mercredi 29 septembre 2010
lundi 27 septembre 2010
Bout du Monde
Ne faites pas des terrains de loisirs et de jeux ; faites des lieux de jouissance, faites des clôtures qui soient des commencements. Ne faites pas des objets imaginaires, faites des fictions. Ne faites pas des représentations, faites des vides, des écarts ; faites du neutre". Louis Marin
samedi 18 septembre 2010
Disparition : nuit du 17 septembre 2010
Il y avait entre nous cette double présence, celle de la parole et du silence. Vous êtes "mon silence habité" et si je parviens encore quelque peu à croire qu'il est possible de traverser les miroirs pour rejoindre l'essentiel, je vous le dois.
Vous venez de mourir. Volontairement. Vous avez choisi de mettre fin au silence dans lequel vous étiez enfermé depuis la mort de Geneviève.
Hier soir, au concert, emportée par les volutes du saxo, plusieurs fois face à tant de bonheur, à tout ce que la VIE apporte encore de merveilleux, je souriais en pensant à vous ... et à ce qu'il restait à goûter, malgré l'âge, malgré ...
De notre première rencontre, je ne sais plus rien. Il me reste vos cheveux déjà presque blancs, votre visage, votre démarche lente et souple d'alpiniste dans les couloirs du CIPL, vos yeux, votre regard plutôt, plein de tendresse que vous posiez sur les êtres et le monde et cette voix si particulière, calme, lente . Voix qui explique, convainc, enseigne, illustre.
C'est à la cafétéria que nous commençâmes à échanger. A cette table commencèrent à se tisser d'invisibles liens. Nous parlions alors comme aujourd'hui de notre vie, les enfants, le jardin, le travail, nos lectures, les parents, l'enfance, les collègues, les valeurs, ce que nous aimions. Quoi de plus simple que de découvrir un être qui vous écoute et se confie dans la plus grande simplicité et la plus grande confiance ?
Mince, maigre pourrait-on dire, un peu voûté comme ces hommes qui voudraient passer inaperçu ; une impression de souplesse et de douceur se dégage de ce corps qui paraît grand. Une intelligence vive, fine, pétillante, une vaste culture et un esprit réactif ne vous rendaient jamais tranchant, péremptoire, sévère ou impérieux. Vous n'asséniez jamais mais parliez avec clairvoyance, discernement et lucidité. Votre esprit était aussi souple et flexible que votre allure physique.
Notre dialogue commença en 1980. Trente ans plus tard, nous sommes toujours en contact sur la même longueur d'onde. Des bouleversements ont soufflé sur nos vies, des cataclysmes sont passés par là et nous ont ravagé de bien des manières, mais ce fil - fil d'or qui nous relie- a tenu, il n'a ni cédé ni ne s'est terni. Il brille tel un fil de Marie dans une aube d'été, miraculeux, comme la lanterne de vos vies qui même vacillante parfois, ne s'était, jusqu'à aujourd'hui, pas éteinte.
La fidélité de votre amitié indéfectible a croisé mon besoin incoercible de constance dans les attachements et dans les actes et principes. J'ai trouvé chez vous un terrain solide et sûr.
Vous avez accompagné presque tous les tournants de ma vie d'adulte. Vous étiez là - jamais aucun LA n'aura autant exprimé la constance inébranlable d'une présence juste, efficace - toujours là à chaque épreuve.
Vous étiez là pendant la longue maladie de mon père et lors de son décès. Vous avez trouvé les mots lorsque je perdis des kilos, l'usage de la vie, de l'espoir et ne pus plus passer une porte tant la dépression m'anéantit.
Là, encore et encore, lors de mon divorce d'avec cet homme que j'aimais depuis l'âge de dix-sept ans, avec lequel je m'étais construite. Nos vies étaient si imbriquées qu'il m'a fallu des années pour arracher ce tatouage et me reconstruire dans un monde devenu autre.
Là, toujours, quand ma mère fut frappée d'un cancer et mourut après un an et demi de souffrances.
De votre côté, les épreuves traversées furent nombreuses : maladies à répétition et déchéance physique de votre épouse chérie peu après vos départs à la retraite, perte d'une fille, vieillissement progressif et rétrécissement de l'univers.
