mardi 26 novembre 2024

La Dame de Malacca

 


  
  

 La dame de Malacca ne fleurit que quelques heures pendant la nuit, on l'appelle aussi Dame de Lune. Son parfum subtile entrait jadis dans la composition de parfums très chers puis les instances ont décidé d'en réduire son usage car l'un de ses composants chimiques provoquait des allergies.

cette photo est faite par ma soeur, celle qui tricote des pulls en coton rose perle (éclipse) mais a aussi la main vert foncé et fait beaucoup de boutures et beaucoup de photos ; elle guette dans la nuit la floraison merveilleuse et éphémère, et si elle ne peut m'offrir son parfum, elle m'offre la photo. Je ne veille jamais aussi tard pour voir la dame éclore.

Malheureusement les images n'ont pas d'odeur, quoique...

En revanche je visite beaucoup les BAL et après avoir choisi la photo précédente je tombe sur cette dame de Malacca de Francis de Croisset, car ma vie n'est que digressions, coïncidences et sérendipité. Cette dame de Malacca-là ne sent pas le bentozate d'épipiphylum oxypelatum mais plutôt le grenier et la vieille cave.

(les images ont donc bien une odeur)

Et s'il y avait des BAF (boîtes à films) , peut-être pourrais-je y glaner la version Edwige Feuillère qui a un nom de plante non ? et joue l'héroïne qui épousa le sultan. Je pourrais dérouler la pellicule et chercher les images où la fleur éclot et l'amour aussi mais dure plus longtemps heureusement pour les amants.

La troisième image montrent des pains en train de faner à la fin de la nuit. C'est une photo prise sur une péniche pour les 20 ans d'une amie qui vivait beaucoup la nuit et qu'on appelait Lune et eut une vie très courte (et sa mère en mourut le jour de son enterrement, et son fils en mourut quelques années plus tard)

Quelle idée ce cadrage !

Immortaliser cette instant, cette scène de fête de 20 ans avec des pains en train de flétrir dans leur carton au premier plan ? à côté du sac plastique*. Les personnes derrière les pains sont à peine identifiables, de profil, de 3/4 dos. De la dame au bandeau, j'ai hérité d'une aquarelle - un bout ensoleillée de temple grec avec trois pierres entre les colonnes, placée en face de mon lit, en lieu et place des angelots (de la dernière fois).

Quant à l'homme** à ses côtés, il est originaire de presque Malacca, la péninsule d'or sur nos atlas

(**A partir d’un seul mot donné, il prononce un discours entier.)

*Pendant longtemps la chasse aux sacs plastique sur les photos a été l'obsession

jeudi 14 novembre 2024

Balbutiement d'une pensée (2)

 





Ouverture du coeur vs « Les tueurs »

Jacques Ellul a écrit "L'illusion politique" en 1977, il pourrait avoir été écrit aujourd’hui. Nous vivons dans une société de sur-consommation et de spectacles ; dans cette arène, plus le clown est grotesque, grossier, ridicule et méchant, plus il fait rire ; plus la blague est grosse et la tarte à la crème salée, plus on l’aime. Ce qu’on oublie, c’est qu’il est aussi dangereux. Le spectacle qui est constamment servi aux foules donne l’illusion que nous avons un pouvoir : pouvoir de voter, de dire non, d’élire, de s’opposer … alors que ce qu’il faut c’est sortir du spectacle, faire un pas de côté, refuser d’y entrer.

Nous sommes entrés dans la pire conjonction géopolitique envisageable. Ns sommes en droit de ns demander jusqu’où ira le monde dans l’horreur ? Notre avenir s’annonce noir. Doit-on pour autant désespérer ?

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Fabien se prosterne devant la biche, humblement au même niveau que l’animal qu’il respecte. Quiconque s’est déjà trouvé nez à nez avec un animal sauvage, piégé par les phares de sa voiture la nuit, a vécu l’émotion de ces yeux dans les yeux, de ce regard échangé, puis a vu l’horrible peur qui s’empare de l’animal, car oui les animaux ont peur de nous, êtres humains. Ils vivent tout près de nous, constamment, se cachent, ils sont là tout près dans les buissons, nous les ignorons mais nous cohabitons sans le savoir, sans vouloir le savoir car nous les terrorisons. Voilà ce que l’homme a fait de tous les autres êtres vivants sur terre tous ceux qui permettent sa propre vie. Aussi innombrables que soient les êtres vivants, je dois faire voeux de les sauver tous, là est notre seul salut.

