussi, à me tenir droite alors que j'étais toute tordue à l'intérieur, comme si je n'avais pas été toujours là alors que j'aurais préféré être à si. L'un dans l'autre -ou pas- ce n'était pas si mal au bout du compte, il y a même eu des instants, et même en faisant comme ça, où je fûmes heureuses.

ça s'est passé

ça s'est passé sans doute autrement, mais faisons comment si

comme s'ils étaient amoureux, sans équivoque sans anicroche
comme si elle n'était pas l'amie-amante aidante qui fut son rocher, accroché, désespéré
comme si du fond de son chagrin il l'aurait aimée désirée s'était laissé toucher
comme si elle pouvait devenir l'aimante, l'aimée la mie
comme si elle avait refusé la réduction mécanique, sa propre la mendicité
comme si leurs âmes avaient pris leur envol dans une étreinte mutuelle frissonnantes dans le silence
le ciel comme seul duvet, leur souffle comme humble drapé, l'amour comme unique risque


j'acquiescerai, et durant un instant je leur aurais dit qu'ils avaient été ensemble, et durant un instant, je t'assure, j'aurais pu écrire qu'eux deux, en supprimant le presque, auraient été heureux. Alors dans les pas d'Erri de Luca, avant de m'en aller sur la pointe de la plume, je leur aurais soufflé "Qu'il en soit ainsi de l'amour, qu'il nie l'expérience, qu'il soit aveugle comme au premier jour, vierge dans sa foi. Qu'au plus injuste des amants ne s'adresse point la censure"*



Erri de Luca, Un nuage comme tapis, Payot et Rivages, 1996.

mardi 25 septembre 2012

24 septembre


Mal éveillé comateux, j'avais tout oublié quand la voix douce a dit:"on est le 24 septembre".
J'ai senti la vie refluer en moi sous forme d'énergie et les fils invisibles qui me relient au monde se sont tendus. L'un tirant l'autre alternativement, j'ai rejoint les vivants.
Il y avait dans l'air comme un peu de printemps, et l'angoisse turpide de ce jour, du basculement vers autre chose. La voix douce a fait remarquer qu'entre le jour d'hier et celui d'aujourd'hui, la réalité immédiate n'était pas si différente, et qu'avec l'an dernier il n'y avait qu'une année d'écart. Et l'angoisse du jour me parut soudain moins fondée, moins âpre, moins prégnante, pour finalement laisser la place à la sourde inquiétude anxieuse habituelle.
J'ai fait le tour des blogs. Sur alabrisede, j'ai relu pour la énième fois le texte de Bachelard, qui commence par "je suis un rêveur de mots" et celui, brûlant, de Char qui se termine par "à te regarder, ils s'habitueront". J'en ai, me semble-t-il, mieux perçue la lumière. J'ai relu encore une fois, avec émotion, le texte de l'Ange, texte qui s'appelle "17 septembre". Sur OUI MES MOI, j'ai aimé la photo de Marie-Pierre, qui nous montre, qu'un cœur de pierre peut se briser. Ou bien être brisé! J'ai trouvé, à la date d'aujourd'hui, sur JARDIN D'OMBRE, ce texte de Laura-Solange.

La Place
J'ai traversé la place, déplaçant le pas déhanché des pigeons et ne laissant aucune trace sur le dallage blanc - les escargots sont bien plus forts que moi - . Des rires égarés, que quelques arbres recueillent ont bousculé l'espace. Sur les lisières, des doigts d'herbe tentent de faire jardin entre les pavés. Les langues d'asphalte qui contournent la place dénudent, noire, la voix du regard. Au-delà, les façades où glissent les visages dans les marges de l'oubli. J'ai dessiné mon chemin, à grands pas, pour ne pas effleurer les solitudes lasses ni entrechoquer les ombres.

En ce 24 septembre, flottant entre deux âges, j'ai reçu ce texte comme un cadeau à moi destiné. J'y perçois des correspondances secrètes, comme des éléments d'un portrait dont je me refusais à voir le reflet touchant d'une réalité émouvante que je n'ai plus peur de regarder.

