mercredi 5 novembre 2025

11/V1 et V2 Tenter de s'annuler soi-même et ne pas y parvenir

           

Version1

Bien sûr je connaissais la pipe qui n'en était pas une, la pomme que personne ne pouvait croquer même pas Ève en rêve

Lors d'une exposition à paris, ça avait été une révélation : les titres des œuvres de Magritte font la moitié du travail ils interprètent au-delà de l'image, révèlent le mystère. Mon tableau préféré c'était Le Thérapeute. La silhouette d'un homme vêtu d'une cape-voile avec à la place de la tête et du tronc une cage dont la porte est ouverte, avec l'une des colombes déjà dehors, comme quand on fait une photo, le petit oiseau peut sortir. Figer l'instant de la révélation comme la photo de Harold (voir texte 3)

La parole plus que l'idée veut surgir, l'image révèle.

L'autre colombe est encore dans la cage, l'autre parole, hésite encore. Peut-être qu'elle n'est pas prête à se libérer.

Dans le film le Peuple Migrateur, vu récemment au cinéma, la liberté conquise fait hésiter aussi le bel ara, qui avec sa patte, a tourné la tourniquette et ouvert la porte de sa cage, où avec d'autres animaux, ils sont prisonniers, entassés dans une pirogue. Au moment de retourner dans sa forêt, il n'en croit pas ses yeux, il hésite un court instant puis s'envole.

Je suis dans le bleus de ces images, comme les oiseaux, à quelques milliers de mille ou de pieds ou d'ailes, nous survolons les Alpes, dans ce gros volatile vrombissant. OIseaux migrateurs, nous allons voir la Baltique, goûter la lumière de la Neva. Il y a 18 ans exactement. à Saint-Petersbourg, à cette époque de l'année, ce sont les NUITS BLANCHES.

Pendant 13 ans dans sa cellule obscure, Carlos Liscano écrit dans sa tête, les nuits blanches et les jours noirs, rien ne s'oppose à la nuit, rien ne la distingue du jour non plus. Il écrit l'histoire du corbeau blanc, une histoire qui a pour point de départ une nouvelle de Tolstoï. Un corbeau noir se peint en blanc pour ressembler à un pigeon, qui est une espèce selon lui qui a plus de facilité pour se nourrir, qui est mieux accueillie.

« Nous sommes comme dans une cave et il n’y a même pas de soupirail » (Magritte)

Sa tête est un nuage qui s'agrège de mots et les fait plus tard retomber en pluie

Le nuage traverse la porte de la prison

Le nuage se cogne aux montagnes

Le nuage traverse la mer.

Le corbeau blanc revenu chez les corbeaux noirs n'y a plus sa place.

"On ne percevait plus que la rumeur de la fuite"

Les corbeaux, comme les nuages aiment cette vie errante et parfois, pour se reposer inventent des histoires ou se transforment en buée.

( 4 juin 2025)

Version 2 *********************************

V2

Si j'étais corbeau blanc parmi les corbeaux noirs ? parfois je pense à ça ?

Dans un pays où ma couleur de peau ne serait pas majoritaire ?

Si je devenais aveugle, parfois je pense à ça : ET si je devenais aveugle ?

Ou bien si par quelque circonstance exténuante, j'étais enfermée moi aussi dans un cachot ? Si je devais ne compter que sur mon for intérieur ?

Si je devenais pure pensée, nuage au-dessus des Alpes dans le jour polaire

où la lumière  

aveugle et fait sentir des grains de sable dans les yeux.

Si ma mémoire se dissolvait dans la sénilité ?

je regarderais à l'intérieur de moi, je deviendrais quelqu'un d'autre aussi

 

Est-ce que penser les images serait comme rêver et se souvenir de son rêve à peine éveillée ?

Est-ce que dans ma mémoire fragmentée,

penser les images serait comme construire des histoires 

avec les quelques mots qui me resteraient ?

 "j'ai eu des images belles et terribles de la parole, des images que je n'ai jamais réussi à piéger sur le papier"

 Tourner les pages de mes albums photos, classées suivant différents critères : famille, amis, vacances, heures de gloire, la joliesse de mes 30 ans, la certitude de mes 40 ans, les moues de mon enfance... quand j'étais corbeau blanc parmi les pigeons noirs.

De tous ces souvenirs quelles images voudraient bien traverser les membranes de mes méninges si souvent endolories ?

Les images seraient-elle sages ? silencieuses ? quelles histoires raconteraient-elles ? des fictions ? des inventions ? ré écrirais-je l'histoire à mon avantage ?

 "la vérité dépend de la façon dont on la raconte"

 Et au moment d'atterrir, comme dans ce rêve que je fais souvent ? quel paysage quelle image choisirais-je de laisser de moi ?

Comme le nuage de Magritte, ma pensée d'image traverserait-elle la porte, ou comme celui de Tchernobyl s'arrêterait-il à la frontière de mon inconscient ?

 Tout à l'heure à la pharmacie je demande un produit dont j'ai oublié le nom commercial et que je décris comme étant conditionné dans une boîte bleue et blanche ;  quand je retrouve enfin son nom et qu'on me soumet la chose, la boîte est orange et blanche ; et l'a toujours été.

Comment faire confiance aux images dans ma tête ? je pense que l'image est bleue parce que le produit vient de la mer et que la mer est bleue, et s'il venait du ciel ?

 Parfois j'aime regarder les films (qui ne marchent pas sur la plage) avec les sous-titres pour sourds et malentendants ; les sous-titres de couleur rose qui décrivent les bruits (porte qui grince, chien qui aboie) me plaisent particulièrement. Pour les atmosphères, tout une gamme d'adjectifs subjectifs qui ne correspondent guère à la musique que j'entends et bien sûr au moindre crépuscule, le cri de la chouette ou du hibou, un son qui colle à l'image et me fait le guetter à chaque fois

Faire parler les images, faire aussi parler les images silencieuses, comme dans un sténopé de Diane Lentin interviewant des femmes sur le silence qui les contraint

"la vérité dépend de la façon dont on la raconte"

"j'ai eu des images belles et terribles de la parole, des images que je n'ai jamais réussi à piéger sur le papier"

 (les phrases entre guillemets et en italique sont tirées du livre de Carlos Liscano)


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