jeudi 29 avril 2010

Dictionnaire : lettre D


Couchée sur la dune je suis la danse arquée des voiles colorées défilant sous le vent.

La mer dans sa régularité répétitive et monotone me berce et vide lentement mes pensées. Mon rythme interne se branche peu à peu sur le sien qui a le pouvoir de dissoudre les tensions, défiler la bobine des pensées, détricoter l'angoisse pour les remplacer par sa propre liquidité qui fluidifie l'esprit. Les vagues défilent sans interruption, en file indienne, se courent après essayant inlassablement de se rattraper pour venir s'échouer en voile de dentelles frangées et écumantes. Envolé le dard de chalumeau des pensées enfermées qui taraudent et rongent.

Je suis parfois distraite par la claque du ressac qui se retirant laisse pendre la robe mouillée des varechs sur les rochers déchiquetés et révèle les multiples dards des oursins à mes pieds.

Les vagues roulent sans fin, s'amplifient, s'émulsionnent ; dans leur mousse crèvent et s'apaisent toutes les émotions. La mer ressasse pour moi, devant elle je peux enfin cesser de ressasser.


hier soir atelier ambulant Firminy 2

hier soir atelier ambulant Firminy

mercredi 28 avril 2010

Note au visiteur de passage

Jeannine a des problèmes de connexion ; ce sont des choses qui arrivent. Plus souvent qu'on ne le croit. Marie, Pierre lui prête son mot de passe. Ainsi Jeannine peut publier des messages. Mais c'est le compte Marie, Pierre qui les comptabilise...

Eric Chevillard se prend pour Ennio Flaiano

"[145] Deux fillettes sur la plage : - Ecoute, maintenant, nous allons rentrer à la maison, manger et obéir, comme ça ils nous laisseront dormir ensemble
"[261] L'impertinence de l'orage qui s'obstine à revenir comme si nous n'avions pas compris que l'été était fini"
"[263] C'est un poète si mauvais que 6 villes se reprochent le déshonneur de l'avoir vu naître"

Ennio, Flaiano, Journal des erreurs, 1988

lundi 26 avril 2010

je me prends pour Eric Chevillard

L'homme arrête sa voiture, lancée à vive allure, à quelques centimètres du petit môme qui traverse sur les clous pour se rendre à l'école, plutôt que de lui foncer dessus. Il a fait sa BA citoyenne de la journée.

jeudi 22 avril 2010

Firminy, bibliothèque Louis Aragon : petites annonces 3

Oui, je sais, il y a atelier d'écriture ce jour-là, mais parfois, on pourrait aussi faire des consignes "embarquées" (ouh la la qu'est-ce qu'elle a encore inventé ?)
Bref, reçu de mon camarade Firminois l'annonce suivante :

Bip :
Mercredi 28 avril 18h30 à la bibliothèque de Firminy, boulevard Fayol
Horizons : déferlante poétique
Cie Cause Toujours : Laurent Dhume (comédien) Frédéric Tari (musique)
Textes de Pessoa, Michaux, Aragon, Pérec….
Venir en groupe
Bises
Christian

mercredi 21 avril 2010

défiler (des objets corporels chaussés sur têtes, s'exhibent en file indienne le long d'un podium en forme de T, devant un public ébahi) ; défilé : mes chapeaux roulent à vélo, un rêve se réalise, et je m'en amuse follement... surtout lorsque le seul membre masculin de la folle équipée, seconde d'inattention, petit moment de distraction, (un ange passe, et l'on se prend le pneu avant dans la moquette rouge), plonge tête la première, par dessus son guidon ; le jeune homme coiffait une marguerite ; ce chapeau-fleur sans pistil ni pollen, déployait ses pétales papier autour d'un coeur de ficelle ; alors, il pourra toujours secouer son ample couvre-chef, au gré d'acrobaties cyclistiques, il n'attirera à lui nul guêpe à dard menaçant (vous savez, la partie inférieure de ses insectes en corset rayé, qui suscitent la peur de la piqure ou mon inquiétude quand mon chat se met à vouloir les attraper), mais un ballet de jolies donzelles vrombissantes et virevoltantes.









Je sais que cela laisse entrevoir des perspectives merveilleuses

mercredi 14 avril 2010

LETTRE A UN POETE, UN AMI.