Petit traité de mauvaise foi

La consigne de l'atelier du 19 septembre fut identique à celle du 30 août
Le livre tiré au hasard était " Livre de chroniques III" d'A. Lobo Antunes
Le titre de la première chronique "Ca s'est sans doute passé autrement, mais faisons comme si"
La dernière phrase imposée "J'acquiescerai, et durant un instant nous serons ensemble, et durant un instant, je t'assure, je pourrai écrire au nom de tous deux, en supprimant le presque, que nous sommes heureux"
la vérité et le mensonge

Ca s'est sans doute passé autrement, mais faisons comme si : faire comme si …

Comme si rien n'avait eu lieu, comme si tout avait été dit. Comme si … le jeu magnifique des
enfants. Faisons semblant de, jouons à faire comme si, ça compte pour du beurre, souffler n'est pas
jouer, blesser pour de rire, on ferait comme si on était …, tous les coups sont permis, on est dans le
comme si.
Rôles fascinants où se forgent les jeunes personnalités et dans lesquels se dissimulent les adultes.
De faux-semblant en trompe-l'oeil, de quoi en perdre son latin. Douche froide, douche brûlante, ah
le jeu avait déjà changé ? Les règles n'étaient plus les mêmes, on était dans un autre je ? Le
mensonge était permis, poker dîtes-vous !
Ce qui a été dit il y a une demi-heure n'a plus cours, c'était pour du faux, dans la vraie vie on ne le
pensait pas vraiment. Mensonges, tricheries, tromperies. On a quitté le monde magique et sérieux
de l'enfant qui apprend la vie, on joue aux dés pipés, jamais là où l'on vous attend, toujours
légèrement de côté, un entrechat et on est ailleurs, deux petits tours de marionnettes et grand éclat
de rire plein de dents.
On fait comme si … mais c'est encore insuffisant, on fait comme si « cela » OU comme si « ceci »
en opposant deux termes pour que l'injonction soit tout à fait paradoxale : si l'une des deux
propositions est acceptée, on ajoute rapidement : « on a fait fausse route » et … vire-volte, demi
tour.
Tout est permis, suivre sa pente, être ce que l'on est, que les autres gigotent telles des marionnettes,
pas d'effort, simplement se laisser aller.

Ca s'est sans doute passé autrement, mais faisons comme si, puisqu'il faut bien que quelqu'un
détienne la version officielle de la fable. Car il faut bien qu'il y ait une vérité n'est-ce pas ? L'histoire
montrera que les versions changent selon les époques, les narrateurs.
Pendant des années, la cohabitation avait semblé réelle. Tous y avaient cru, les « comme si » bien
cachés. Rien n'avait été dit, dénoncé, simplement deux nations s'étaient associées après de cuisantes
défaites. Pour le reste du monde, l'association était réussie, fructueuse, harmonieuse même,
auraient dit certains. Cela dura, dura tant et tant qu'à la fin aucun de deux protagonistes ne savait plus
pourquoi, ni comment, il en était ainsi, ni même si cette association était morte ou vive.
Puis un jour, sans connaître plus le comment et le pourquoi, chacune se retrouva isolée, à faire
comme si …,  quel autre comportement, elles n'en connaissaient qu'un. Chacune reprit son chemin. Quand l'une annonça à l'autre que désormais elles n'étaient plus associées, elles crurent à un nouveau jeu. Mais la seconde acquiesça et durant un instant elles furent ensemble, et durant un instant, je vous assure, je pourrai écrire au nom de tous les deux, en supprimant le presque, qu'elles furent heureuses.


ne prenez pas de risques inutiles







la tête et le tronc : chien et mouton ou chien et chien ? le gardeur et le regardé

Ah ! les vide-greniers ! Que de belles rencontres !

jeudi 20 septembre 2012

Les matinaux

« Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. À te regarder, ils s’habitueront. »
René Char, « Rougeur des matinaux », in Les Matinaux, Paris, Gallimard, 1950.

mardi 18 septembre 2012

le rêveur de mots


.. je suis un rêveur de mot, un rêveur de mots écrits, je crois lire, un mot m’arrête, je quitte la page, les syllabes se mettent à s’agiter, des accents toniques se mettent à s’inverser, le mot abandonne son sens comme une surcharge trop lourde qui empêche de rêver, les mots prennent alors d’autres significations comme si ils avaient le droit d’être jeunes, et les mots s’en vont, cherchant dans les fourrés du vocabulaire de nouvelles compagnies, de mauvaises compagnies ; que de conflits ne faut-il pas résoudre quand, de la rêverie vagabonde, on revient au vocabulaire raisonnable, et c’est pis lorsqu’au lieu de lire je me mets à écrire ; sous la plume, l’anatomie des syllabes se déroule lentement, le mot vit syllabe par syllabe, en danger de rêverie interne, le mot est un bourgeon que tente la ramille, comment ne pas rêver en écrivant ? c’est la plume qui rêve, c’est la page blanche qui donne envie de rêver, oui vraiment les mots rêvent ..


gaston bachelard
«poétique de le rêverie»





lundi 17 septembre 2012

17 septembre

Il en est qui se remémore le 11, mon jour de deuil est le 17


Et quand, en ce début de mois, j'ai entr'aperçu cette grappe de fleurs dans mon cerisier, je n'ai pas douté un instant que cette floraison était un clin d'oeil de vous à moi adressé, que vous m'envoyiez, une fois de plus un message d'espoir, discret, comme vous l'étiez, blotti dans les feuilles.

