mercredi 31 octobre 2012

dimanche 28 octobre 2012

là-bas

"Là-bas,
Dans la Muraille
Dans les pierres,
Je vois
Un Visage -




forêt-totems au Guizet (42)

Non, ma chérie,
Regarde par ci, regarde-moi, le visage
Est là, le corps
Chaud
Vivant,
Et là-bas -
Là-bas il n'y a
Que des illusions
Nées de la nostalgie".*

David Grossman "Tombé hors du temps", Seuil, 2012.


jeudi 25 octobre 2012

Et je réchauffe leur nuit

Mon métier n'était pas un métier d'homme, mon métier était un métier d'amoureux, j’étais un objet de désir, que dis-je ? De convoitise ! Et ce n'était qu'au prix d'âpres batailles que l'élue pouvait se transformer de tigresse-en-froidure en douce chatte ronronnante.
Mon métier n'était pas un métier d'homme, c'était pourtant un métier de mélancolie. A l'époque de ma conception -et je n'en dirai pas plus, n'ayant jamais connu mon père- on mettait du cœur à l'ouvrage, et le moindre objet domestique avait ses décorations, ses volutes, ses angelots, ses bas-reliefs. Le sens du détail ne s'appelait pas design, mais la moindre fente était pensée, la moindre poignée chantournée. Avec l'usure plus ou moins normale d'un usage plus ou moins intensif suivant les plus ou moins rigueurs du climat, venait le temps des rafistolages, le remplacement à la main de la pièce défectueuse, pas toujours dans la bonne forme ni dans le bon matériau, mais l'imprimante 3D n'avait pas encore été imaginée.
De mélancolie et de survie. Quand arrivait l'hiver avec sa robe de bure (ah non ! je me trompe c'est l'automne) quand arrivait l'hiver et son grand manteau blanc (l'ai-je bien descendu cette fois !), les braises chauffées au rouge rejoignaient mon intérieur accueillant, et les petits petons de se pelotonner sur ma carapace ajourée, tandis que leurs propriétaires prolongeaient la veillée, agitant frénétiquement mains et langue pour repousser la nuit ; et les petits enfants de s'asseoir à côté, pour rejouer sous les jupes de leur mère, comme jadis dans le ventre liquide, la tendre berceuse des rumeurs du dehors.
Je suis d’un temps révolu ou pas encore devenu. La mélancolie est contraire aux indicateurs de compétitivité et le développement durable ne m’a pas encore repérée.
Cependant, à présent, je fais un métier de patrimoine recyclé. Maintenant que les bouillottes et les coussins chauffants servent de doudous dans les lits à une place, car les hommes frileux préfèrent garder leur chaleur pour eux, maintenant que les chauffages centraux et les écrans plats ont déplacé le centre de gravité des veillées vers la périphérie des solitudes, mon incandescence hivernale oubliée, je trône au plus fort de l’été, sur une table de jardin, garnie de lumignons dont les flammes brillottent entre les fentes ouvragées, repêchée en deuxième noce (noce de rouille si vide- grenier, noce d’or si antiquaire, les vieilleries ne sont pas toutes logées à la même enseigne lexicale), replacée au centre des conversations, je renvoie leur lumière aux humains qui m’ont redonné vie.

mercredi 24 octobre 2012

Les pubs que l'on continue à voir

catalogue "Les 3 Suisses 2012"


Erotisation du viol : C'est bien moins soft en 2012 que la gentille ménagère à genoux

mardi 23 octobre 2012


A short Chaufferette's story

Mon métier fut un métier de chien. En effet, les hommes contemporains de mon époque d'activité, tendaient vers le feu leurs pieds entortillés de chiffons, par la suite habillés de chaussettes de laine, après les avoir retirés des sabots de bois, puis plus tard des bottes de caoutchouc. Lorsqu'ils passaient à table leur chien, et c'est là que nos métiers se rejoignent, souvent venaient se coucher sur leurs pieds l'hiver. Pour réchauffer les leurs, délicats, les femmes, elles, m'utilisaient, une fois mon ventre de fer gavé de braises brûlantes, durant les veillées et les journées où elles devaient travailler à la table pour quelques fabrications de commande, broderie, chapelet ou fleurs artificielles, croix et couronnes de perles de verre à déposer sur les tombes. C'est ainsi que je vis passés quelques générations de pieds de toutes les sortes, des droits, des plats, des crochus, des tordus, des élégants, des altiers, des fiers, des humbles, des déformés par la maladie et des parfaits. Ah! délicieux moments passés sous des effleurements lissant à force de caresses mes éléments de bois protecteurs qui de brut devinrent sous les cajoleries tendre aussi lisses et luisants qu'un vieux meuble amoureusement ciré.
Hélas, ces temps-là sont révolus. De nouveaux appareils de chauffage ont fait leur apparition et condamné les chaufferettes à l'oubli, sonnant ainsi le glas de leur utilité, entraînant par là même leur destruction massive.
Je ne dois d'être en vie qu'à la piété filiale qui me sauva de la décrépitude.
Mais prenez garde, êtres humains, qu'un jour on oublie à quoi vous serviez, et qu'alors quelques plantes vertes, ou quelques pierres ayant surpassé l'homme, leurs descendants ne vous envisagent avec un air tout aussi dubitatif que celui que vous affichez lorsque vous m'examinez aujourd'hui.

