jeudi 6 février 2020

Bouts d'aplats ou Bouddhas plats

Un long ruban bleu dessine une large courbe à droite : le Rhône, mon fleuve.
Sinon, du vert, beaucoup de vert, comme les bois que nous avons traversé chaque dimanche pendant des années et des aplats de blanc, beaucoup de blanc : buttes, prairies où paissent des troupeaux de vaches, zones déboisées où s'étalent des villages.
Lorsque nous abordions ces trouées blanches avec la vieille Dina Panhard, c'était comme entrer dans la lumière ; mon père prétendait qu'il allait ouvrir les ailes de la voiture et la carte me fait exactement cet effet : je prends mon envol dans le blanc, respire à fond, retiens mon souffle et je décolle. La ligne rouge de la route n'est même plus nécessaire.
Je découvre à explorer cette carte IGN à 1/25 000 de façon plus attentive que je suis incluse dans ces étendues vertes et blanches. J'y ai laissé quelque chose de moi ou peut-être l'inverse, quelque chose de ce paysage s'est inscrit en moi. Juste du vert pomme et du blanc, tendre, calme, apaisé, équilibré. Tel m'apparaît ce que j'ai sous les yeux. Le silence ici est vert. Une part de moi-même est engluée dans ces paysages doux, je suis de ces collines et de ces bois clairs.

La partie la plus sombre se trouve dans la seconde partie du voyage, des bois noirs, serrés, d'autant plus noirs qu'ils étaient peuplés de charbonniers sacs de jute sur la tête, visages machurés par le charbon de bois. J'attends encore une main nue, très blanche qui chasserait tous ces visages de ma mémoire.
Est-ce la noirceur du ciel, l'obscurité qui allonge infiniment les arbres et les rend menaçants, ce ciel qui brasille quand les frondaisons se font plus clairsemées ?
J'observe intensément les ombres s'allonger, s'épaissir, la transparence de l'air avant que le ciel ne s'assombrisse et que la terre devienne plus claire que le ciel. Je vole sur des couleurs rêvées, sur de simples paroles.
Parfois, au retour, j'entr'aperçois le rouge rond des soleils tombés. Une chaleur inouïe devant laquelle les bleus s'écartent et les vocables se ruinent.


2 commentaires:

Laura-Solange a dit…

J'adore ta dernière phrase!

Ange-gabrielle a dit…

J'ai bien peur qu'elle ne vienne des textes "Méditation", donc qu'elle ne soit pas "que de moi". Tu vois ce que je veux dire ...