"... Nous n'irons plus, se disait Montaigne et pour maintenir ce Nous en lui seul il s'était mis à écrire. C'est ainsi, nous disions-nous, que l'écriture est venue faire Nous avec Montaigne à la place de La Boétie. On prend une partie de son propre corps, on l'allonge en tant qu'ombre de l'autre sur du papier et on continue à se nounoyer. Et à nourrir.... La phrase "Nous n'irons plus" est fascinante, catégorique, assertive. Elle dit Non comme un Oui, un naller est affirmé. C'est un dit sans ambage, un édit lancé contre le futur pour nier le futur, l'invention d'un futur nié."

                                                                                                Hélène Cixous "Revirements"

Que pourrais-je dire de mieux ? C'est nous qui étions en Afrique, c'est en vous que je me ressource chaque jour.
Cette énergie souterraine sans cesse renouvelée, tout ce que nous partageons et qui ne pourra jamais nous être enlevé, cette imperceptible force qui nous meut, cette dynamo que nous avons en nous, d'où nous vient-elle sinon des empreintes tenaces qu'ont laissées en nous tous les êtres et les expériences qui se sont en nous gravés ?

Je vous salue, je vous chéris, je ne vous quitte pas.

dimanche 16 septembre 2012

Rêve de basilique



Ce fut une journée tout à l'envers.
Les bateaux, toutes voiles dehors prenaient les rues pour chenaux.
Au lieu de pendus, les poèmes se balançaient dans les arbres, les statues ployaient sous le poids de jeunes gargotes, et la basilique Notre Dame de la fin des terres, oui, elle-même, pourtant classée patrimoine de l'humanité par l'Unesco et consciente de ses responsabilités, se prit à rêver. Elle se repassait les rêves merveilleux qu'elle déroulait quand elle était encore ensablée et que seul son clocher pouvait lui donner une vague idée de ce qui se passait dans le monde. Elle se remémorait les combats en elle, entre les anges et les démons, peut-être se prenait-elle à regretter d'avoir été exhumée.
Les images de ce temps l'éblouissaient et la rendaient nostalgiques






Et comme il y avait de quoi perdre la tête, j'ai préféré retourner au bord de la Gironde, et là c'était beaucoup plus paisible 


jeudi 13 septembre 2012

C'est la crise



Quand on arrive dans le minuscule village de Vensac, la place est animée comme un jour de foire, des gens partout. Mais que s'y passe t-il ?
Ils sont en groupe, semblent occupés et véhéments. Une pancarte annonce "Les Mounaques" et un groupe, bras levés, revendicatif brandit une bannière "C'est la crise"
C'est parti :



L'Espagne

La Grèce et l'acropole "à vendre en état"

La crise européenne "effet domino"

La SNCF

Air France 
Ils sont tous là.
Un groupe d'habitants a créé "Les Mounaques", poupées de paille et de chiffon, grandeur humaine.
Cette année, ils ont choisi "La crise" dont on nous rebat les oreilles.

L'enseignement
Le logement HLM médocain
Duplex avec parking couvert
Le personnel au bout du rouleau
La femme en colère

 Et même les rescapés de la crise
Le capitaliste
et sa version féminine emperlouzée

Rappel : il suffit de cliquer sur les photos pour les agrandir

mardi 11 septembre 2012

Il était une fois Soulac sur mer

Entre Pointe de Grave et Arcachon ce ne sont que dunes et océan, parsemées de villages et sillonnés de pistes cyclables.
Un vrai plat pays pour mes petits mollets. J'ai loué un vélo pour la journée et après avoir longé l'océan pendant une demi-journée sur mon petit "bleu", avec quelques arrêts baignades,

je suis partie chasser les maisons traditionnelles
soulacaises. Dans les années 1900, Soulac se transforme
en station balnéaire et apparaissent ces villas de style néocolonial.
Les matériaux : la pierre blanche calcaire des sols de Saintonge
et des briquettes rouges. Toitures très pentues au sommet desquelles
s'élèvent souvent des tuiles faîtières, des épis. Cette toiture est
souvent encadrée par des lambrequins, dentelle de bois finement
travaillée.
Chacune porte un nom inscrit sur un cartouche.















