mercredi 29 août 2018

Cartographie # 14 : vue du ciel : Survoler la carte SANS/SUR de moi

Je vais faire SANS
Google earth me donne la nausée
et je suis réfractaire à l'expression "sur" en matière de géographie
(je suis "sur" Lyon en ce moment)
au même degré que ceux qui "font"
(j'ai fait La Séauve-sur-Semène la semaine dernière, la Lituanie le mois dernier et les Gorges de Toutenun hier après midi)
Mais je vais quand même faire AVEC
Je ne suis pas de celles qui vendent leur billet d'avion (hum hum)
car même si je n'aime pas la sensation 3D, j'aime planer au-dessus des cartes, comme vous le savez déjà par mes rêves.
Je suis donc dans le cimetière de Solignac, surplombant la maison où je suis née avec la petite Loire qui anime le bas du Champinet, mais ça aussi vous le savez déjà.
Je suis au ciel, aux anges, telle une Gabrielle, telle une Marie assomptionnante,
Je teste ce qu'il en est de faire le martinet, la chèvre
Je vois que la carrière de Mussic s'est bien agrandie, c'est à dire que la cavité est immense
je n'ai jamais trop su comment gérer les trous, les manques, les vides
je veux dire, tout ce qui est retranché, ça existe bien quelque part ailleurs
c'est comme avec les trous qu'on a dans le cœur et le vide qui étouffe
ils sont où les gravillons ? elles sont où les pierres ?
Ici, dans le cimetière, les trous ont été remplis par des cercueils, normal
c'est bizarre de revenir s'éterniser finalement juste au-dessus de là où l'on est né (mon père) où l'on a vécu pas mal d'années (ma mère)
je n'arrive toujours pas à me décider.
Autour de moi les morts s'accumulent
je vois bien qu'ils n'avaient pas pensé à tout
Mais les sociologues de la mort disent que les funérailles, ce sont pour les vivants.
Le 29 août 1956, j'étais dans le ventre de ma mère, je ne sais pas trop ce qu'elle fabriquait
Ils finissaient les moissons puisque ma naissance 2 semaines plus tard est liée au battage à la machine
Je ne sais pas pourquoi mes mois d'août sont toujours si rugueux, douloureux, fatigués.
Du haut du cimetière, toujours pas de réponse, et quand bien même...
On m'a demandé si je m'abonnais cette année, à ci à ça..
J'ai répondu "non, cette année, je me désabonne"
Prendre un peu de hauteur.

mercredi 22 août 2018

Cartographie # 13 : Sacré

Allez
Rac !
Au coeur de la carte
avoir tout oubli 
Happée par le vide d'humains relatif, le calme des bovines et les étendues de genêts
Je jeûne dans le silence et me gave d'air et de vent
je jeune dans mon enfance
tirée à 4 épingles sans vêtements
Tout à coup, je me suis retrouvée.
Ce qu'il faut d'années et de circonstances exténuantes
Pour arriver là !
Dans ce berceau ardu pierreux joyeux de quelques fleurs qu'il a bien fallut pousser
Aiguillonnée par ce plaisir de se laisser faire
de faire ensemble notre retour à chacun notre source
qui si elle disparaît parfois
resurgit en petits bouillonnements rés URGENTS
Un jour plantée dans cette carte
Un as du coeur, une solitaire
Une enfant unique et seule au monde
Comme si ma mère n'en avait pas enfanté d'autres.
Non vierge pleine de grâce 
Marie Marie
c'est elle c'est moi
Mon père aussi est dans la carte, mais c'est vers elle que je vais
valet de trèfle à 3 feuilles
herbe folle et cabriolant
Un jour déjà, happée par la pancarte du nom du lieu
mais il faudrait couper la route, tourner à gauche brusque
-on ira une autre fois-
Cette pancarte comme une flèche entre les 2 pans de rideau rouge
qui ne laisse rien deviner de la pièce et du décor qu'ils cachent
Je n'en suis pas revenue.
mais j'ai tout reconnu, elle avait couru dans les genêts, elle avait ramassé les cailloux
et les pignes
elle n'avait jamais pensé que là-bas derrière les petits pins, on pouvait rêver à la mer.
Moi si.
Se garer près de la petite église, toujours chercher le clocher, l'amer ou s'arrimer
Settebello
une collection de clochers dans ce mouchoir de poches de la carte
Donner une pomme au cheval timide dont le pelage se confond avec les pierres
Marchons dans le village comme si j'allais avoir l'illumination du lieu d'origine.
En fait d'Illuminations, ramasser le Petit Rimbaud dans sa boîte à livres et le mettre dans ma poche, pour toujours.
Aucun nom connu dans le cimetière, mais des vivants charmants. On se fait cousins cousines, après tout, on est tous un peu de là-bas.
On continue la quête et l'enquête, on continue d'hachurer les moindres recoins, 
entre les plis et les sucs. 
De retour, vérifier les inventaires :
comprendre qu'ils habitaient un hameau du hameau
un hamelet peut être si ça se disait.
je rêve ces temps, que je rate trains et avions, 
mais que de toutes façons je ne saurais pas lesquels prendre, 
parce que je ne sais pas trop où je veux aller.
je crois que je veux rentrer dans mon sacré moi.

mercredi 15 août 2018

la force de la carte

quand tout est chamboulé, qu'il n'y a plus rien pour se raccrocher, quand les prises cèdent, que le gouffre là derrière le lac s'offre à soi... oui, il faut bien sauter (symboliquement parlant), aller ! va !


  sauter dans le vide du ciel.

