samedi 29 septembre 2018

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Enveloppé d’ombre & de lumièreDire d’abord l’ouate de l’enveloppe, sa douceur, sa chaleur. Comme la lune cernée de brumes... dire un cocon, une peau, une écorce de soie… Être baigné, imbibé, envahi, recouvert… Enveloppé d’ombre & de lumière Après, l’ombre et la lumière surgissent. La lumière est plus forte , c’est l’esperluette qui le signifie*. C’est & qui se tient au centre de la phrase, qui attire le regard et questionne. C’est & qui équilibre la phrase, tend le fil qu’elle entremêle entre deux mots, un enlacement d’infini. Mais l’ombre est première. L’ombre qui sous-tend toute l’écriture, l’épaule, la solidifie. L’ombre serait matrice, ce sur quoi s’appuient les mots qui font sens ou qui dérivent, qui n’en finissent pas de creuser, qui ne sont là que pour emporter sans savoir où. Enveloppé d’ombre & de lumière... Comment dire la lumière... Un chuchotement, un murmure dans l’immobile où rien ne commence ni ne finit. Une étoffe de rien avec un presque de bleu, et voir ne sert à rien. Enveloppé d’ombre & de lumière On sent l’aile de l’ombre et l’air de la lumière, une danse de mésanges dans le silence du jour. Rien d’autre et ce commencement où les pensées perdues se retrouvent.

*Emmanuel Hocquard:" & à la place de et dans le cas particulier où je veux signifier une augmentation et non l'addition de deux choses. Ici, l'esperluette (&) n'a pas pour fonction de se substituer à et. Elle dénote une visée tautologique. C'est-à-dire qu'elle tend à marquer, entre deux termes, une relation (mais peut-on encore parler de relation ?) d'identité ou d'indifférenciation.On pourrait aussi dire une augmentation."

jeudi 27 septembre 2018

Plis

Elle plie, elle déplie, elle replie. Le pli a sa place. Et à la place du pli un répit. Il laisse trace et se multiplie. Elle plie, elle déplie, elle replie. Cela plie et se déplie en elle, puis se replie. Elle déplie le passé puis le replie. La carte est pliée, dépliée, repliée en un pli d’au-delà. La carte fait place et les plis limitent. Elle plie, déplie, replie les limites. Elle déplie la lumière avec ses limites. Et replie les ombres dans les plis. Il lui plait de déplier mais a du dépit à replier. Elle plie, déplie, replie ses phrases aussi. Elle déplie les limites des phrases, puis les replie. Elle déplie aussi la lumière et la replie. Elle replie ses phrases inaccomplies. Elle déplie ce qui peut être dit. Elle replie le reste. Des mots ploient sous les plis, se déploient puis se multiplient et emplissent la page. Elle plie, déplie, replie le silence aussi dans les replis de la phrase. Entre les plis cela s’écrit. Cela pépie, cela supplie, cela emplit. Plein de surplis. Elle plie, elle déplie, elle replie, elle redéplie. La carte, le texte. Tout se déchire.

mardi 25 septembre 2018

Ces gros pains aux ventres gonflés


Ces gros pains aux ventres gonflés, ces gros pains gonflent dans ton ventre, ces ventres gonflés sur leurs flans, se gonflant et dégonflant, flans gonflés et putréfiants, pains putréfiés dérivant, ton ventre gonflé révulsé refusant le pain, les pains éventrés éclatés saillants, tes mains agrippant ton ventre révulsé, l'antre de ton ventre enfle et gonfle quand tu vois les gros pains éventrés, tes mains ne peuvent agripper les pains, les pains tels des noyés flottant sur l'eau, la nausée du ventre refuse les gros pains mouillés, ces gros pains surnagent dans ta mémoire, ils gonflent enflent blancs mouillés, ils béent se déchirent s'entrouvrent, ventre dégoûtants et répugnants, nausée.