Le long de l'estuaire de la Gironde, ce sont vignobles et caves réputés ... pour un autre jour et sans zigzaguer.

des nouvelles de mon itinéraire : de l'itinéraire en chantier non ?




jeudi 6 septembre 2012

Le pouvoir du point final.

mais la nuit
était arrivée comme
le personnage qui
entre juste pour
annoncer "trop tard"
ou "trop peu"
pour moi pour vous
vous êtes arrivés
"trop tard" non  "trop tôt"
trop fardés trop bavards
Trop de bruit ici
on n'entend plus le chant de la petite voix fluette là -dehors
Dehors
trop de trucs, de décors
trop de trac et de clic et de gifles
trop de poursuites trop de faux fuyants et  de clacs de fin
rien que des habitudes des routines des tics et du sens pratique
Il est venu annoncer rien de moins que la fin
il n'avait plus rien à faire plus rien à dire
rien qu'à tirer le rideau
trop de choses sur la scène
encore
quelque chose de trop
il était juste venu annoncer qu'il n'y avait rien de moins mais quelque chose en trop
trop tard
C'est fini

Profondeur insondable des mots

" Plus on regarde un mot de près, plus il vous regarde de loin"
W. Benjamin - Oeuvres II - Folio essais 

mercredi 5 septembre 2012

mais la nuit



mais la nuit était arrivé comme le personnage qui entre juste pour annoncer «trop tard»

  la nuit tombe tôt chez les nippons
l’une tombe dans le trou d’eau
l’eau engloutit le trou absorbe
elle s’absorbe dedans disparait 
l’une est dans la rivière
l’autre sur la rive à regarder 
les bulles en trainée ondulent au courant 
flottent elle attend debout au bord  
près du gouffre souffre attend 
l’arrivée d’un souffle peut-être espère
voir remonter les bulles et son regard à la surface
elle regarde trop attend tard ferme les yeux
et dans le trou saute enfin se jette à l’eau
tombe vole elle descend la caverne liquide au ralenti
«ô puits sans fond comme pour l’oiseau»
personnage en chute douce au coeur du puits 
clair mouvement lent se dépose au fond du lit
lit de torrent à galets ronds où l’oreiller l’attend
juste un oreiller blanc pour reposer sa tête

 il n’y avait rien de moins mais quelque chose en trop





mardi 4 septembre 2012

Le désert des Tartares, toujours recommencé


 Mais la nuit était arrivée comme  le personnage qui entre juste pour annoncer « trop tard »

Toute la journée on avait attendu  tant attendu
Toute la journée on s’était demandé sans arrêt demandé
Toute la journée on avait redouté
Toute la journée on avait pressenti
M s’était disputé avec g mais ça n’avait rien changé ; le paysage était resté le même, un peu plus pesant au fur et à mesure que la chaleur et le feu se propageaient, mais sans plus ; ils avaient fini par tomber dans les bras l’un de l’autre non pas par amour mais par épuisement
B était tombé dans l’eau et après avoir feint la noyade un bon quart d’heure, on avait fini par lui dire de se souvenir qu’il savait nager et qu’il pouvait à présent revenir sur la berge sans mettre davantage à l’épreuve nos nerfs fatigués
J avait préparé un plat de spaghettis à la croate, où surnageaient des reliefs non identifiés, mais elle voulait par là même nous signifier que le cadeau d’anniversaire que nous lui avions fait, à savoir un stage chez le plus grand chef étoilé de tous les temps, une vraie  voie lactée, n’avait pas été un investissement vain
K chantait mollement s’accompagnant à la guitare, à moins que ce ne fût elle qui l’accompagnât, il faisait en quelque sorte le bruit de fond, une espèce de zonzonement monotone apparenté à un essaim d’abeilles en rut
D’autres tirbouchonnaient nerveusement comme il se doit
D’autres zappaient sur tout le réseau hertzien et numérique sans pouvoir fixer leur attention sur quoi que ce soit ; c’était très désagréable car mélangé au bruit de fond de l’essaim d’abeilles en rut, la dispute de a et g sans parler de l’odeur de spaghettis à la croate, il fallait avoir des nerfs d’acier pour continuer à y croire et à espérer que finalement oui.
Les heures passaient comme à l’heure (leur) habitude, ni plus ni moins. Les minutes et les secondes aussi, fidèles à elles-mêmes, laissant dans leur sillage un petit bruit de sablier et d’inexorable, un petit bruit de frustration, comme lorsqu’on sent bien qu’on a oublié de faire quelque chose de crucial mais que l’on ne sait plus trop de quoi il s’agit. A tout hasard, j’allais fermer le gaz et faire la vaisselle.

