vendredi 31 mai 2013

Assises Internationales du Roman 2013 : Pierre Bergounioux

Jeudi 30 mai, Pierre Bergounioux était l'invité de AIR aux Subsistances à Lyon. 
Pendant une heure trente, il a dialogué avec des revenants : G Bachelard, P Bourdieu, M Genevois, V Yankélévitch ...
Lors de cette "Petite conversation avec des revenants", ses fervents lecteurs ont pu retrouver le lecteur insatiable, le grand érudit et sa haute exigence, le récupérateur de mémoire.
P Bergounioux, à travers ses écrits, interroge le monde, invente de nouveaux outils pour le dire et le penser, ce faisant il nous aide à l'élucider.

Merci

En guise de clin d'oeil, voici une photo que m'avait envoyée Daniela de la Médiathèque de Saint-Etienne lors de sa venue  dans notre ville.


P Bergounioux en compagnie de L Bourg (les autres se reconnaîtront)

mardi 28 mai 2013

une porte basse dans le bûcher de la beauté

Derrière les habitudes de la fenêtre, la blessure noire de l'encre quand le jour communique avec cette caresse crissant sur le grain du papier. Face à l'éternelle douleur de la nuit répond l'éloquence du simple un peu méditatif qui, ramenant une parole de l'autre rive, tourne autour de la coupole du poème comme le méditant cherche à enclore ses songes dans un ultime mandala. Dans l'étrangeté de sa langue, il n'a nul besoin de gomme , mais simplement d'accrocher son regard à l'attrape-rêves qui oscille à la poignée de la fenêtre et d'en ressentir toute la palpitation étouffée puis de regarder scintiller ce rien qui nous est propre. Dans la rosace des mots qui s'écrivent alors, d'où suinte parfois la ferveur de la mélancolie, la constellation d'un voile d'aube brille puis s'éteint lorsque la langue blanchie glisse puis accoste sur la rive du dernier mot.

 (photo prise sur la page facebook de la librairie Quartier Latin qui a partagé la photo issue de Improbables librairies, improbables bibliothèques)

dimanche 26 mai 2013

Charmes et résidus

Gérard Genette dans "Apostille" à la lettre B comme Bricolage, cite C. Levi-Strauss qui, comparant les rhums industriels vulgaires et brutaux avec les rhums artisanaux moelleux et parfumés constate la supériorité gustative des seconds et  conclut que les impuretés d'une préparation archaïque favorise  la persistance et la finesse du goût.
G Genette y voit la métaphore du "paradoxe" de la civilisation, "dont les charmes tiennent essentiellement aux résidus qu'elle transporte dans son flux".
Dans ce monde aseptisé vers lequel nous nous dirigeons, je fais mienne cette métaphore

Yport ( Haute Normandie )

Falaise entre Yport et Etretat

samedi 25 mai 2013

CREUX

Vous ajouterez de la beauté au monde. Il en a grand besoin. Saturé d'objets, de signes, de règles ; monde hérissé de pointes de sonnettes aiguës, de faits arrache-coeur, l'un gommant l'autre, mais stratifiant la terre de poisons scintillants. Rien ne nous appartient.
Décide toi à me rejoindre du côté des histoires mortes. Je m'écaille, je pèle, j'ai beau m'hydrater, me pelling-uer, me rhassoul-er, muer, impossible de désincruster la tristesse de ma peau de chagrin ; tristesse tatouage sur le grain de papier.
Je marche dans la rue, au hasard, sur des surfaces molles et gluantes ou si dures et glissantes qu'elles me raidissent les talons. Pas de prise. Aucune porte à laquelle frapper, si ce n'est à celle d'une maison d'où suinte la ferveur de la mélancolie. Les organes de la cathédrale de mon corps jouent leur partition particulière, autobiographie à usage interne, la rate de mon spleen raté, le pancréas de mes blessures béantes mais cachées, la blessure noire de l'encre des mots tués, le remugle de mes serpents digestifs enroulés sur leurs terribles batailles, quand les corps se laissent aller à leurs fluides, jamais aucun poème n'aura cette force.


Du courage, pour la femme,
Du courage, pour la femme.