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Nous essayons si souvent de comprendre, d’intellectualiser notre expérience, mais nous pouvons apprendre à entendre, à ressentir, à sentir et à goûter le monde sans avoir besoin de le comprendre. Si nous arrivons à faire disparaître notre fixation sur la pensée conceptuelle, alors les perceptions de nos sens deviennent plus claires. C’est comme une fenêtre dont la surface aurait été recouverte de poussière pendant longtemps : Petit à petit, au fur et à mesure que le verre est nettoyé, toute chose devient plus claire ... Lorsque nous sommes dans ce moment de perception directe, la pure musique d’un oiseau résonne à travers tout notre être. Elle nous met en contact avec le vide, d’une part, c’est à dire l’espace de notre esprit et une vie d’une expressivité sans cesse renouvelée.

Beaucoup de textes mettent l’accent sur le silence, la solitude et la nécessité de s’éloigner de la stimulation de la vie quotidienne pour permettre à l’esprit de se poser et de se détendre. Mais le monde peut faire beaucoup plus que nous offrir un environnement tranquille. Si nous développons notre attention, le monde naturel nous donne la possibilité d’avoir accès à l’intérieur de nous-mêmes et de demeurer dans la véritable nature de l’esprit...

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Le changement est la seule constante de nos vies, même si parfois nous le détestons.

Tout change continuellement : Les saisons se succèdent, les feuilles tombent, les bourgeons ré-apparaissent, les arbres portent des fruits et s’assoupissent en hiver, le jour alterne avec la nuit ; nous naissons, nous grandissons, nous mourons ; nous sommes nés, le soleil se lève et se couche, le vieillissement, la maladie et la mort font partie du paysage.

Malgré tout, nous brûlons de satisfaction de savoir ce qui va se passer. C’est pt-être la raison pour laquelle nous sommes si attachés à remplir notre agenda, cela nous donne la sensation de la prévisibilité.

J’aime que ma santé soit stable, pourtant je continue à vieillir, c’est vraiment nul de vieillir mais cette résistance ne change rien à certains faits fondamentaux. Ce changement dans ma vie ne cesse pour autant, je ne peux l’éviter, il est inéluctable. Et pourtant, j’accepte et j’intègre le fait que je ne suis là que pour une courte période ;

Plus je l’accepte et l’intègre, plus j’apprécie tout : la vie, les nuages, les arbres, les rivières, les montagnes … ma famille et mes amis … même les moustiques

Et si TOUT change continuellement, je ne peux m’empêcher de savoir que la situation actuelle, elle aussi ne durera pas, je ne peux m’empêcher de voir tous ceux qui font un pas de côté, refusent ce monde et construisent d’innombrables alternatives invisibles aujourd’hui, et d’aimer ce qui se profile même si je ne peux en imaginer la forme.

mercredi 13 novembre 2024

L'œil et la source/ 2



quelque chose cherche à se perdre et

s'est déjà perdu dans ces

vagues d'ombres où l'on se froisse et se défroisse dans chaque repli au sein d'une liturgie d'images, à tenter de lire dans ce jeu de hasard

où se tirent les cartes d'un réel de jadis



n'être que ce passant inoffensif de la contemplation d'un bras d'eau




dans ce templum, cet espace enclos tracé dans l'air par le bâton de l'augure pour champ d'observation en vue des augures,

s'ébauche la transfiguration de ce qui est, et du flou entre voir et penser

jeu de miroir dans le réceptacle à images lorsqu'on attend que puissent se dissoudre les nuages de l'esprit

premier plan et arrière-plan s'interpénètrent, la toile d'araignée ou la végétation, le feuillage ou le reflet de l'instant



et le bras d'eau derrière bien trop lisse





puis glissement du sens dans la survivance de l'image

que faut-il contempler: une mémoire à vouloir sauver, l'inquiétude d'un moment, un émoi dont on cherche un écho, une pensée magique

ou croire à une sentence gravée dans ces halos soudain révélés

qui s'imprègnent sur la rétine jusqu'à les voir alors même que l'on regarde dans une autre direction



tourbillon autour d'une pierre écorchant le bras d'eau







l'araignée aurait-elle son mot à dire dans ce hors-champ de la pensée entre ce qui semble être et ce qui, peut-être, est