Votre présence indéfectible fut verbale et physique jusqu'à votre départ en retraite ; puis elle fut épistolaire. Vous résidez à Menton, moi à Saint-Etienne. Quatre lettres par an, chaque saison avec son lot de joies et de malheurs et toujours les mots pour reconstruire cet intime de soi qui se défait ou se renforce. Je les conserve toutes. La première porte le sceau du 30-12-1983. En ai-je égarées ? Qu'est devenue la réponse à celle où je vous demandais si vous vouliez bien être mon père choisi, maintenant que je n'en avais plus ? La dernière date du début de cet été 2010. Peu à peu, le téléphone avait pris la place des lettres que vous aviez de plus en plus de mal à écrire. parfois, je les relis. Nous sommes pourtant deux êtres gais, en prise avec et dans le monde, mais de trente années, traversées d'une seule lecture, ressortent essentiellement les aspects terribles de l'existence, le courage, l'appétit, la rage de vivre nécessaire et ... le bonheur d'une affection inconditionnelle réïtérée tout au long des années.
Grâce à notre correspondance de trente ans, notre relation s'est amplifiée, a gagné en profondeur. Vous êtes en moi, celui auquel je parle, l'instance à qui sont adressées mes pensées. " Ce lien entre nous qui aura été une grâce de la vie" écrivez-vous. Quand je vous écris, la petite voix intérieure tient le stylo. Je vous ai vu vieillir sur le papier -moi qui n'ai pas connu la vieillesse de mes parents morts trop jeunes-
" La vieillesse, c'est la mer qui se retire lentement, le corps qui vous trahit, les proches qui disparaissent, un environnement de silence qui s'installe" m'écriviez-vous sans le moindre pathos. Vous êtes mon initiateur avec humilité, simplicité, tendresse, mais non sans humour. Quand j'essayais de vous convaincre que la vie est encore belle, avec mes pauvres mots ignorants de la grande vieillesse, vous étiez aussi capable de me répondre : " Peut-être sommes-nous tous des étoiles (une étoile ne brille que du fait de son autodestruction). Après tout, se consumer dans la passion ou la révolte, même au prix de quelques conneries, vaut bien la médiocrité d'une fin bourgeoise avec sécurité et système d'alarme à toutes les issues de sa maison intérieure" et vous avez préféré y mettre fin.
Depuis toutes ces années, nous nous vouvoyons, à cause de moi. Malgré vos demandes de se tutoyer, je tiens à conserver ce vouvoiement entre nous. J'y suis infiniment attachée. Il est le seul vouvoiement intime de ma vie ; de ma part il exprime l'immense respect dans lequel je tiens votre vie et votre personne. Venant de vous, je le reçois comme une offrande, comme un amoureux qui aurait toujours refusé de tutoyer sa bien-aimée. Je n'imagine pas plus grand bonheur qu'entendre murmurer "Je VOUS aime".
mardi 14 septembre 2010
Paroles en l'air
Suis-je la proie du mécanisme automatique des roues crantées ?
Des 7777 rouleaux-attrapes-mouches ?
Des menhirs-canoës-obus ?
Des spectres de genévriers dressés dans le ciel ?
Ne me reste qu'à m'isoler dans un autisme salvateur et à regarder dans le miroir de ma main grande ouverte pour y puiser le silence de granit jaspé.
Liste du Causse
Maisons-grottes, vents, genévriers, pierres sèches, rires, vaisselles, brûler ses meubles, éviers de pierre, toits de lauze, vastes plateaux, escaliers, prés herbeux, déserts de pierres, portes basses, seaux hygiéniques, immenses toits et minuscules maisons, chemins entre des murets, église de pierre, voûtes, pierres entassées, odeurs absentes, fleurs rares, pierres blanches ou brûlées par le feu, portes de bois, arbres secs, fenêtres étroites, sièges-brouettes, cagettes, amoncellements (de pierres, d'objets, de chaussures, bouteilles, mots, paroles...), curiosité de le connaître en hiver.
