Quand l’insaisissable d’une pensée cherche un chemin, une échappée pour pouvoir s’énoncer. Alors pour commencer, il s’agit de créer une ouverture pour sérier le propos. Mais commencer n’est pas le mot qu’il convient, car cela vient de plus loin que devant cette image d’une ouverture sur un paysage ou sur quelque chose que l’on devine ou que l’on aurait envie de voir. Des bruissements de pensées existent dans l’amont qui se révèlent sans doute face à ce qui est regardé. Bien avant que des mots s’écrivent il y a eu un mouvement intérieur qui, confronté à la force de l’image, se coagule dans un fragment qui, parfois s’apparente à un vertige. Ici c’est le cadrage qui importe, avec cette succession de parois qui cernent l’ouvert, qui ceignent la mise en place d’une pensée dont on peine à la mettre en mots. Ce qui va naître alors était déjà dans les limbes mais ne se savait pas être en état d’être pensé et encore moins dit ou écrit. S’ensuit un mouvement ascendant de mots qui s’articulent et tentent de s’élever dans un équilibre qui n’appartient qu’à eux. Ils se portent les uns les autres, font un exercice d’haltérophilie en tentant de se soupeser les uns les autres pour que tout tienne debout et que la phrase se déploie avec justesse, prenne confiance en elle-même et poursuive son ascension, guidée par la lumière d’un sens qui se révèle au fur et à mesure, et dans l’intention de vouloir aller toujours plus haut, plus loin, presque à notre insu. Et les mots qui s’ajoutent, se greffent les uns avec les autres, intensifient leur emprise en laissant une empreinte dont on n’avait certes pas la conscience avant de se lancer dans cette aventure, ces mots qui s’écrivent, presque sans nous, ne sont là que pour nous faire toucher du doigt ce qui en nous est déjà présent mais dont on n’avait pas encore atteint la lumière qui les irisait. Dans une osmose bleutée, on s’échine à faire naître, à donner une existence, même éphémère et même confidentielle, à ces paroles qui jaillissent d’une intimité dont on ne savait pas posséder les clés pour les libérer, bien calfeutrées entre le visible et l’invisible. Quelque chose était là, qui se faufile, apparaît, disparaît, se murmure, se laisse presque caresser, toucher, épiphanie de l’être en constante mutation, sans cesse à onduler entre ombre et lumière, entre caché et révélé.

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