jeudi 20 juin 2013

Départ différé

Ce matin, le ciel est si bleu, mon coeur si gonflé, ma soif d'ailleurs si forte que, plus encore que d'autres jours, j'ai, non seulement envie de mettre les voiles, larguer les amarres, m'échapper d'ici, mais d'enfourcher ma machine à explorer le temps. Changer d'horizon ne suffirait pas à assouvir cet impérieux appel d'air.
Par une porte basse dans une maison génoise d'où suinte la ferveur de la mélancolie, je me glisse et mets en marche la machine à rêves. J'introduis les différents paramètres : ciel, identique à celui de ce jour ; chaleur, heure matinale et luminosité, également. Je modifie personnages, décor et époque. Pour cela, je dispose en tout et pour tout d'une pointe de crayon, d'une gomme et d'un petit calepin que je replacerai dans la sacoche arrière-droite. Après environ trois minutes d'intenses pédalages le départ a lieu. Je perds ensuite toute conscience de ce qui se passe et tout souvenir de ce qui advient pendant le séjour. De retour, je suis au même endroit dans un état d'apesanteur où aucune gêne ne me parvient, aucun bruit ne m'atteint, aucun geste ni parole ne me blessent.
Je flotte et suis bercée par l'éternelle rotation de la terre, enveloppée par l'air parfumé qui s'écoule lentement sur ma peau. L'univers entier m'est tendre, tiède et aimant.
Mais toi, lecteur, quand je t'aurai chuchoté que cet état est éphémère et toujours à ré-inventer, alors tu sauras que tout cela n'est qu'un voile parfumé cachant l'éternelle douleur de la nuit, que rien ne nous appartient mais que l'on peut ajouter de la beauté au monde.



mercredi 19 juin 2013

Bel été à tous

Lyon AT 721 20 juin 17h05      Casablanca 18h55       Cotonou 21 juin 04h30




07/2012 : Régime de noix de palme

Cette matinée là, Aimé, Godefroy (son fils) et moi avions ramassé des paniers d'orange et des noix de palme




... et repiqué 120 tecks

A bientôt à vous. Je vous embrasse et vous souhaite de superbes vacances

samedi 15 juin 2013

Absence absolue : anniversaire

" La page de ce soir, je la voudrais toute blanche, et cependant y inscrire une trace...
La page que j'écris ce soir est le témoignage d'une fidélité.
La page de ce soir, je la voudrais toute blanche.

Révérer la majesté du blanc, le non-dire qui est assurément le principe et la fin du dire, 
interrompre le silence de la blancheur par une sorte d'intrusion indiscrète,
 est-ce faire preuve de trop d'audace ?
Mais c'est en vérité, s'attacher à cela avec des mots qui savent que la nuit les environne,
 et qu'à peine écrits, ils ne sont déjà plus qu'une trace infime sur la neige
 qu'une autre neige va recouvrir."



Claude Esteban "Janvier-Février-Mars" Sur la neige





A vous vont chaque jour mes pensées

mercredi 12 juin 2013

MON ENVELOPPE

La blessure noire de l'encre
que l'on porte au bûcher à l'aube
une gangue
une chape de béton coulée sur le corps
des lettres d'impuissance
un cri
un souffle
une adresse à l'encre sympathique
pas de destinataire
et plus d'expéditeur
défeuillaison prématurée
franges écornées
enveloppement fatigué
fourreau de l'âme
écaillé
pochette de papier
mâché
déguisement des jours
dissimulation des nuits
qui ne communiquent plus avec le jour
elles y brûlent
plus rien ne m'appartient
quand le corps
se laisse aller
à ses fluides
à ses humeurs
à ses désirs...

S'envelopper
s'emmailloter
s'entortiller
se laisser envahir
tout gommer
puis disparaître
papier d'Arménie
brûlé.

dimanche 9 juin 2013

Ces mondes que nous cohabitons

" ... Il s'agit d'aller au-devant de leur silence et de tenter d'identifier ce qui s'y dit. Le mouvement général des textes composants ce livre est celui-là, il est dit ce qui dit et répète que les animaux, qui font rayonner l'existence hors des rets du langage, exercent envers lui la pression intimante d'un autre accès au sens. C'est ce sens perdu, éperdu, confondu au vivant, que les différents textes de ce recueil poursuivent."

"... Si le temps du contact avec les bêtes est, le plus souvent, le vif et l'héphémère, il reste que nous rejoignons à travers lui - et c'est l'équivalent de ces fentes dont je parlais - cette autre couche de temps où se rechargent les horloges internes des animaux et où peut-être il serait bon que nous rechargions aussi la nôtre pour améliorer notre pesanteur, nos envols (nos pensées) et notre vue."