Par la fenêtre de la cuisine, je vis soudain un type sur le trottoir, accroupi, avec une mallette débordante de fils et de câbles et qui avait ouvert son cahier électronique et écrivait dessus. Essayait-il de rentrer en contact avec nous ? je me précipitais sur mon engin mais il était muet, pire, il n’avait plus de batterie et j’avais oublié mon chargeur qq part entre là-bas et ici ;  Je lui fis des gestes par la fenêtre, mais il était trop absorbé par ses procédures et ne captait rien. La fenêtre ne voulait pas s’ouvrir, Je laissais tomber la dernière bouée de sauvetage.
Dans ce no man’s land de temps, chacun était à son poste, aussi impuissant que son voisin ; Le jour déclina, les secondes et les minutes firent de leur mieux pour passer encore plus lentement, mais il fallut soudain se rendre à l’évidence, nous étions enfermés dans le désert des Tartares, où rien surtout ne doit advenir ;  rien n’était donc advenu ; ça avait été une journée pour rien, une journée de plus à mettre à l’inventaire des journées nulles, où on n’a pas ri, pas mangé de bonnes choses, pas écouté de musique transcendante, où on n’a pas fait la révolution, pas caressé d’animal à poil doux, pas appris de bonne nouvelles. Une journée avec de la lumière qui ne sert à rien.

Il n’y avait rien de moins mais quelque chose en trop.

samedi 1 septembre 2012

Atelier du 30 août 2012

Consigne :
Pour ce premier atelier de retrouvailles, nous avons opté pour l'écriture d'un texte avec phrase de début et phrase de fin imposées. Michelangelo a pioché dans la bibliothèque de Natô, un livre de Marc Cholodenko.
"Mais la nuit était arrivée comme le personnage qui entre juste pour annoncer (trop tard) ....."
A terminer par "Il n'y avait rien de moins mais quelque chose en trop."


Quelque chose en trop


Mais la nuit était arrivée comme le personnage qui entre juste pour annoncer (trop tard) que le spectacle était commencé.
Ils étaient tous assis en cercle, certains discutant, d'autres jouant aux cartes ; de toutes jeunes filles chuchotaient derrière leur paume en conque tendue vers l'oreille de leur voisine, des femmes caressaient leur bébé tout en lissant leur robe, au loin des chèvres bêlaient et on entendait vaguement une poulie grincer. Le vent qui secouait les branches quelques heures plutôt, s'était tu. Plus rien ne bougeait. Très certainement de loin la scène devait sembler figée en un tableau muet et sombre.
Lui, dans son coin s'était approché de moi et cherchait à me parler sans se faire entendre des autres. Il commença à me parler de sa journée, puis me prit le bras qu'il caressait doucement. Lorsque les peaux furent polies, lissées et chaudes comme du cuir, il me demanda si je voulais bien l'emmener avec nous, qu'il rêvait de ce voyage depuis toujours, qu'il se ferait tout petit et que s'il ne partait pas maintenant, il ne le pourrait plus jamais. Sans supplier, juste une demande, sur un ton neutre, prêt à entendre un refus, à vivre une Xème frustration, à l'accepter et à continuer à vivre avec.
Il me semblait qu'autour de nous les voix s'étaient tues, que la bulle dans laquelle il nous avait cachés, avait éclaté.
Un simple geste de ma tête, un murmure « impossible » furent la seule réponse. Rien n'avait existé. Nous avions juste un peu rêvé. Il n'en resterait aucune trace apparente. Un souffle d'air se leva, les deux hirondelles rejoignirent leur poutre.
Maintenant quelques femmes se levaient. Le signal du coucher était imperceptiblement donné. Quelques froissements de tissu, des frottements sur le sol et nous nous retrouvions un peu moins nombreux. Sans mouvement de masse, la véranda peu à peu se vidait, les ombres disparaissaient.
Le silence était maintenant total, la nuit noire, je ne me décidais pas à me lever. L'oppression de ma cage thoracique me figeait dans ma position, les genoux recroquevillés dans les bras.
Il n'y avait rien de moins mais quelque chose en trop.