
Bruits et lumières engloutis, se contenir, s’enserrer, se complaidans le refuge silencieux de son enclos. On peut y dresser l’inventaire des ailleurs auxquels on n’a plus accès, ou plus la nécessité de s’y rendre, mais on sent bien qu’ils sont présents en soi et qu’ils continuent de dispenser leurs bienfaits au-delà de notre présence dans le réel. Dans la substance trouble du songe, il y a une autre vie qui se profile où des figures effilochées se suspendent, empruntent des voies de secours pour parvenir jusqu’à nous. Bien à l’abri dans cette grotte, tout peut encore se tramer : du passé il peut se tisser des lendemains et la vie continuer de se tresser et de chercher et explorer sa voie vers l’indéfini. Plus rien ne fait frontière. L’esprit arpente une géographie intérieure, se rassasiant de paysages incrustés à la mine de plomb, tatoués sous l’envers de la peau et qui, encore vifs, poursuivent leur suintement intérieur. De leur épanchement, naissent des forêts, des rochers infranchissables pour la stature de l’enfant, des espaces où se perdre, des lieux mobiles avec les souvenirs qui les font revivre. L’espace du dehors revisité depuis l’espace du dedans. Et ces lisières à peine effleurées, estompées d’un voile dont on n’a plus envie de lever le tulle pour donner à voir ce qu’il cherche à cacher. Entre le dedans et le dehors, il n’y a plus de frontières ; des images se dressent laissant deviner le parcours d’une vie, ses méandres et ses lignes droites, ses creux et ses promontoires, ses lacs de sérénité et ses mers à la houle provocatrice. Derrière les volets clos d’une cartographie intérieure, un sentiment étrange d’une intense présence qui ne s’est pas dissoute au fil des ans et des pérégrinations. La fillette d’avant, celle d’un lointain passé, celle qui se posait des questions mais ne parlait presque pas, celle qui restait emmurée dans ses soliloques, celle traversée de silences toujours plus amples, est toujours là, dans cette mémoire fragmentée d’une femme assise près d’une fenêtre, buvant un café, songeant à ce chemin, dont elle a parcouru bien plus de la moitié, et sur lequel surviennent encore, malgré les angles morts qu’il reste à dépasser, de denses appels de vie, des passages encore à franchir, même si la falaise ultime se rapproche chaque jour davantage. Intérieur irisé d’un jadis dont il n’est pas possible de se défaire et qui éclaire ce vers quoi les pas doivent désormais se diriger.

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