lundi 22 octobre 2012

CHAUFFERETTE ! QUEL METIER !

Mon métier est un métier d'homme.
Le ventre chargé de braises, les joues rouges, flambeur comme un coq dès que l'hiver approche... J'en suis  de brûler de désir pour des pieds... petits, potelés, effilés, légers comme la plume au vent ou bien, bien en chair, roses et lourds comme les seins de la femme qui me les offre.
Lécher parfois les audacieux qui essaient de s'aventurer sous mon couvercle pour voir de quel bois je me chauffe puis reprendre mon souffle avant que d'exploser en grappes d'étincelles et apposer sur une peau tremblante les stigmates de mes sentiments.
A brûle- pourpoint, qu'il est agréable d'être chatouillée par la laine vierge d'une chaussette ou caressée par la peau nue et soyeuse d'une jeune femme se réchauffant le corps et le coeur. 
Les cinq heures du soir ont sonné à l'horloge, sa jupe longue en laine rêche cache son désespoir amoureux qui balance ses pieds sur mes flancs déjà tièdes. Je reçois sa tristesse, je cueille son désarroi. Elle veut écire à son amant perdu. Sa plume vide glisse sur le papier froissé. Pas un mot ne traverse son corps juste deux petits pieds qui se battent, se cherchent, s'essouflent, s'agitent effarouchés puis de plus en plus vite sur mon dos tuméfié.  
Alors dans un élan d'amour incontrôlable j'inonde sa jambe malheureuse de ma tendre chaleur, réparatrice des coeurs brisés.
Dieu quel métier! Mais que j'aime les femmes!

Je dirais même plus : pas si courges que ça !


dimanche 21 octobre 2012

Plotin "Toute vie est une pensée, mais une pensée plus ou moins obscure, comme la vie elle-même"

" C'est extraordinaire, cette patience ou cette passion qu'il a fallu pour tout nommer, et par exemple jusqu'aux modes d'expression sonore des animaux, que des verbes la plupart du temps oubliés désignent. Gilles Aillaud, dans son Préambule, en a dressé chemin faisant la liste :"l'aigle glatit, le chameau blatère, l'éléphant barrit, le rhinocéros barète, la hyène hurle, la caille pituite, margotte et carcaille la chèvre bèle, l'ours gronde et grogne, le canard cancane, le cygne trompette, l'oie cacarde et nasille ..." Et ainsi de suite... Mais quels furent ces mots, et que sont-ils encore, de si faible emploi, ou si rare ? On voit bien que ce sont des énergies qui ont été captées, que la pluie de l'Un, dont le langage disperse les gouttes, est une dissémination infinie et qu'avec nos doigts pointés et nos noms brandis, essayés, comme avec nos images, nous sommes à la traîne et qu'en deçà de toute langue, de toute modulation, de tout énoncé, le silence et les cris des animaux, l'un et les autres effets de leur absence au langage tant décriée, valent au moins comme le signe répété et insistant de leur précédence."

Jean-Christophe Bailly "Le versant animal" Bayard-Le rayon des curiosités

samedi 20 octobre 2012



quand vas-tu mourir toi 
grand-père 
doucement les genoux droits 
feu au grenier
 les briques un poteau 
s’en souvenait 
elle est retournée dans la maison et c’est tout 




mon père qui attendait 
dans le recoin d’un mur 
le poulet se débattait aboyait 
les toucans tournaient 
dans la vie pour qu’ils s’y accrochent 
fiche le camp 
vous avez maigri père




avec les mots de lobo antunes tirés de 'la nébuleuse de l’insomnie’

jeudi 18 octobre 2012

Où sont passées les épouses idéales ?


Souvenez-vous des fécondes années de croissance : la consommation affichait des chiffres record, le bien-être était promis à tous, les hommes travaillaient, et les femmes, bonnes ménagères, batifolaient dans leur cuisine.
 