Me restent : les maisons de pierre, les plateaux de genévriers battus par les vents, les chemins entre les murets de pierres, les tas de cailloux, l'horizon à perte de vue ou encore :
La mer au sommet d'un plateau battue par les vents semée de rudimentaires embarcations de pierre séparées de bosquets de genévriers.
mercredi 8 septembre 2010
lundi 6 septembre 2010
Les choses du Causse
Des cailloux, du vent, du vent, des cailloux
Dans les maisons, sur les maisons,
Entre les pierres
Avec les herbes
Pour le regard
Les chemins, les barrières
Dans la tête
ça m'angoisse d'écrire
J'ai du vent dans le ventre
[Pourquoi j'ai tant mangé ?]
j'ai des pierres dans les pieds
Madame Utopix demande si vous avez tout vu : le cygne, les brouettes, les canoës qui prouvent que les vikings étaient là avant, le bus, le lecteur de CD 2 places, la moto, les panneaux solaires, l'Angélus de Pillet, la dame te demande si tu aimes la peinture sur soi ?
Je vois le pli des habitudes, le pan des solitudes, le poids des certitudes, l'absence de Gertrude
Moi je suis bourrée avec vos conneries
Moi je suis bloquée
Entre Grand Pierre et le loup,
Quand l'ennui rôde tous les chats sont tapis
les chats, les chats
le petit gris, l'entr'aperçu
l'écaille de tortue virée de sa chaise malgré nos protestations
comme ces maîtres à chiens qui veulent prouver qui c'est le chef
l'autre sur l'escalier, un vingtième sculpté,
et la petite Bounette là-bas, peut être morte à saint-Etienne
Je vois toujours le mal partout
Oui, mais j'aurais pu dire le vent dans mes cheveux, mes cheveux dans les yeux, les yeux vers l'horizon, l'horizon vers le vide du monde, le droit à la paresse, le droit à l'alligot, le droit au désespoir.
Et Solange ? Disparue presque aussitôt qu'apparue
Et Sylvia ? Disparue presque aussitôt qu'apparue
Et la photo du militaire, dans la maison abandonnée, telle quelle, sous vide poussière
J'ai volé son image.
Et le vent qui s'invite, entre les interstices, les histoires que l'on ne raconte pas, la précédente locataire qui n'avait pas de cagettes à brûler, que ses meubles.
Sur le seuil de leur échoppe, les charcutiers se font dorer la saucisse. A Marvejols, l'été, c'est déjà presque l'hiver, il faut en profiter.
L'expédition rapporte des salades, des saucisses, des patates avec des yeux, des pains, un papier cochon pour la petite restée au bled. Mais pas de fleurs. Pourquoi je mangerais des petites fleurs qui m'ont rien fait ?
en vert, les phrases de la boîte
jeudi 2 septembre 2010
choses qui peuvent arriver si nous montons sur un causse
être accueilli par une grande belle banderole blanche cousue de lettres, façon patchwork, des lettres en tissus rouge, semées de petits pois, blancs, ou de roses posant en pied sur fond écarlate .. un mot : BIENVENUE .. le plaisir d’entendre «merci d’être présents !»
faire un léger blocage à l’écriture, malgré ou à cause de cette réplique : «j’ai une ramette de papier dans la grange» ; vouloir faire un effort pour écrire quand même, parce que notre hôte avait été au crédit agricole pour lire ses messages, nous envoyer sa magnifique invitation en ‘portable-document-file’ ; nous le savions tous, il nous l’avait dit : «je ne désespère pas de vous attirer là-bas»
là-bas, aller visiter le capharnaüm de monsieur et madame utopix ; ici, lancer des balles de tennis jaunes fluo dans la gueule du demi-canoë qui nous sourit
découvrir que la spécialitée de notre hôte que l’on nomme aussi "alligot", pourrait fort bien avoir un autre usage que celui de réjouir nos pupilles, longs fils qui s’étirent sans fin, et nos papilles, douce texture fondante qui me rappelle le chamallow (mode d’emploi en attente)
demander à béatrice, en tant qu’objet de jeu, d’être ma partenaire au ping-pong d’écriture : nous utiliserons les mêmes petits papiers piochés dans notre boîte magique, pleine à ras bord de phrases et de mots
penser que vivre sur le causse, pourrait constituer une alternative intéressante pour fuir les tourments du monde professionnel, venir enterrer ma haine du patronat dans l’immensité de ces landes arides et désertes.
(les mots de la boîte)