jeudi 4 décembre 2025

L'oeil et la source/ 12 bis/ Indicible

 



S’il fallait choisir des mots pour tenter de dire ce que l’on est devenu, ou ce que l’on est en train de devenir, puisque tout n’est pas encore achevé, on aurait besoin de verbes, de leur puissance à mettre en acte. Et s’il fallait n’en conserver que trois, on pourrait se contenter de ceux-là : voir, choisir, être. À combien de révélations, et l’on pourrait même parler d’apocalypses au sens premier du terme, sommes-nous confrontés au cours d’une journée, d’une semaine ou d’une vie ? Et sommes-nous dans la capacité réelle de les voir. Si l’on pouvait les enfiler sur le fil d’un collier, peut-être aurions-nous ainsi un collier à plusieurs rangs à porter autour du cou..Choisir de voir est une affirmation d’être. Dans ce jardin d’eau qui me regarde, il y a tous les songes qui tanguent en surface, des songes de toutes formes et de toutes couleurs. Ils se rappellent à moi avec la délicatesse des songes éveillés, ceux qui nous aident à traverser les mondes où nous errons, ceux qui nous font tenir debout dans l’espérance d’une cartographie autre, aux méandres librement dessinés, ceux qui donnent au regard l’espérance d’un horizon. On choisirait de donner à voir, à étendre aux yeux des passants, pour que chacun s’en empare, des parties de soi sans taches ou légèrement grisées par le temps qui a fait son œuvre, et que l’on livrerait à la volonté du vent, à la délicatesse de l’air et de la lumière. Une réalité offerte au passant qui passe en silence et qui peut se contempler en face. Entre l’œil et soi, entre l’œil et le monde, s’ouvre un regard né des entrailles. Un coup de foudre ! Le surgissement d’une vision sortie des ombres qui nous revêtent. Choisir de voir, sans rien savoir de l’acte lui-même qui se déroule. De l ’énigme qui se délivre. Voir et choisir de voir sans le vouloir. Tout cela entre les paupières. Sans chercher à trouver une vérité dans ce qui est vu. Il faut d’abord prendre le temps du labyrinthe, avancer avec la lenteur nécessaire, en tenant avec force, entre ses doigts, le fil d’Ariane. Ensuite seulement nommer. Lorsque l’on a pris suffisamment de recul, il est alors possible de nommer. Nommer pour être. Pour se voir soi-même. Ça voir. Savoir. Dans la cartographie de ses lisières, en tenant bien serrée entre les doigts, la corde de l’espérance entre passé, présent et advenir. Cet advenir, imprévisible possible, attendu.

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