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Chanson-on

Tombée, le nez dans les violettes, ton nez ton nez dans les violettes, ton violon dans le nez, les longs violons tombés, violettes dans le violon où volez-vous ? que voulez-vous ? Violettes volètent harcèlent ton nez, ton nez coincé dans le violon et toi tombée, violée ? Voilée ? Voili, voilà, juste tombée, pas voilée mais violette de plaisir, violettes du souvenir, voilettes au vent, toilettes fidèles à tes souvenirs de violettes, reprends ton violon et repars à zéro, voile ton nez, apprends à voler, cesse de tomber, ramasse tes violettes, piques-en ta voilette et file dans le vent fripon aux longs sons monotons du violon, fait valser les moutons qui tournent tournent en rond … et patapon.

jeudi 20 septembre 2018

cartographie # 15 Bégaiement 1 Le doré de ton nom commence à passer

"Le doré de ton nom commence à passer", 
le doré de ton ombre
l'ombre de ton or
ton ombre dort
ton ombre dort et toi tu passes, et repasses, chaque année à la même époque, tandis que ton nom dans l'ombre sur ta tombe commence à tomber, en poussière en désuétude, en fines particules du noble de ton nom adoré, si cher, si chéri.
ton nombre d'or, celui qui faisait de toi un humain si magnifique, aux proportions exactes du héros antique en toc, le nombre d'or de tes mains posées, l'une entre tes deux seins, l'autre puisant dans l'air l'équilibre précaire de la lumière dorée.
Le doré effacé de ton nom sur le marbre entier de l'automne, doré, indien, et toi qui n'es plus rien, qu'un souvenir qui s'efface, qui se perd davantage à chaque réplique,un nom de mon passé qui passe comme une ombre sur mon coeur aplati, tapissé, brodé au silence qui est d'or.

Cartographie # 15 Bégaiement "c'est comme avec les trous qu'on a dans le coeur"

C'est comme avec les trous qu'on a dans le coeur
C'est comme avec les trous 
Je n'ai jamais trop su avec le coeur ni avec les trous
C'est comme avec le coeur
Les trous avec du vide autour et les trous pleins de terre et les trous dans la terre avec le coeur quand ça bat plus. 
C'est comme avec la terre,
C'est comme avec le vide autour de la terre, avec la terre qui bat avec le coeur troué.
C'est comme avec la terre qui a horreur du vide
C'est comme avec les vides au milieu des trous
Dans la terre du coeur
C'est comme avec la terre dans le coeur quand germe une petite graine
C'est comme une grande fleur en forme de coeur, surgie du trou, penchée au bord du vide de mon coeur.
C'est comme une fleur pleine de trous qui soigne les coups de coeur, c'est comme je n'ai jamais su faire, c'est comme avec les bouquets de fleurs qu'on jettera dans mon trou, avec mon coeur qui ne battra plus, avec le vide que je laisserai sur la terre, sur la terre qui continuera de tourner avec moi dans la terre, avec moi dans le trou qui ferai fleurir le coeur de ceux restés devant le trou lorsqu'ils repenseront à moi.

Cartographie 15 Bégaiement

Reprise du travail sur la Cartographie avec une proposition d'écriture empruntée à l'atelier d'été de François Bon sur son site Tiers-Livre.

 Un texte de Gherasim Luca est donné en introduction: Désespoir

le désespoir a quatre paires de jambes
quatre paires de jambes aériennes volcaniques absorbantes symétriques
il a cinq paires de jambes cinq paires symétriques
ou six paires de jambes aériennes volcaniques
sept paires de jambes volcaniques
le désespoir a sept et huit paires de jambes volcaniques
huit paires de jambes huit paires de chaussettes
huit fourchettes aériennes absorbées par les jambes
il a neuf fourchettes symétriques à ses neuf paires de jambes
dix paires de jambes absorbées par ses jambes
c’est-à-dire onze paires de jambes absorbantes volcaniques
le désespoir a douze paires de jambes douze paires de jambes
il a treize paires de jambes
le désespoir a quatorze paires de jambes aériennes volcaniques
quinze quinze paires de jambes
le désespoir a seize paires de jambes seize paires de jambes
le désespoir a dix-sept paires de jambes absorbées par les jambes
dix-huit paires de jambes et dix-huit paires de chaussettes
il a dix-huit paires de chaussettes dans les fourchettes de ses jambes
c’est-à-dire dix-neuf paires de jambes
le désespoir a vingt paires de jambes
le désespoir a trente paires de jambes
le désespoir n’a pas de paires de jambes
mais absolument pas de paires de jambes
absolument pas absolument pas de jambes
mais absolument pas de jambes
absolument trois jambes 

Proposition d'écriture: 
il y a forcément une phrase de vous qui vous a surpris, dérangé, étonné — résistive par sa syncope, sa couleur, voire sa maladresse apparente — alors partir de cette phrase, et elle seule, et la bégayer jusqu’à extraire son grain nu — la singularité même de ce qui émerge de voix, hors de vous et pourtant vous  (François Bon)