La nuit ne communique plus avec le jour. Mais elle l'attend, comme si le jour allait sauver les meubles, comme si l'espoir de la lumière permettait l'espoir insensé de la délivrance.
La machine à explorer le temps s'est arrêtée sur une date annexe ; quel genre de garagiste trouvera la panne ? 
- Un peu plus haut mon brave, allez jeter un œil du côté du  cœur
    qui bat, qui bat 
qui flotte au vent comme un étendard dans l'éternelle douceur de la nuit.

vendredi 24 mai 2013

consigne du 23 mai (2)

II. Ecriture chirurgicale

Prenez une pointe de crayon
Dessinez les contours du récit
Gommez les adverbes, le trop-plein des substantifs
Puis posez un voile parfumé sur l’énigme que vous souhaitez développer
Donnez vous pour règle d’ajouter une beauté simple à la narration
Procédez à l’endormissement de vos dispositions correctives
Ne vous acharnez pas sur votre labeur, vous ne partez pas pour une terrible bataille envers et contre vous
Renoncez à la force guerrière du bien dire
Ecrivez comme si vous posiez une caresse crissant sur le grain du papier
Dites vous que vous faites apparaître un sens non-né
Il n’y a rien de plus majestueux qu’une douleur de l’écrire soumise à l’anesthésie du mouvement de l’être en-train-de-devenir-l’écrivain-qui-s’ignore-encore
Pansez les blessures noires de votre amour propre, de vos humeurs moroses, de vos désirs déçus
Avec un phonoscript enregistrez vous, puis écoutez le nouveau monde qui commence à poindre
Recousez les morceaux de chair de vos brouillons épars, comme si vous entriez dans une maison génoise : respectueusement
Ajoutez de la ferveur à vos ultimes mots
Le dernier jour, relisez-vous à travers le miroir magique de l’oubli de la nuit. Vous y verrez les rouages de la machine à explorer l’imaginaire qui se sont joués de vous.
Faites lire votre texte : le lecteur, l’éditrice, s’y verra comme si vous aviez écrit pour elle, pour lui, sur elle, sur lui
Cette lecture recomposera votre récit, le réinterprètera, y déposera sa propre légende, sa propre patte.
Vous aurez peut-être le sentiment de vous éteindre comme une peau de chagrin, d’être une lanterne qui a épuisé son huile d’avoir trop brillé, constellé, scintillé.
Ne croyez pas que vous avez raté, n’arrachez pas les pages
Abandonnez délicatement votre texte comme on offre un filtre d’amour à l’absente, portez au bûcher votre possessivité, votre lâcheté, votre mélancolie.
Laissez le texte s’incorporer en nous :  il deviendra œuvre, abandon de la simple présence.

consigne du 23 mai

I. Chirurgie esthétique


Prenez une pointe de crayon
Dessinez les contours du nez
Gommez les cernes, les rides
Puis posez un voile parfumé sur ce visage
Donnez vous pour règle d’ajouter de la beauté
Procédez à l’endormissement
Ne vous acharnez pas sur votre labeur, vous le partez pas pour une terrible bataille
Renoncez à la force guerrière de la chirurgie
Opérez comme si vous posiez une caresse crissant sur le grain de cette peau
Dites vous que vous n’ôtez pas de la laideur mais que vous faites apparaître une nouvelle aube se laissant aller à ses fluides, à ses humeurs, à votre désir
Il n’y a rien de plus majestueux qu’une douleur qui s’ignore soumise à l’anesthésie
Pansez alors les blessures noires laissées par votre bistouri
Avec l’aiguille, recousez comme si vous entriez une cuillère dans une génoise délicate
Ajoutez de la ferveur à vos derniers gestes
Le lendemain, tendez le miroir à votre patiente. Elle s’y verra comme si elle venait de voyager dans une machine à remonter le temps, ses pattes d’oie auront disparu comme une peau de chagrin
Elle vous considérera comme sa lanterne magique, vous aimera comme si vous lui aviez administré un filtre d’amour. Méfiez-vous : ne lui arracher pas le cœur. Sortez de sa chambre, quittez sa vie. Entrez dans la mélancolique légende. 

consignes de l'atelier du 23 mai

Linette avait apporté la consigne : d'abord un extrait du livre "Le fanal bleu" de Colette, où plusieurs mots étaient soulignés :
l'enveloppe ; un coupe-papier ; la pointe du crayon ; la sonnette ; ma montre ; le journal ; une gomme ; une règle.

Voici sa consigne : Vous choisissez un objet souligné dans la page du "Fanal bleu" de Colette ayant un rapport de près ou de plus loin avec l'écriture
Ou alors un objet de fiction pris dans la littérature :
- la peau de chagrin
- la patte de singe
- le philtre d'amour
- le phonoscript
- l'arrache-coeur
- la lanterne magique
- la machine à explorer le temps
- le miroir magique...
auquel vous associerez une ou plusieurs phrases extraites de "Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants" de Mathias Enard.
dans un texte de votre choix.