l'incertain reste le guide de la pensée qui trébuche, chancelle, et vacille

entre ciel et terre et dans l'équilibre à conserver, le halo noir d'un réel enserre

jusqu'à résonner soudain en halonoir, en auréole de cendre durcie, dans la cartographie du champ opératoire



le vertige prend forme au-dessus du bras d'eau





halo: cercle brillant, lumineux, couronnant parfois le soleil ou la lune, dû à la réfraction de la lumière dans de minuscules cristaux de glace en suspension dans l'atmosphère lorsque celle-ci est brumeuse, vaporeuse.

pourrait-on évoquer le halo de la langue,

entre réflexion et réfraction d'une lumière qui scintille dans ce qui s'écrit

ligne mélodique où se déploie un thème infime à l'écart, la migration d'un motif, une fêlure dans le réel où s'auréole une pensée

 

aller, dériver, vers un atlas de halos




mercredi 6 novembre 2024

Balbutiement d'une pensée

 





Préambule : comment ça marche ?


Je choisis rapidement 3 photos, c’est vif, quelques minutes seulement. Dans un certain ordre, quasiment aucun surgissement, les trois demeurent statiques, seules, isolées.

 J’ai l’idée de les brasser comme on brasse un jeu de cartes, de jouer avec elles, là de suite ça parle, les pensées arrivent claires, immédiates. De l’immobile vers le mouvement, du mort (nature morte ) au vif, du statique au volatil, elles font choc aussi par leurs couleurs, elles vont vers le mouvement, la vie. Alors j’écris, sur de petites fiches carrées car c’est le seul papier que j’ai sous la main sur cette petite table ronde, dans cette toute petite pièce qui me sert à la fois de chambre à coucher et de bureau, dans cette vieille maison sans confort où nous avons choisi de vivre ; j’y reviens à plusieurs reprises, à la troisième fois pour confronter les idées ainsi jetées, n’en perdre aucune ni ne les répéter, je les juxtapose, pour construire aussi.

 

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Nature morte ? Pas si morte que ça, sous le poisson inerte et à sa droite, ça s’agite

L’oeil blanc, le manche blanc m’interpellent, les 2 clous répondent à l’oeil. Saillants ou en creux, il faut que je me force à les quitter pour regarder le reste de l’image, ils retiennent le regard. Contraste violent entre ce vert vivant, vibrant, nature morte aux poissons qui m’en rappellent tant d’autres, tout aussi dérangeantes, si l’oeil s’y attarde.

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Le repos, le douillet, l’envie de s’allonger, l’équilibre aussi mais l’arbre de vie bruisse, s’agite d’ailes, fourmille de vie, les couleurs vibrent comme la vie, comme les rêves, ça bouge là-dessous. Ca bourgeonne dans la tête comme au sommet de cet arbre. Becs et griffes, corps plein d’yeux, ça me regarde et m’appelle par les couleurs et les vibrations.

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Opposition entre la réalité photographiée où tout est mobile, volatil et l’image elle-même statique.

La flamme bouge, l’automne arrive, la réserve de bois attend, elle appelle la tranquillité, image au repos, immobile MAIS dans le mouvement de l’esprit qui se prend à rêver devant la flamme, qui s’attend à la voir bouger. La vitre aspire, attire comme un oeil immense, entrer dans le foyer incandescent, y plonger, s’y réchauffer.

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Le regard se creuse, la pensée se construit. Tout ça me fait penser à ma soif d’images saisissantes captées dans les films ou crées par mes lectures, soif de me construire un catalogue d’images auxquelles me référer quand les mots ne disent pas ce que je ressens, de m’en enrichir, c’est à dire de donner forme aux désirs non encore exprimés.

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Pendant ma méditation du matin, d’un seul coup, d’un seul, j’ai vu l’histoire que me content ces 3 photos. Se détendre permet de faire disparaître la pensée conceptuelle, alors les perceptions de nos sens deviennent plus claires. J’ai « vu » une frondaison qui frémissait, je la voyais étant moi-même en surplomb, un souffle d’air s’est mis à la faire onduler en vagues successives : les arbres (la terre) agités par le vent (l’air), ces deux éléments élémentaires entraient en scène ; vent qui a attisé le feu qui couvait en dessous, et l’eau s’est mise à déferler en longues vagues sur la plage, eau dans lequel nage le poisson ; sans les chercher, les quatre éléments sont venus à moi, et avec eux, la vie a explosé, la vie, le mouvement, la couleur, l’explosion et le jaillissement de la vie primordiale.

