lundi 12 mai 2025

9 /V1 S'y noyer même V2 en dessous

    

    

 "à chaque fois que je vais dîner chez mes parents, j'en ressors transpercé par mon enfance" (Antonio Lobo Antunes) Livre de Chroniques

  Un jour il faut se jeter à l'eau. Dévorer des yeux le bleu, l'important c'est de se fondre dans l'azur, faire partie du ciel, s'y noyer même, tout en douceur de coton.

Je promène ma vie dans des livres aimés, un labyrinthe de mots écrits par d'autres et qui clignotent à chaque carrefour pour m'indiquer une direction, qui si elle n'est pas la bonne, n'en sera pour autant pas maléfique. La mise en abyme de l'image est un oeil vorace qui m'aspire mais me nourrit au lieu de me manger. Un méli-mélo de surprises et de reconstitutions et je me laisse aspirer à plus de profondeur, quitte à étouffer, suffoquer même. C'est à mon tout d'écrire mes chroniques sur pilotis.

Dois-je freiner ? dois-je accélérer ? Dois-je m'envelopper de nostalgies ou émerger de ces ouates mortifèrement bleues ? Dois-je les dissoudre ? Comment assembler ces azulejos pour en faire une fresque intime à mettre entre toutes les mains ? les empiler façon château de cartes quitte à les voir se briser en d'autres figures qui me ressembleraient aussi ? Ainsi s'écrit un livre à petits carreaux, de ceux qu'on lit le dimanche quand on n'a plus le goût à rien.

A Lisbonne les tramways jaunes brinqueballent, je laisse les gondoles à Venise et je prends le premier vaporetto venu, tant de bateaux et si peu de rivages où jeter l'encre, tout me donne le mal de mère.

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V2 du 9

Lobo Antunes azulejos

bain de cotons bleus

pilotis Venise Solange

 

Le bleu indispensable

Transpercé par les lances de l'enfance

dont il faut à jamais soigner les bleus

charrier des déchets de souvenirs

dans les circulations de sang

 

Du bleu

Plein les yeux

le son cristallin du Qânun

se mêle aux gravillons de sable

la mer, son va et vient

installe le calme

tandis qu'en silhouette le rocher à tête de Befana

défie la rage de vent

ce soir j'intègre les massacres et les bains de sang

dans la paix du moment crépuscule flamboyant

impuissante

je baigne enveloppée dans la foule attentive

comme dans du coton

les regards convergent vers le blanc de la robe et le bleu de la mer

inoubliable

je prends ce qui m'est offert

mon dos calé contre une pierre

plus debout qu'assise

prête à jaillir

prêt à avaler la musique

le feu du ciel conquistador de bleus

la langueur des vagues léchant le sable

plus tard la robe blanche s'avance dans la mer

la femme musicienne se retourne et sourit

étonnée de son acte joyeux, irrépressible,

elle marche et ne se dissout pas

 

l'instant reprend sa place

dans le puzzle du temps

l'enfance au magasin des nostalgies

sur pilotis

 

le bateau est à quai

il faut rejoindre l'autre rive

dans le brouhaha de diesel et de langues toutes étrangères

disparaître dans les reflets de la lumière du phare qui dansent sur le bleu devenu noir.

 

octobre 2025


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