Maintenant, perçois-tu malgré ton chagrin, cet aigle blanc qui suit les souffles, sans aucun battement d'aile, sans effort, et te montre le chemin, t'invite à faire comme lui ? Il se rapproche de toi, te regarde, fait de grands cercles autour de ce petit être que tu es, ce petit moustique. Tu n'es pas une proie pour lui (il préfère dénicher les bébés marmottes frileux et peureux). Il observe ta maladresse, ta fragilité née de la plus profonde des solitudes.

Il te dit que même la mort n'est pas solitude, du moins pour celui qui est décédé, car le défunt a tout oublié. Le vivant, lui, tout minuscule, est mort intérieurement, et malheureusement il le sait. Alors...

Demande-moi, dit l'aigle...

L'aigle répond : tu n'as pas le choix sauf de constater ta finitude. Qui est aussi une infini-tude, car - sais-tu -, derrière la montagne qui bouche ton horizon,  il y a d'autres montagnes et des plaines et des rivières, des cascades, des pierriers... je te le promets ! Bien sûr, de là où tu te trouves, tu ne vois rien, pas encore.
Commence par observer ce pic de pierre dressé très droit : c'est ta résistance  (souvent, trop forte, qui t'a amené à trop souvent accepter l'inacceptable) et puis ce massif au fond: c'est ta force totalement gratuite, généreuse (et qui effraie souvent les autres). C'est tout ce tu es.  Rien d'autre. Mais c'est bien ainsi. C'est suffisant.

mardi 14 août 2018

Carographier le Sacré # 13 (suite)

     Continuer la déambulation dans le périmètre de mon parcours.



Portail de l'église de Dore l'Eglise dans le Puy de Dôme petit chef d'oeuvre d'art roman.

Stèle gallo-romaine côté ouest du portail.

jeudi 9 août 2018

Cartographier le sacré ? ... suite (2)


Quand je me penche sur cette carte au 25 000 millième, bien que je l'examine à la loupe depuis plusieurs mois maintenant, bien d'autres lieux que ce Chemin de la Galine m'évoquent des moments empreints de sacré ; parfois simplement effleurés sans que j'en sois consciente, parfois effrayants tant ces sentiments m'apparaissaient trop vastes, parfois attirants comme un aimant sans que je fasse réellement un pas pour l'étreindre ; il m'a fallu atteindre la soixantaine pour oser me laisser toucher par la spiritualité, pour que le mot même cesse de m'effrayer ; et plus encore, si je me plonge dans les textes que cette carte m'a inspirée.
Ainsi, je sais que nous n'avons que récemment, pris forme humaine. Nous venons d'une chaîne ininterrompue, à travers le premier poisson apprenant à marcher sur terre, sentant ses écailles devenir ailes, à travers les migrations de l’âge glaciaire. Dans notre long voyage planétaire, nous avons pris beaucoup de formes anciennes oubliées maintenant.  Nous nous souvenons de certaines de ces formes dans le ventre de notre mère, revêtant des vestiges de queues, de branchies et faisant pousser des nageoires à la place de mains.
Un nombre incalculable de fois durant ce voyage, nous avons quitté les formes anciennes, laissé tomber nos vieilles habitudes afin d'en laisser émerger de nouvelles. Mais rien n’est jamais perdu. Bien que les formes passent, elles reviennent. Chaque cellule usée est consommée, recyclée… à travers les mousses, les sangsues et les rapaces…
J'aimerais toujours me souvenir - encore et encore - des anciens cycles , m'appuyer sur eux dans les moments difficiles. Par ma nature profonde et par le voyage que j'ai fait, il y a en moi une profonde connaissance de mon appartenance à laquelle j'aimerais avoir sans cesse accès pour mieux entrer en contact avec moi-même en tant que mammifère, en tant que vertébré, en tant qu’espèce qui n’est que récemment sortie de la forêt tropicale. Quand le brouillard de l’amnésie se disperse, ma relation aux autres espèces et ma responsabilité envers elles, se transforment. Je prends conscience de ma vraie nature. Au fur et à mesure que ma mémoire s’améliore, je m' identifie avec toute vie, 
Mais ce n'est pas tout : Chaque atome de mon corps existait avant l’apparition de la vie organique il y a 4.000 millions d’années.
Et, vous, vous souvenez-vous de votre enfance en tant que minéraux, en tant que lave, en tant que roche ? 
Pourquoi les regardons-nous de haut avec un air condescendant ? Ce sont eux qui sont notre partie immortelle.
Maintenant que nous avons entrepris ce voyage intérieur, nous avons trouvé la partie de notre être la plus intime, la plus pérenne aussi ; celle que les mites, la rouille, l’holocauste nucléaire ou la destruction du patrimoine génétique de la forêt ne peuvent pas corrompre. La peur et l’anxiété qui nous  accompagnent constamment, peuvent commencer un peu à se dissiper 
Cet espace désintéressé que nous avons trouvé ressemble peut-être à la méditation.