19H45: ce 3 mars. Il fait nuit, une nuit de ces fins d'hiver où la température hier douce encore, a renoué avec le froid et la pluie. Les trottoirs mouillés et gluants ruissellent, l'asphalte brille d'une incandescence funeste, le ciel pleure la tristesse des hommes.
Je t'écris poète pour ajouter mes mots à l'arc-en-ciel de tes rimes et j'avance. J'articule avec peine mes doigts gauches et gourds, j'avance vers ce temps inconnu qui s'effiloche usant l'encre des jours, usant la fluidité du verbe. Et si je devais un jour ne plus pouvoir écrire? Est-ce que je pourrais au moins dire? Est-ce que je pourrais tenir dans ma bouche un pinceau? J'accuserais les heures grises de traits épais; de rage, quelquefois, je les violenterais de noir.Les moments doux, je les effleurerais d'une plume si fine à l'encre sympathique, qu'invisibles à l'oeil nu je serais obligée de les recommencer encore et encore, de m'attacher à eux comme un carton d'invitation pendu au fil d'un ballon de baudruche.
Poète, prends ma main, applique-la en creux contre ton oreille comme une conque d'or et écoute battre dans sa coquille le flux et le reflux de la parole, tous mes éclats de rire et mes éclats de larmes, toutes mes espérances teintées de l'éphémère beauté des cerisiers en fleurs, toutes mes angoisses balâfrées de rouge et de noir.
Poète, dans ton souffle, accompagne ma vie voilée de clair-obscur.

EN REPONSE A. G. (de Sophie-Linette)

"Cela fait un moment que je veux vous écrire..." dites-vous .
Lorsque j'attends un courrier de vous je ne calcule plus le temps qui entre dans sa démesure la plus cuisante. "J'attends", je viens d'écrire"j'attends", alors que votre lettre m'apprend qu'il me va falloir écrire"j'attendais"! L'imparfait, le temps de notre rencontre? Non! Même si imparfaites étaient nos retrouvailles trop brèves, trop espacées puisque vous ne m'autorisiez pas à pénétrer dans votre oeuvre. Mai en attente sur le bord de votre écriture combien j'ai aimé ces moments fragiles qui nous laissaient exangues dans l'urgence du moment. Nous n'étions plus qu'un seul corps à deux respirations, qu'une seule peau frémissante, qu'une seule voix qui murmurait"je vous aime"comme vous m'aviez appris ce vouvoiement qui je croyais scellerait notre histoire.
Dans les moments de DISTRACTION que je me fabriquais à vous attendre avec pour seul viatique l'espoir que vous me reviendriez, je me répétais"longtemps, toujours", et puis je balayais aussitôt l'inocuité de leur mensonge. Vous m'aviez appris à apprivoiser"maintenant, demain"
Malgré le DARD de la douleur qui me crève le ventre, à l'instant je sais que vous m'avez rendue plus forte. Depuis que je vous ai connu, je sais que je peux cohabiter avec moi-même, peut-être même vivre.
Il me faudra longtemps pour gommer la douceur de vos yeux qui se posaient sur mes paupières à demi-closes, pour murer votre voix, étouffer votre odeur sous l'épaisseur des oripeaux que je vais devoir revêtir. J'ai froid de votre absence annoncée mais chaud du respect que je vous ai inspiré. Vous êtes un de ces rares amants qui osez dire votre inconstance et comme je ne veux pas la partager je dois en accepter et l'augure et l'issue douloureux.
Merci pour ne pas me prêter à la mascarade, pour ne pas me faire DEFILER dans les couloirs de vos autres conquêtes. J'ai voulu être la seule et même si j'ai perdu, je vous en aime ainsi.
Il m'est trop tôt pour que je vous souhaite d'être heureux mais je n'ai pas de place pour un quelconque désamour qui remplacerait le"vous" par le"tu".
Sophie-Linette.

dimanche 11 avril 2010

MOTS DU DICTIONNAIRE

Mélancolie du dimanche soir,

Je n'ai plus envie d'écrire,

je le faisais parce qu'un DARD m'avait piqué,

et par DISTRACTION  son venin je ne l'avais pas enlevé,

j'étais contaminée,

je vais encore une fois,

me  DEFILER,

et dire qu'à ma place

d'autres n'ont qu'à continuer.

Publié par Jeannine

vendredi 9 avril 2010

Mots en C

 

Carrière :  Ce sont les yeux qui s’insinuent dans la terre, et alors c’est chercher, gratter, fouailler les entrailles qui importe. Il faut que la peau se frotte à cet épiderme rugueux, que les ongles se cassent sur un grain de cette pierre qui continuera sa vie, posée sur une étagère. Elle entame  alors une nouvelle carrière.

006

Célibat: il y a celui qui le subit et qui recherche vainement l’âme soeur.

               il y a celui qui le revendique et l’honore comme un totem; pour rien au monde, il ne s’apparierait.

               il y a celui qui l’intercale entre deux unions, comme un passage à vide.

               il y a celui qui n’a pas le choix, ou ne l’a plus, enfin c’est ce qu’il a choisi un jour.

               il y a celui qui en rêve et qui s’accorderait bien, de temps à autre, des plages de saint célibat.

