samedi 30 octobre 2021

Codicille cartographie et fragment #1 Contre-jour

Le même escalier légèrement avancé cavalièrement gravi la porte ouverte de la chambre un autre lit que le leur à la même place et moi qui maintenant regarde en lieu et place de mon berceau contre le jour scintillant dehors dans la lumière de l'ordinateur sur le bureau le fleuve adulte qui coule très jeune enfant en bas du pré de l'autre côté de la fenêtre

Et grâce à l'homme "qui-a-sauvé-les-eaux-sauvages"  je vois avec mon coeur ému ce dont je ne peux me souvenir et que mes yeux reconnaissent un souvenir potentiellement inexistant du lieu-moment où j'ai VU le jour le palimpseste de l'espace-temps de ma re-venue dans la carte





mardi 26 octobre 2021

à contre-jour


 

 

codicille : les contraintes de forme que je me suis données

- commencer par une préposition

- ne pas utiliser d’autres signes de ponctuation que le tiret et ne pas mettre de majuscule afin de n’avoir pas de lettres qui dépassent

- nécessité de donner un cadre fixe : cent mots est un fragment qui me convient depuis longtemps et où je me sens à l’aise

- le titre ou ce qui pourrait en tenir lieu en dernier

- tentative de présentation en carré 

- rien de définitif non plus; c'est une tentative

 

dimanche 24 octobre 2021

Vous avez dit klasmathèque ?

 Ouvrir un nouveau chantier d'écriture est toujours palpitant. On se demande si on va bien savoir expliquer  ce qui s'est mis à trotter dans la tête et si chacun(e) va pouvoir adhérer... Et on vient même à inventer des mots...

Je propose donc de travailler à réaliser une klasmathèque : mot formé à partir du grec  klasma (morceaux, fragment) ; mot dérivé de klaô (briser) et de thèque thêkê (étui, boite, caisse) . C'est à dire de rassembler des « morceaux » détachés d’un visuel plus ample. Des petits bouts de choses vues ( dans un premier temps on restera dans la zone visuelle) qui ont saisi le regard, puis se sont trop vite évaporés. Quelque chose de vu, ou que l'on imagine avoir vu... Une image mentale qui se sera imprégnée quelques secondes sur la rétine, mais n’aura pu être vraiment capturée.

Dans un premier temps, faire une sorte d’inventaire de ces détails, ces fragments saisis au vol (klasma) presque insignifiants, mais qui ont attiré le regard, et auxquels donner consistance. Puis se mettre à écrire pour chacun un fragment de texte : offrir un cadre à ce klasma. La liste se devra de s'étoffer tout au long du travail, afin de permettre d'écrire un nombre important de fragments.

À chacun(e) de définir son cadre, c’est à dire la forme qu’il/elle souhaite donner et la conserver pour tous les fragments d’écriture qui suivront : nombre de mots, de phrases, de signes/ disposition en carrés en rond, éclatée./ longueurs des phrases/ ponctuation/ absence de ponctuation/ alexandrins/ mots imposés/... D’autres idées seraient les bienvenues ! On va se laisser tâtonner dans un premier temps sur la forme et celle-ci s’imposera sans doute à chacun(e) après quelques tentatives !

Donc laisser émerger ces klasma : quelque chose de furtif avec quelque chose de dense à l’intérieur...

Imaginer tous ces fragments comme donnant à voir un paysage intérieur personnel !

 

Jérémy Liron/ Le livre l’immeuble le tableau ( Publie.net)

Le livre, le tableau, essaient un espace en dedans du monde et comme tracé par-dessus. Comme le sentier est un lieu non juxtaposé aux lieux divers qui font le tissu des villes, mais il se superpose aux lieux en une expérience privée, transversale. C’est une pensée aux prises avec le réel, en écorchant des bouts et roulant de cette expérience à chaque occasion une idée tout abstraite comme jetée d’un coup au ciel et reflétant la situation vue de haut tandis que l’attention retourne fouiller le si particulier d’une marche en un lieu, d’un objet au sol quelles que soient les nuances de ses dimensions, de croiser un angle de béton qui met en perspective un monde, d’une nuit ou d’une blessure. Chaque jour observer derrière un robinier, un sureau, les façons de quelques angles de béton, ressasser le tableau, essayer des phrases jusqu’à ce qu’elles tiennent ensemble. C’est un peu répéter un passage diagonal, faire sentier. Facilement : écrire c’est faire sentier dans l’épaisseur en friche de nos terrains d’expérience.

vendredi 15 octobre 2021

Spiti ( Du grec « σπίτι » qui signifie maison)


L’anémone et l’ancolie
Ont poussé dans le jardin
Où dort la mélancolie
Entre l’amour et le dédain

« Clotilde », Alcools, Apollinaire (1913)


La première fois qu’ils virent Spiti1, ils la trouvèrent franchement belle. Du moins, elle leur plut. Ils aimèrent comment elle était habillée. Un revêtement qu’ils auraient pu choisir. Ils avaient des idées sur les revêtements. Ils avaient su déjà apprécier celui-là. Cela leur fit bien augurer de cette rencontre avec celle qui portait un nom méditerranéen sans avoir l’air de se considérer dans l’obligation d’avoir une silhouette hiératique de cariatide.