... et en bonus des extraits de ...



 « Le Cosmos et le Lotus »  de Trinh Xuan Thuan

Trinh Xuan Thuan, né en 1948 à Hanoï, au Viêt Nam, astrophysicien et écrivain vietnamo-américain, d'expression principalement française

« La spiritualité, au même titre que la poésie ou l’art, constitue une fenêtre complémentaire à la science pour contempler la réalité ; en ce qui concerne la connaissance du monde, même la raison a ses limites. Il nous faut donc faire appel à d’autres modes de connaissance comme l’intuition mystique ou religieuse, l’art ou la poésie pour nous rapprocher de la réalité ultime. Les Nymphéas de Monet ou les poèmes de Rimbaud nous éclairent autant sur le réel que la physique des particules ou la théorie du Big Bang. »
 « La physique moderne a non seulement démontré l’interdépendance du monde des particules et de l’univers, mais elle a aussi mis en évidence l’intime connexion de l’homme avec le cosmos.
Nous savons aujourd’hui que nous sommes tous faits d’atomes fabriqués lors de l’explosion primordiale d’abord, et lors de l’alchimie nucléaire des étoiles ensuite.
Les atomes d’hydrogène et d’hélium qui constituent 98% de la masse totale de la matière ordinaire dans l’univers ont été générés pendant les trois premières minutes de son existence. Les atomes d’hydrogène dans l’eau des océans ou dans notre corps proviennent tous de cette soupe primordiale. Nous partageons tous une même généalogie cosmique qui remonte à 13,7 milliards d’années, l’âge de l’univers.
Quant aux éléments lourds essentiels à la complexité et à l’émergence de la vie et de la conscience, et qui constituent les 2% restants, ils ont été fabriqués dans les creusets stellaires et les supernovae, morts explosives d’étoiles massives.
Nous sommes tous faits de poussières d’étoiles. Frère des bêtes sauvages et cousins des fleurs des champs, nous portons tous en nous l’histoire cosmique.
Le simple fait de respirer nous relie à tous les êtres qui ont vécu sur le globe. … »





vendredi 3 août 2018

Cartographier le sacré ? (1)


Quand tout bruit animal ou humain cessait, ce moment particulier que les africains appellent le petit soir, juste avant le coucher du soleil, j'aimais aller m'asseoir derrière la haie, loin de toute présence humaine ; je regardais la route, l'horizon et j'attendais.
J'avais huit-dix ans ; ma grand-mère imaginait que j'attendais mes parents, qu'ils devaient me manquer puisqu'ils me laissaient là dans cette ferme sans confort pendant deux mois. Je les attendais sans doute un peu, un tout petit peu ; ce que j'attendais surtout, était cet instant translucide et silencieux, aux ombres si longues, où tout apparaissait si doux, ce moment gros de la nuit à venir. J'écoutais chaque bruit se propager en ondes longues dans le silence général, j'observais intensément les ombres s'allonger, s'épaissir, la transparence de l'air avant que le ciel ne s'assombrisse et que la terre devienne plus claire que le ciel. Je pressentais que quelque chose se préparait, allait s'offrir à moi, quelque chose de plus grand que moi que je ne pouvais comprendre, à quoi j'aspirais pourtant de tout mon corps et de toute mon âme. La même attente que lorsque je regardais le soir, le crapaud dans les yeux, près du tas de fumier, le même mystère que dans le corps immobile et patient de la salamandre qui semblait endormie pour l'éternité. Mon coeur de petite fille se gonflait, ni tristesse, ni joie, peut-être un manque, un appel, non pas d'un ailleurs, mais d'un plus de vie, d'un présent plus plein, d'instants tous identiques à celui-ci, chaque jour, du réveil au coucher, d'une vie qui excède -non qui jubile- constamment ouverte au monde et aux autres, comme ce moment privilégié du petit soir.
Lorsque mon grand-père rentrait les vaches, préparait les seaux pour la traite, que ma grand-mère attisait le fourneau, je savais que je pouvais m'éclipser et que moi aussi, d'importantes tâches m'attendaient. Je prenais le chemin, allais m'asseoir dans le pré derrière la rase et m'installais pour participer à la magie. Curieusement, que le temps ait été au beau ou à la pluie, à cette heure-là, toujours il y avait accalmie : le vent tombait, la pluie ralentissait et la lumière, cette lumière que j'attendais, arrivait. Je n'ai jamais partagé ce moment avec quiconque, n'en ai jamais parlé. Nul besoin de partager cette vie intérieure qui déborde de soi ; elle suffit à accompagner un chemin de vie, à nourrir son for intérieur, là où puiser des forces quand elles viennent à manquer ...

... à suivre