Corriger: c’est le stylo rouge qu’il faut pour cela, pour bien souligner la faute, l’enfoncer dans l’orbite, la tatouer sur la pupille.

Quant à corriger une trajectoire, ce serait empêcher une dérive, redresser le cours d’une vie, arracher les herbes folles, casser les lignes brisées, pour tracer une ligne droite.

J’aime les herbes folles.

010

jeudi 8 avril 2010

Phantom landscape


Il y a longtemps que j'ai envie de vous montrer des photos de Yang Yongliang (chine). J'ai vu ceci aux Rencontres Internationales Photographique d'Arles cet été. Il s'inspire de la peinture traditionnelle chinoise et en prend le contre-pied pour critiquer la réalité d'une industrialisation sauvage.

my et moi

cadavre S exquis

G,

arrivée de votre lettre tout à l’heure, et me voici célibataire, (du genre actif ou passif je ne le sais pas encore, comme j’entre dans cet état qui m’est si peu familier ...) ; libérée d’un lien qu’hier encore j’imaginais indestructible, tandis que se diffusait de vous à moi ce sentiment «d’intranquillité» dont vous parlez ; notre histoire, plus encore que ma carrière d’artiste, me semblait essentielle autant qu’elle m’inquiétait ;
une évolution de notre relation, vous côtoyer avec les «autres» ou «une autre», je ne le souhaite pas ; l’instant est au désir du silence-absence, me re-créer, reconstituer le vide de vous autour de moi ; nécessité donc, d’ignorer où vous êtes et ce que vous faites ;
de mariage entre nous, il n’en était pas question tant j’essaie d’esquiver ces liens en formes de cordes ou d’anneaux, témoins publics de nos attachements ; alors, comment conjuguer sentiment amoureux et liberté ? comment corriger ces errances qui me dispersent à tous vents sans me sentir prisonnière dans la cage dorée de l’amour voluptueux ? ces derniers temps, peut-être, quelque chose au fond de moi rêvait une forme d’engagement ;
cela n’aurait rien changé à l’affaire car vous êtes homme à préférer toujours l’ailleurs, l’inconnu, le nouveau, «l’autre», cette sève jeune et fraiche, dans laquelle vous puisez inlassablement votre énergie créatrice ;
votre anatomie me manque déjà, mais je sais pouvoir rencontrer encore un corps qui m’inspire autant ;
qui me manquera le plus ...? est-ce votre corps ? est-ce vous ? ou l’idée que je me faisais de nous ? en attendant, je vais m’employer à «prendre soin de moi» pour me distraire de vous, oublier vos mains sur ma peau, vos lèvres, votre...
dès l’origine il y eu entre nous l’évidence de l’amour, du corps contre corps ;
«c’est fini !» me dites-vous et je vous réponds que je suis d’accord pour le mot FIN, pour que l’histoire se termine sans histoire.

S.

avec :
les mots que je donne à ma voisine ange-gabrielle,
ceux que je reçois de mon voisin grandpierre,
les 3 mots en C de mars de béatrice.

mercredi 7 avril 2010

Des mots, des ménages

Madame,

Madame me dit (c'est aujourd'hui jour de ménage chez Madame) que l'atelier , ce soir, c'est chez vous. Alors, prévenez bien votre femme de ménage qu'elle s'attende à devoir faire double ménage.
On ne trouve, quand il n'y a pas eu "atelier" que les petits moutons  habituels sous les meubles et dans les coins, les miettes oubliées d'un repas-plateau pris sur le sofa, pas plus.
Mais quand il y a eu atelier, cela peut être l'horreur : des mots, des phrases, il en traîne partout ( j'en ai trouvé dans le grille-pain l'autre jeudi, c'est vous dire)
Et puis des mots, ça irait encore mais parfois ce sont de gros mots qui tiendraient seuls dans un panier tant ils sont gros ; je ne parle pas des fotes d'ortograffe, ça fleurit mieux que les plantes de Madame (que Monsieur oublie d'ailleurs d'arroser une semaine sur deux). Et puis, savez-vous que j'ai même trouvé sur la table du salon une boîte à chaussures, ouverte, remplie de phrases. Quand j'ai vu de quoi il s'agissait, j'ai failli appeler la police : c'était marqué dessus "cadavres exquis !" et c'était plein de lettres anonymes ! Et des choses choquantes vous savez comme : la nique au Petit Robert, ou affolantes comme "j'ai réécrit ma moitié" ou " ma moitié reconstituée en pierre de taille".
Bref, ça salit, et ça sent la folie quand l'atelier est passé.
Je tenais à vous prévenir, ça fait du bien de l'avoir fait.
Une bonne française, femme de ménage (acceptant les chèques emploi-service).
Publié par un(e) usurpatrice d'identité