"La nuit ne communique pas avec le jour. Elle y brûle. On la porte au bûcher à l'aube"

"Et, plus que tout, le dessin, la blessure noire de l'encre, cette caresse crissant sur le grain du papier"

"Les hommes sont des enfants... ils s'accrochent à des récits, ils les poussent devant eux comme des étendards... on les conquiert en leur parlant de batailles, de rois et d'éléphants... mais tu sauras que tout cela n'est qu'un voile parfumé cachant l'éternelle douleur de la nuit"

"Vous ajouterez de la beauté au monde. Il n'y a rien de plus majestueux qu'un pont. Jamais aucun poème n'aura cette force, ni aucune histoire"

"... une porte-basse dans une maison génoise d'où suinte a ferveur de la mélancolie"

"Décide-toi à me rejoindre du côté des histoires mortes"

"Rien ne nous appartient. On trouvera de la beauté dans de terribles batailles, du courage dans la lâcheté des hommes, tout entrera dans la légende"

"... loin de ces moments de laideur préfigurant la mort, quand les corps se laissent aller à leurs fluides, à leurs humeurs, à leurs désirs"

"Apparaître, poindre, briller, consteller, scintiller, s'éteindre"

mercredi 22 mai 2013


comment peut-on vivre seul avec ses rêves ?
peut-être avoir juste entre les doigts l’instrument qui trace les lignes 
écrit 
dessine 
gratte la terre 
griffe la peau 
file 
fine tige de bois 
plume 
mine plomb 
stylo encre 
crayon couleur 
baguette 
poinçon 
aiguille
fil 
est-il vrai que sans objet le monde n’a aucun sens ?
mais quel objet ?
juste la feuille
celle verte ovale au creux de laquelle je gravais mes mots secrets
près de la haie dans une cour d’école ?
celle d’un cahier quadrillé écrite à l’encre invisible ?
celle que je recouvre ce soir de tous mes doutes ?
toutes les feuilles que je peux inlassablement
lire 
plier 
écrire 
déplier
froisser 
déchirer
griffonner 
gommer 
raturer 
coudre
découdre
feuilleter
relire 
et qu’elles me livrent leurs secrets 



lundi 13 mai 2013

Le plein et le vide



Des années durant, j'ai accumulé des objets. 
Enfant - papiers colorés, coquillages, perles, feuilles et soies des épilobes dont je remplissais les marrons que mon père évidait et taillait pour en faire de minuscules berceaux rembourrés … , tout cela rangé précieusement dans des boîtes sous mon lit-.
Puis, ce furent des objets plus pérennes, non pas de plus de valeur affective mais moins périssables et industrialisés : petites bagues, livres, crayons, carnets, cahiers, billets d'amoureux … Quand les personnes aimées commencèrent à disparaître autour de moi, je fis vivre leurs plantes, collectionnais leurs objets, vases, bibelots, photos, lettres. Dans ma famille, je suis l'objet de risée « Annie et ses petits objets ». Pas un besoin de remplir, en tout cas pas conscient, mais un bien-être de me sentir entourée de ces objets qui me parlent d'un lieu, d'un ami, d'une époque, d'un sentiment. Plusieurs évènements -cambriolage, incendie- me démunirent de beaucoup d'entre eux auxquels j'attribuais une valeur vitale et sans lequels je vis très bien, parfois même avec un certain soulagement. Plus heureuse de penser à eux, de les revoir en pensée que de les posséder. Ils ne m'apparaissent que plus précieux, plus évocateurs, en faire le tour en pensées ou en rêves me fait découvrir beaucoup plus de leurs attraits que lorsque je les avais sous les yeux. Je vis avec eux, ils sont en moi, me constituent et ne sont plus muséaux.
Peut-être est-il là le secret des objets ? Quand on les a perdus, croit-on, et qu'ils sont en nous, chair de nos rêves, chair de nos vies, toujours efficaces, dont on n'a jamais fait complètement le tour, indispensable alchimie agissante en nous.
Depuis quelques années, j'ai souvent l'intention de faire le vide, un grand ménage, faire rentrer l'air pour qu'il circule mieux à l'intérieur, désemcombrer. Impossible de m'y résoudre. Le geste ne vient pas, je ne peux résolument pas me défaire d'eux. Il faudra que ce soit eux qui se défassent de moi. Par la grande vieillesse … par le retrécissement forcé de l'espace … par … ?? Je l'ignore encore mais je sais que ça se passera ainsi, je le sais.
Récemment, sur ma demande réitérée, nous avons repris une concession familiale dans le cimetière de Bourdeaux. J'ai maintenant un lieu où iront mes os, mon corps. Je le voulais. Je voulais le voir, savoir où il serait, le choisir. Cette tombe est minuscule, entourée de fines grilles en fer forgé, ornées de trois petits coeurs de métal émaillé, sous des chênes, tout en haut du cimetière en étages, surplombant le Roubion. Je n'y veux pas de pierre, pas de caveau, simplement la terre, que mon corps nourrisse quelques plantes. Aucun objet, un thym, un romarin, les plantes aromatiques les plus courantes, quelques fleurs sauvages et vivaces pour un peu de couleur. Ce sera une autre phase de ma vie : après avoir été objets de mon désir, les objets disparaîtront. Je n'aurai plus alors besoin de chercher chaleur, affection et confiance comme dans l'enfance ; identité, sens à la vie comme dans mon adolescence ; affirmation, premiers regrets, premières souffrances comme dans ma vie d'adulte ; ou attachement à un passé regretté et précieux comme aujourd'hui.
Je serai enfin zen, il me poussera des plantes au bout des orteils, dans les oreilles et les cavités oculaires. Je n'aurai jamais été aussi vivante, le vent fera vibrer mes jeunes pousses et la pluie éclater mes couleurs. J'entendrai bruisser le vent, murmurer le Roubion et je pourrai enfin profiter des longues nuits d'été vibrantes d'étoiles et des longs hivers bien au chaud sous une épaisse couche de neige. Désencombrée de tout, des objets, de moi-même, du temps, j'aurai l'éternité pour profiter de tout ce que j'ai toujours remis à demain faute de temps, faute de place.
En attendant, cette tombe sera un lieu privilégié de balade rêveuse : J'ai encore de longues années de rêveries créatrices et je me vois bien, l'été, aller bronzer sur ma tombe, quelques livres en main, mon appareil-photo dans l'autre, pour, -allongée sur le dos- pendant de longues heures, regarder se déformer les nuages et les fixer en numérique.

