Se dire que, bien sûr, on n'a pas fait le tour de la question, qu'il resterait bien des pistes à explorer encore...mais qu'il faut aussi savoir conclure, et laisser chacun s'emparer de toute cette matière qu'il a entre ses pages écrites et d'en faire quelque chose...ou pas...
Alors, voilà la dernière proposition d'écriture après lecture de fragments de "Dans les ruines de la carte" d'Emmanuel Ruben, avec qui j'ai commencé ce chantier d'écriture:
De
quoi est faite une carte? De chiffres et de lettres, de lignes et de
couleurs, de quelques pictogrammes épars. Cinq registres de signes
pour suppléer la réduction du visible et de l’invisible en deux
dimensions et de nos cinq sens en un: la
vue, disons plutôt le regard – ce toucher, cette écoute de l’oeil
lorsque la rumeur du monde s’est tue, lorsque se sont aplanis les
moindres reliefs. Selon qu’un de ces quatre éléments prend le pas
sur les trois autres, l’enfant qui a longtemps vagabondé ces
cartes en main, ces cartes sous les yeux, ces cartes plein les
paupières, se rêvera tour à tour géomètre ou mathématicien.
S’il veut tenir ces quatre-là en un, il se rêvera stratège,
arpenteur, cartographe, ou plutôt géographe. Ou qui sait,
dessinateur, écrivain: mesurer, interpréter, partager, délimiter
auront fini par le lasser. Ce qu’il voudra désormais, c’est
créer. Créer la carte. Créer sa
carte. Non seulement tracer des lignes mais construire la légende,
construire sa
légende. “Trouver le lieu et la formule” signifie en réalité
les inventer, les réinventer. Réinventer le lieu. Réinventer la
formule. Créer encore et toujours, jusqu’à l’épuisement.
Proposition d'écriture: créer sa propre légende émotionnelle, affective, face à sa carte; noter un arbre, une ruine, un chemin... avec quelques mots pris dans ses textes ou réécrits avec poésie
Petit cadeau,un extrait de l'épilogue du livre de Ruben :
J’appelle
en archipel une écriture faite d’allers-retours, de va-et-vient,
de chassés-croisés – une écriture à sens multiples
J’appelle
en archipel une écriture qui explore le labyrinthe de l’esprit et
traverse le miroir du corps
J’appelle en archipel une écriture
qui sait que la vie est le rêve d’une ombre
J’appelle en
archipel une écriture qui sait le réel improbable
J’appelle
en archipel une écriture qui sait qu’il n’y a pas de monde un
mais des mondes pluriels, innombrables
J’appelle en archipel
une écriture qui relie les lieux délaissés et relit les livres
oubliés
J’appelle en archipel une écriture ouverte, au plus
près du dessin, de l’ébauche, de l’esquisse
J’appelle en
archipel une écriture qui consent à recourir à l’image lorsque
les mots ne suffisent plus, que cette image soit une photo, une
carte, un croquis, un simple trait
J’appelle en archipel une
écriture qui se méfie de l’ordre du discours et laisse la place
au désordre des voix
J’appelle en archipel une écriture qui
multiplie les points de fuite et superpose les échelles
(...)
J'appelle en archipel une écriture hantée par le démon de l'inachevé