Essayons voir, ou essayons dire, par les images ou par les mots, ce qui au fond de nous ne cesse de trembler, de s’agiter de nous donner envie de nous lever chaque matin. Déchiffrer en soi comme sur ce tronc d’arbre abattu la trace de ce qui fait ce que nous sommes, et qui est souvent bien calfeutré sous les épaisseurs de nos peaux amassées, tassées, cuirassées depuis le début de notre temps. Cela pourrait aussi se nommer puissance de survie dont nous cherchons, tout au long de nos jours, à nous revêtir, ou à nous y lover. De l’image donnée et du dire qui en émerge, une forme de confiance nous pousse à nous assumer, à ressentir ce dont nous pourrions être capables si nous le désirions vraiment. S’inventer un lieu d’espérance, malgré. Le souvenir d’une image, comme celle du pommier aux pommes rouges d’Aharon Appelfeld, alors qu’il était un enfant affamé, dont il narra l’histoire plus de soixante-cinq ans après cette rencontre, donne l’espoir à trouver en nous ce qui nous hante, nous habite et nous porte, parfois sans que l’on en ait conscience. L’écrivain recueille cette image, d’où fut la possibilité de sa survie, dans une sorte de mémoire corporelle qui jaillit d’un en dessous de soi, s’élevant des profondeurs d’un brouillard. Des bribes de vie, comme ces fleurs de givre s’apposent sur la fenêtre, effleurant les lacunes de ce qui fut, avant de se dissoudre dans l’oubli. Élaborer, reconstruire les réminiscences qui remontent à la surface de l’esprit, par le miroir de l’image. Des lambeaux de ce qui reste, de ce qui émane, de ce qui veut bien se donner à voir, en étaler le tissu, étirer le linceul, même ajouré, et mettre à plat sur la table ce qui va pouvoir peut-être s’élever. Être dans le devenir depuis l’allusion que l’image vient de révéler. De ce lieu malgré soi, qui est le nôtre, dont on ne peut se déprendre, ce linceul aux lacunes, il nous importe de tracer, d’étirer les verticales qui vont permettre de s’élever encore un peu, et tenter d’atteindre les hauteurs qui nous attendent, que l’on espère, et vers lesquelles peut-être on ne pensait plus avoir la nécessité d’aller. Devenir encore et encore, tel serait le chemin à emprunter alors que l’on se croyait sans doute déjà arrivé au bout. Il y aurait toujours de nouveaux seuils devant lesquels se demander s’ils sont à franchir, de nouveaux chemins qui se dessinent pour aller plus loin. Fixer l’image qui, verticale au-dessus de mon bureau, n’en finit pas d’essayer dire.



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