chronique d'hiver

Paul Auster, Chronique d'hiver, Actes Sud, (2013 pour la version française), p.246 :

"Pour faire ce que tu fais, il te faut marcher. Marcher, c'est ce qui attire les mots à toi, ce qui te permet d'entendre les rythmes des mots à mesure que tu les écris dans ta tête. Un pied en avant, puis l'autre, le double battement de tambour de ton coeur. Deux yeux, deux oreilles, deux bras, deux jambes, deux pieds. ceci, puis cela. Cela, puis ceci. Ecrire commence dans le corps, c'est la musique du corps, et même si les mots ont un sens, s'ils peuvent parfois en avoir un, c'est dans la musique des mots que commence le sens (...) L'écriture comme forme intérieure de la danse".

samedi 11 mai 2013

"L'innocence des objets"

Il s'agissait d'organiser les objets : en musée, en vide grenier, en panthéon, en collection, en bibliothèque, en bordel personnel, en brocante, et même en tombeau
on pouvait en faire un objet de son désir, ou de sa répulsion, de sa curiosité.
Objet de la preuve, ou objet non identifié.

" J'ai écrit une fois sur un prince impérial qui s'était dépouillé de tout ce qu'il possédait afin de pouvoir devenir lui-même et qui s'était retiré dans un modeste pavillon de chasse pour vivre seul avec ses rêves. Ce prince parvint finalement au douloureux constat que, sans objets, le monde comme sa propre existence n'avait aucun sens. Il semble apparemment impossible de découvrir le secret des objets dans un immense chagrin. Et nous devons humblement admettre la vérité de cet ultime secret."

 "EXTRAITS des Carnets de Celal Salik"

Tiré du livre d'Orhan Pamuk, ce texte qui clôt son livre : L'innocence des objets *

 *disponible à la bilbiotèque de l'ENISE


dimanche 5 mai 2013

écrire

voici le lien de l'émission de "ça peut pas faire de mal" sur France inter (le samedi) à propos de l'oeuvre de Anaïs Nin. Très belle émission dont les dernières minutes font écho à la consigne de MP sur l'écrire... : lien

http://www.franceinter.fr/emission-ca-peut-pas-faire-de-mal-loeuvre-danais-nin

vendredi 3 mai 2013

Sourire printanier

Et pourtant, le ciel nous souriait hier soir. Pas de panique, nous sommes seulement entrain d'entrer dans un climat tropical