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Ce sont 3 photos que j’ai prises moi-même, je les ai choisies pour leurs couleurs, retenant celles qui m’attiraient le plus, sans préméditation ni me demander ce qu’elles pouvaient bien « à voir » ou « avoir » en commun


lundi 4 novembre 2024

 Regarder être regardé, être voyeur

qui regarde qui ?

 


Regards éclipses lunettes

Regards interrogation

qu'en dites-vous voyeurs ?

ma vie pendant les anges

la musique et les fleurs

regarder au-delà

interroger le spectateur

 

j'ai découpé l'image j'ai viré le Jésus

Dehors cueillir faire des colliers de fleurs

Regarder le ciel avec des millions d'autres au même moment

Je les regarde me regarder

Son regard de déshabillée souriante

franc sourire

et son regard à lui,  gêné

Une autre presque hors cadre, coupée , cueille aussi des fleurs

pour faire style que tout est normal

de dos par rapport à nous

nous offrant sa croupe

 

(cartel au musée du puy, les ramasseurs de patates)

(expliquer aux enfants comment il faut regarder, ce qu'il faut voir - deux images supplémentaires)

 

plus la main d'un autre homme, comme un pouce levé, un like de facebook

alors que là-bas, l'image y serait sans doute censurée

 

à travers nos lunettes nous regardons l'éclipse solaire du 11 août 1999

la lune qui passe devant le soleil, l'éclipse donc

dans ce jardin près d'Avignon, pas trop fini

Je me souviens précisément de la lumière sombre lorsque le phénomène commence à se produire

je me souviens du silence effrayé des bêtes

F. n'a pas de lunettes, il ne regarde pas la lune éclipser le soleil

il regarde C

Les anges baissent les yeux,

perdus dans leurs pensées

cueillant des fleurs, jouant de la musique

douceur chromo de ces bambins blonds

qui égayaient la chambre de mes parents

Maintenant ce bout dans la mienne, un peu caché

l'un des chérubins, hors cadre, pensif et mélancolique a longtemps habité mon portefeuilles

 

La femme nue regarde le peintre

pourquoi se retrouve t-elle en couverture d'un livre sur l'amour et l'histoire de France ?

Ce qu'on appelle l'amour...

ma préoccupation du moment 

et je constate en lisant différents écrits qu'amour et sexe, amour et reproduction, y compris chez les mammifères selon par exemple Rémy de Gourmont, se confondent souvent

alors qu'au Moyen âge amour et amitié se confondaient sans qu'il y ait forcément sexualité

va comprendre

Donc un déjeuner sur l'herbe peint par homme

une femme nue au milieu d'eux, 

qui va la déguster ?

qui dégustera-t-elle de son regard gourmand ?

Les images nous regardent les regarder

autant que nous les regardons nous regarder

l'objectif !

pour le Déjeuner sur l'herbe c'est flagrant

pour l'Eclipse elle me renvoie à cet événement à lunettes unique dans une vie

et toutes ces lignes dans cette image, tous ces courbes, tous ces regards

je suis sur la photo, je porte une robe tricotée par ma mère

qui me valut bien des regards

le léger froid soudain du moment de l'éclipse m'a fait enfiler un pull de coton rose perle, tricoté par ma sœur, en ce 11 août dans une banlieue d'Avignon

un jour où si l'on veut voir il faut se protéger les yeux

voir ce qui assombrit, obscurcit

et fait silence

voyeurs aussi à regarder cette lune qui couvre le soleil, est-ce que ça nous regarde ?

Ne vaudrait-il pas mieux, comme F regarder celle qui regarde et constater le changement de lumière sur la peau des bras dorés de C ?

En recherchant l'image et en tapant différents mots-clés dans le moteur de recherche chromo chérubins, j'arrive enfin à l'image d'origine et ô scandale de la mémoire sélective et du découpage intempestif, ce n'était pas un Jésus mais une Vierge Marie que j'ai censurée, une vierge Marie avec son Jésus enfant sur ses genoux et un petit mouton près d'eux

la mémoire fait ce qu'elle veut des images.