jeudi 1 avril 2010

Lettre de réponse à G

G

Je vous remercie de cette franchise envers moi et je la reçois comme dernier gage de ce qui fut entre nous et restera unique. Mon seul regret : vous avez été mon seul amant qui m'ait vouvoyée du début à la fin. J'en rêvais, j'en avais toujours rêvé, sans vous l'avoir jamais confié. Je n'imagine pas plus grand bonheur et plus grande intimité que ce vouvoiement dans l'amour. Je le reçois comme une offrande. J'ai choisi la règle et je préfère la certitude de cette rupture à l'appréhension que j'en avais depuis le début de notre relation. D'ignorer où vous êtes et ce que vous faîtes me sera moins douloureux que de ne plus vous entendre murmurer "Je vous aime" dans le creux de mon cou. Ce vouvoiement m'a été infiniment sensuel. Quelque chose au fond de moi rêvait à une forme d'engagement que ce "vous' consacrait. Il donnait à notre amour à la fois de la profondeur, une immense douceur et je le ressentais comme un respect incommensurable de ce que j'étais et de ce qu'était cet amour. Inlassablement votre énergie créatrice a nourri mon oeuvre et ma vie de toute nouvelle manière, je sais que vous comprendrez sans plus de développement. Un corps qui m'inspire autant, certes vous n'étiez pas le premier, mais une interpellation qui résonne aussi fort en moi et suscite aussi profondément mon inconscient, ça jamais. Ma peau, vos lèvres, votre ventre vibraient, s'impatientaient lorsque vous murmuriez ce "vous" à mon oreille. Du corps contre corps me restera cet infini dont nous nous sommes enveloppés, cette oeuvre à deux que nous avons écrite.
J'aime l'idée de ce livre que vous me dédiez et qui sort le jour où vous m'annoncez notre rupture.



Cadavres exquis

Bip a concocté une consigne aux petits oignons! Je tente d'expliquer:
 La plasticienne Sophie Calle  a reçu une lettre de rupture, ou plus précisément un mail (signée G et reproduit ci-dessous). Le jour où elle a reçu ce mail, son auteur a publié un livre. Le livre lui était dédié et G a quitté Sophie Calle le jour de sa sortie. Sophie Calle a proposé à plusieurs personnes de répondre à ce mail !

Nous devions donc nous emparer de cette proposition et écrire à notre tour une réponse à G. Mais tout cela était trop facile !!!  Nous avions donc une contrainte supplémentaire: nous allions travailler sous la forme du cadavre exquis, c'est à dire que chacun écrit un petit bout de sa lettre sur une feuille qu'il fait ensuite passer à son voisin de gauche qui va la continuer ( mais sans voir ce qui est écrit sauf les deux ou trois derniers mots...). Le tout en gardant en tête sa propre lettre pour maintenir une cohérence personnelle....  Vous suivez toujours?
Comme nous étions 8 hier soir, nous avons donc écrit une lettre en huit morceaux !
A la fin , deux lectures étaient possibles: le cadavre exquis composé par les 8 participants et la lettre de chacun....
Une fois que l'on a eu compris ce qui était attendu de nous, cela a été sur des roulettes!!!

Voici le mail de rupture qui a occasionné notre travail :



Lettre C

CORRIGER




Une petite fille qui
n'ose sombrer dans le sommeil.
Chaque nuit, la terreur.
"Bonsoir papa, bonsoir maman"
Interminablement répété.
Une nuit, le père frappe
fort.
Des semaines durant
la main imprimée sur la cuisse
de la même couleur que la glycine
sous laquelle se cache la fillette
pour se repaître
de toutes les nuances arc-en-ciel
de l'ecchymose.


CELIBAT



Jadis c'était une tare. Encore à la campagne.Pas de femme pour la soupe. Pas d'homme pour le bois. Ni descendances, ni rires, pas de vieillesse assurée.
Longtemps, j'en ai eu un pour voisin. Le soir, de ma fenêtre je le voyais servir deux verres de vin sur la table en formica. Il trinquait. A tour de rôle, il buvait à l'un ou l'autre verre, discutant âprement avec son invisible interlocuteur.



CARRIERE



Nombreux furent ceux qui périrent de froid et de faim dans les carrières des goulags. Leur seul soulagement : l'autorisation parfois d'allumer un feu le soir.
Tous assis pour tenter de se réchauffer, dans les flammes crépitaient leurs souffrances et leurs égarements. La lueur des flammes éclairaient avec la certitude de la mort les brûlures et les déchirements de leurs muscles. Parfois, quelqu'un entonnait une faible monodie, sa voix de sable effaçait alors toute trace de mal. Au loin, la lueur faisait un tremblement dans la nuit, comme un appel lancinant.