Jean-Christophe Bailly "Le parti pris des animaux" (lire aussi "Le versant animal")

Rhapsode d'iris








Tous de mon jardin
Que ne puis-je -hélas- joindre aussi leurs parfums tous différents

mercredi 5 juin 2013

Assises Internationales du Roman (3° épisode)

L'américain KEWIN POWERS, auteur de "Yellow Birds" est le lauréat du premier prix littéraire du "Monde" remis aux Assises le 31 mai 2013

C'est un premier roman puissant, sombre et envoûtant. K Powers s'est enrôlé dans l'armée américaine et a combattu en Irak en 2004 et 2005. Des pages lyriques et violentes qui montrent comment la guerre dévore les hommes, et comment elle continue longtemps après leur retour du front, de les ronger à l'intérieur.
Tous les membres du jury s'accordent pour saluer la naissance d'un grand auteur.

Autre surprise, la projection en avant-première de documentaires qu'ARTE proposera prochainement (diffusion automne 2013) "L'Europe des écrivains" dans lesquels des figures majeures de la littérature s'expriment sur leur lien avec leur pays

"L'Italie de Erri de Luca et Claudio Magris" Deux des plus grands écrivains italiens contemporains dans une errance politique, géographique, historique et poétique parlent de leur rapport à l'Italie avec leur attachante subjectivité littéraire

"L'Angleterre de Martin Amis" Amis se penche sur les raisons profondes du dépérissement de son pays

Etc ...


A ne pas manquer  lors de la diffusion cet automne


samedi 1 juin 2013

Assises Internationales du Roman (2° épisode)

Claudio Magris, écrivain européen qui écrit en italien, était interviewé par R Rérolle du Monde.
Ses livres ("Alphabets"2012,  "A l'aveugle" 200!, "Le goût de Trieste"2003, "Microcosmes"1997, "Danube"1986 ...) tissent un univers animé par des personnages porteurs de récits intimes ancrés dans le destin de notre continent (îles de la Méditerranée, cours du Danube, anciennes frontières de l'Empire Austro-hongrois ou de l'ex-Yougoslavie), tous témoins oubliés d'une histoire complexe.
Claudio Magris nous fait re-découvrir la culture européenne dans ce qu'elle a de plus inattendu.

Voici quelques extraits d'un article de C Magris "Corriere della serra" 2013 

"Le terme de Mitteleuropa naît au milieu du XIXe s pour indiquer un espace politique et économique dominé par les austro-allemands et les hongrois. Quand on parle de Mitteleuropa au lieu d'utiliser l'expression purement géographique d'Europe centrale, on signifie une mosaïque multilingue et multiculturelle, à travers des éléments communs sous-jacents aux diverses nationalités. La création de cette civilisation est en partie attribuable à l'Empire des Habsbourg, mais ce sont surtout deux éléments supranationaux qui ont été déterminants : la langue allemande, parlée également dans tous les pays non allemands de ce monde, et la civilisation juive, présente dans chacun d'eux. La Mitteleuropa a été essentiellement la symbiose judéo-allemande, terminée par l'extermination d'une de ses deux composantes de la part de l'autre, avec la Shoah qui a été non seulement une barbarie inouïe mais aussi un suicide de l'Allemagne et de son rôle central en Europe"
Il s'arrête ensuite sur ce qui définit cette Mitteleuropa :
" ... Une culture supra nationale opposée aux nationalismes déchaînés durant les années entre les deux guerres mondiales, aux divers fascismes et en premier lieu au nazisme ; un idéal humaniste, le sens d'une appartenance à une culture plus ample que toute identité nationale. Il a été une métaphore de résistance : d'abord contre le fascisme et le nazisme, après la Seconde Guerre Mondiale contre la domination soviétique et, de façon plus nuancée mais encore vivante, contre un style de vie capitaliste-américain".
" ... Aujourd'hui, on a besoin plus que jamais de cette civilisation mitteleuropéenne si sensible au malaise, si méfiante vis à vis de tous les systèmes politiques et philosophiques totalisants qui prétendent faire marcher le monde comme une armée et interpréter et guider triomphalement la marche de l'Histoire elle-même. On aurait plus que jamais besoin de cette culture et de cette humanité si experte des ombres de la vie, des fragments où notre existence souvent se désagrège, de ce qui reste à la marge du cours arrogant du progrès, de ce qui manque au coeur et de la douloureuse et amoureuse ironie dont le coeur a besoin".

Il faut lire Magris