Le chef incliné, sans retenue, comme frangé de glycine et de volutes vineuses, sans apprêt malgré la couronne de roses. Ils n’auraient pas su dire si ces tuiles étaient brunes ou rousses. Ils l’avaient pourtant scrutée. Il ne leur en demeurait qu’une impression vague, générale, de désirs et d’émotions. Ils se demandèrent même pourquoi. C’était disproportionné. Plutôt grande, joviale, dans leur souvenir.

Elle portait sur la tempe une longue veine d’un bleu égéen qui courait entre les branches du cassissier stérile et les épines du rosier blanc. Le sang y battait, innervant les tomettes rouges de l’entrée, comme une promesse d’embrassement.

Elle n’aurait pu s’appeler ni Jeanne, ni Marie, ils ne l’auraient pas retenue à bien y réfléchir. Mais Spiti, drôle de superstition. Voilà bien ce qui les avait arrêtés. 

 

Je reçois ce texte tôt ce matin sur mon smartphone accompagné de ces quelques mots : 

"Bonjour, 

Avec du retard et sans retouches, le voici finalement. Il y aurait de la superstition à le transmettre en ce 15/10 que je n'en serais pas surprise.
Bonne journée"
 
Il faut dire que c'est aujourd'hui que nous signons l'acte de vente, alors de ma part aussi, un peu de superstition, qu'il paraisse avant midi, heure de rendez-vous chez le notaire.
Merci à vous toutes, merci à l'acheteuse, longue vie et bonheur dans cette maison 
 
 







jeudi 7 octobre 2021

Lettre aux hirondelles

Lettre de la 13° année 

"Mes chéries,

J'éprouve à nouveau le besoin de vous écrire, vous qui êtes venues si tôt cette année.

Le fait est que mon magasin de ciel est rempli d'hirondelles, ce qui m'a conduit à me mettre à écrire cette lettre de bienvenue, car leur retour avec le beau temps mérite toujours ces félicitation de la dernière fois.

"Je ne vous écrirai plus" se dit-on en vous envoyant la dernière lettre, mais soudain vous revoilà avec toute la surprise des premières vacances.

Vous posez vos nids dans les entonnoirs de l'air et vous vous faites marqueterie dans le bleu comme des incrustations aussi byzantines que surréalistes.

Ceux qui prétendaient nous enfermer dans leur arrogance voient que subitement nous nous amusons à vous regarder, trouvant chez vous le signe qui sauve et exorcise.

Sourcils du matin et du soir vous voudriez rester tranquilles sur le ciel, peintes et immortelles ; mais on voit bien que vous ne pouvez pas car vous avez beau résister d'un vol freinant et statique, aussitôt vous prend le frémissement de l'oscillation.

Ce qu'on ne saura jamais c'est si vous êtes les mêmes ou si vous êtes différentes. Chateaubriand racontait avoir vu les mêmes hirondelles à Rome, au Caire, en Belgique. Les romantiques croyaient porter dans leur coeur leur propre hirondelle, tel un destin ailé, comme la comète familière qui, quand ils ouvraient leurs valises matelassées, s'envolaient par la fenêtre de leur hôtel, protégeant et ponctuant leur destinée.

Déchaînez encore votre joie et ne cessez de nous offrir ce si joli spectacle de celles qui courent comme pour se jeter dans le bras de quelqu'un. 

Ramòn Gomez de la Serna,"Lettres aux hirondelles et à moi-même" André Dimanche Editeur (1° édition juillet 2006) 

Cette dernière lettre correspond approximativement à mon déménagement. La 1° était postée de la Drôme où, dans le ciel de ma fenêtre, les hirondelles égayaient mon coeur et mes regards ; cette dernière, avec leur départ et le mien de la Loire où, d'où je résidais, je n'en pouvais apercevoir que très rarement. Les jours moroses d'hiver, quand je ne verrai que la grisaille, c'est leur retour que j'attendrai avec impatience.