"Les pubs que vous ne verrez plus jamais (ed. Hugo Desinge) Annie Pastor

N'est-elle pas rayonnante, le sourire aux lèvres, après avoir préparé un bon repas pour son mari ?
Et le savon Palmolive ne lui permet-il pas d'empêcher son mari d'aller voir la jeunette d'à côté ?

samedi 13 octobre 2012

Aux hommes

 
Mon métier est un métier d'homme.
Il nécessite jeunesse, souplesse, absence d'arthrose car il se pratique à genoux, dans une position relativement inconfortable mais récompensé par tant de plaisirs suaves qu'aucun ne saurait l'égaler. Un seul inconvénient, il est saisonnier, on ne peut l'exercer que lorsque les températures commencent à chuter suffisamment pour que ces dames commencent à avoir leurs menus pieds tout froids. Par conséquent, sa pratique est inexistante sous les climats tropicaux.

Je remplis une chaufferette métallique - délicatement ouvragée – de braises rougeoyantes et scintillantes. Je referme son couvercle surmonté de trois tasseaux de bois et le prends par sa poignée de bois. Ce chauffage portatif et individuel en main, je propose mes services aux belles dont je vois les joues ravivées par le froid, celles dont le bout du nez est rougi par le frimas, celles qui soufflent sur leurs doigts en accélérant le pas, celles qui tapotent des pieds pour réchauffer ces doux animaux blottis dans deux bottes d'agneau garni.
Une fois, arrivés chez elle, une fois qu'elle est installée dans son fauteuil, je glisse sous ses jupons l'heureux objet brûlant, j'installe délicatement ses doux petons gelés sur la bouillote, puis je me glisse à sa suite dans les froufrous, et blotti là-dessous, dans le noir, le douillet et le chaud, j'attise les braises avec beaucoup de doigté. Il ne faut ni souffler trop fort, ni laisser la braise s'étouffer : tout un art délicat à pratiquer à quatre pattes. Art du souffle qui attise mais point trop. Discret. Retenu.
Avec beaucoup d'expérience, j'ai appris à souffler très lentement et longuement et à inhaler à pleins poumons les parfums délicieux et parfumés là-dessous prisonniers, ces sucs révélés par la douce chaleur des braises de bois tels ceux d'une volaille annoblie par le foie gras glissé sous sa peau et qui mijote lentement au coin du feu, des heures dans une cocotte.
Je suis totalement récompensé lorsque j'entends le souffle lent et régulier de la dame qui règlant sa respiration sur la mienne, s'est assoupie.
Mon métier est vraiment un métier d'homme.

jeudi 11 octobre 2012

CONSIGNE DU 101012

Pendant que certains se la coulent douce à la médiathèque, d'autres travaillent pour la société.
c'est comme ça, qu'est-ce qu'on peut y faire ?
Ceux qui étaient absents hier, c'est à dire peu en fait, trouveront ci-dessous la consigne :

Nous avons décidé cette année d'écrire "l'autobiographie des objets" (voir le livre de François BON, le bon) ou ce truc là-dessous :

 http://www.dailymotion.com/video/xr7k2m_autobiographie-des-objets-francois-bon_creation

Chacun sera maître de la prochaine consigne quant à la forme, la prochaine fois ce sera Nâto puisque nous allons chez elle, (je dis ça arbitrairement) qui s'y collera. 
Là c'était au tour de Linette qui nous a improvisé une chaufferette de derrière les fagots avec une phrase extraite de l'un (et de tous les) chapitres d'un livre dont j'ai oublié le nom mais où il est question d'auto portraits.
"JE FAIS UN METIER D'HOMME" 




vendredi 5 octobre 2012



des allumettes des vêtements
est-il besoin d’en dire d’avantage 
de s’affairer 
elle pensait la même chose
ses joues rondes




des personnes qui n’ont jamais existées
à visiter
glissent irrémédiablement vers le vide
il s’est incliné
celles qui pouvaient marcher sont parties
la fin du calvaire 
était si proche
couvert de papier fleuri


phrases piquées à l'aveuglette 
dans "Le cercle des amateurs d'épluchures de patates" 
de Mary Ann Shaffer et Annie Barrows 

poème express

- s'il y a un cochon ici, c'est toi !
- comme c'est agréable
elle posa son oeuvre pleine de boursouflures
craignant soudain que ces homosexuels ne soient des esthètes qui snoberaient son gratin de pâtes.

(une semaine avec ma mère / William Sutcliffe)

mardi 2 octobre 2012

CE QUI ME FASCINAIT...

"Ce qui me fascinait le plus quand nous arrivions,..., c'était la surdité de mon grand- père. Il répondait distraitement ou plutôt froidement à mon bonjour de petite fille. D'ailleurs, il ne répondait pas, il continuait ce qu'il avait entrepris et ma curiosité pénétrait par effraction dans son cerveau. Qu'il bêchât le jardin ou lût la gazette du village, ses yeux restaient étrangement perdus dans le vague et se teignaient souvent de tristesse.
Je m'asseyai sur le bord de ses cils et je voyais alors défiler des légions de soldats. Les obus sifflaient à mes oreilles peu entraînées aux bruits des batailles et je voyais ses amis tomber les uns après les autres dans des fossés profonds aux humeurs putrides. Il m'en apprit le nom: les tranchées. Et mon grand- pére avait dressé des barrières tout autour de ce mot. Aux quatre coins, en sentinelles diligentes, son fusil et trois autres volés il ne savait plus où ni à qui, veillaient sur un paysage de mort. Et il se retranchait du matin jusqu'au soir, même la nuit rajoutait ma grand- mère, au fond de ce sillon d'où rien jamais ne germerait. Et moi, toute petite, recroquevillée contre les ailes de son nez qui me protégeaient des mauvais vents, j'assistai impuissante à la débâcle de ses souvenirs.
Prisonnière entre le rire et les larmes qu'il croyait retenir, je me laissai glisser au creux de son oreille pour lui mumurer que même s'il était vieux, même s'il était grand et maigre, même s'il avait perdu ses cheveux dans le chaos angoissant des mitrailles, même si ses yeux d'où ne filtrait aucune tendresse me faisaient peur quelquefois, je ne demandais qu'à l'aimer.
Mais le silence, un silence insondable s'est installé de lui à moi. Il s'est couché sous cette terre qu'il avait mordue les jours de bise et de froid.
Alors moi, dans les nuits où se lèvent mes morts, je le vois se lever Et s'il veut me prendre dans ses bras une fois, rien qu'une fois, j'acquiescerai, et durant un instant nous serons ensemble, et durant un instant je t'assure je pourrai écrire au nom de tous deux, en supprimant le presque, que nous serons heureux..."


lundi 1 octobre 2012

... Du printemps

Noir / Blanc    Clair / Sombre
Noirs vêtements mettant en valeur
Par contraste, les chairs blêmes.
Martèlement des pas du coureur effectuant un grand cercle
Sur un rythme identique pendant 80 minutes.
Longues chevelures des danseurs
Entrant progressivement en scène
Et marchant sans relâche sur un rythme inégal
Selon une chorégraphie dont  l'évolution
Est à peine perceptible.
Danse rituelle sur la forme primitive de la ronde,
Le désordre apparent de la déambulation de chacun heurte
L'ordre de l'ensemble, dans une mise en espace collective
Dont les codes nous échappent.
Chacun pour soi (individu) et tous ensemble (collectif).
Ni pathos, ni émotion.
Vêtements semblables et tous différents.
Nous sommes spectateurs au vrai sens du terme.
Peu à peu, au rythme de la sortie des danseurs
Nous sommes invités à rejoindre le cercle,
Ils nous ont fait de la place.
Nous pouvons entrer dans la danse.

       Temps - Corps - Durée

Courir avec le temps, dans le temps,
Non, contre le temps, pour les performances.
Peu à peu, le vieillissement apparaît
En ôtant des couches successives,
Comme si prendre de l'âge, c'était abandonner
A chaque étape une peau,
Muer.
Cheveux, vêtements disparaissent.
Les gestes s'ouvrent en grands vols
En couple, en groupes qui se diluent, se recomposent autrement.
Marche dans le temps, avec le temps
Sauts, bonds, naissance à autre chose.
Enfin, les corps sveltes aux chairs défraîchies
Dans toute leur nudité dérangeante et
Admirable parce qu'assumée.
Tous sont un / chacun est tous.
Course en avant vers une transformation.
Communauté qui se relaie.

... Mystère du début.
Qu'est-ce ? Théâtre ? Danse ?
Où va-t-on ? ...
Le mystère, peu à peu s'éclaircit.

Longtemps, longtemps portés, par le rythme
Le martèlement des pas,
Pour entrer dans la danse avec eux
Pour nous aussi être dans le collectif
Etre dans le temps et non plus contre
Pour accepter le temps, le corps vieilli
Accepter tous les autres
S'accepter soi-même
Accompagné par la musique et la mise en espace.


Chorégraphie : T. Thieû Niang et J.P. Moulères, 25 danseurs amateurs âgés de 60 à 80 ans, avec Patrice Chereau, acteur-lecteur d'extraits de "Cahiers" de Vaslav Nijinski, Musique : "Le sacre du printemps" d'Igor Stravinski, direction P. Boulez - 29/09/2012