mercredi 30 septembre 2009

Un jour, "spéciale dédicace à Michelangelo"

"Un jour, il m’a promené dans sa brouette. Un jour, il m’a appris à pincer un petit plomb avec les dents sur un fil de pêche. Un jour, il m’a giflé parce que je m’approchais trop près d’un nœud grouillant de vipéreaux. Un jour, il m’a offert un stylo-plume en forme de Concorde. Un jour, il m’a remis la coupe de vainqueur du tournoi de ping-pong. Un jour, il a fait disparaître un couteau sous mes yeux. Un jour, il s’est emporté contre moi parce que je ne voulais plus de Dieu. Un jour, il a créé le prix littéraire Briance-Le Vigen dont je fus dès lors chaque année sans concurrence le lauréat glorieux. C’était mon grand-père et depuis hier mon existence n’est plus dans la sienne enclose." 
Eric Chevillard, 30 septembre 2009 - pour celles et ceux qui n'auraient pas encore cliqué sur le lien-

mardi 29 septembre 2009

Collections (1)

"Je supporte mal qu'on jette, qu'on détruise. Si bien qu'en plus de nos trésors arrachés aux décharges ou chinés aux puces, nous vivons parmi tous les objets dont je refuse de me défaire. Je déteste que l'on jette mes vêtements usagés, mes bouts de crayon, leurs entaillures, les papiers, les bouteilles vides. Quant aux chaussures, pour les mettre au panier, il faudrait me les faucher quasiment aux pieds ou pendant mon sommeil.
Parfois je peins les objets que je collectionne, j'en fais de petits tableaux. Je ne sais pas pourquoi je me suis mis à faire cela." Henri Cueco Le collectionneur de collections

lundi 28 septembre 2009

Sentiers et chemins


"Jamais il ne s'était senti avec lui- même dans une telle intimité ... Ce besoin de faire sauter une à une toutes les amarres, ce sentiment de délestage et de légèreté profonde qui lui faisait bondir le coeur. La pensée aussi se couchait en lui au profit d'une lumière meilleure. Marcher lui suffisait : le monde s'entr'ouvrait doucement au fil de son chemin comme un gué" J. Gracq "Un balcon en forêt"


Sentiers et chemins

Comme beaucoup d'entre nous, j'aime photographier des tracés de chemins dans de vastes panoramas ou de petites sentes en prairies ou sous-bois...Tant de constance et de plaisir répétés au fil des ans auxquels font écho tant de douces rêveries... Arrachée à l'ici, le coeur et l'esprit brusquement élargis, je suis entraînée vers d'autres chemins, chemins de rêves, souvent arpentés. Ma préférence va aux vastes perspectives sinueuses débouchant sur le ciel, ou à l'opposé, aux sentiers qui s'enfoncent, se faufilent vers le sombre et le touffu.
En cet automne miraculeux, nous marchons souvent Josette et moi. Josette a soixante quinze ans. Elle connaît chaque ferme, chaque courbe de ce pays où elle est née et qui vallonne autour du synclinal de Saoû. Lors de nos ballades, tout le chemin peut se déployer d'un seul coup d'oeil, j'avance alors dans l'enthousiasme d'atteindre ce bosquet ensoleillé, puis cette zone d'ombre fraîche là-bas le long du champ qu'un paysan herse. Je vis une sorte d'ivresse à ce jalonnement, de taches de lumière en zones obscures. dans l'instant, le chemin continue à offrir ses surprises : reflets d'argent sur les sillons de terre fraîchement retournée aperçus différemment d'en bas, ronciers couverts de mûres, aigle qui rôde au-dessus d'une muraille, premières châtaignes dans leurs bogues. Peu à peu, la vaste perspective est conquise, je peux me retourner, contempler le chemin déjà parcouru comme une perspective de ma vie -déjà écoulée- Je vois,étalé devant moi, le chemin parcouru et par un demi tour, j'appréhende ce qui va venir. Je balaie d'un seul coup d'oeil et dans l'immédiateté, un destin. Passé, présent, avenir occupent mon champ visuel et mental dans toutes leurs sinuosités, humilité et splendeur.
D'autres fois, le chemin se cache, aucune perspective. Où va t-il ? D'où vient-il ? C'est à chaque courbure de terrain, parfois seulement au pied d'un gros arbre, que je découvre le changement de direction. Je crois partir vers l'ouest, tout semble me tirer dans ce sens. Pour effectuer une boucle, il faudrait en effet bien prendre cette direction, mais le sentier s'étire et traîne autrement, il bifurque vers ces grands peupliers, me fait longer un champ de noyers. Les noix glanées dans le fossé viendront rejoindre les trois pommes ramassées plus bas, et les quelques "pinets" cueillis dans le bois, les plumes et les pierres.
Récemment, nous avons voulu rejoindre la tour de Bezaudun qui nous faisait signe depuis longtemps. Aucun chemin existant. Nous avons piqué à travers herbes hautes, aubépines, églantines, contourné les ronciers, glissé sur les pierres. Parfois, il nous semblait reconnaître une trace, trace d'ancien chemin. Nous avons persisté. Bouche bée, yeux écarquillés, le paysage au sommet surpassait nos attentes. Pendant notre contemplation du panorama, tous les chemins apparaissaient en clair ou en trouées, serpentant le flanc des montagnes, festonnant une crête. Plus on regardait, plus il en apparaissait, et nous vîmes alors le chemin que nous aurions dû emprunter pour monter, incrusté dans le paysage, non pas en trace d'ornières ou de pas, mais en une absence de végétation haute, passage seulement marqué par des arbustes bas dont on pouvait suivre les sinuosités et qui, plus tard, nous ramena confortablement jusqu'au pied de la pente. De loin, tous ces anciens chemins se discernent nettement, ils sont plus dissimulés qu'effacés, prêts à reprendre du service pour peu que ce vingt-et-unième siècle ait un jour, à nouveau, besoin d'eux. D'autres chemins nous offrent encore de bien plus grandes surprises. L'été, tôt le matin, dans une lumière de commencements, nous montons à Roche-Colombe, une des proues de la forêt de Saoû. A un détour du chemin, nous débouchons sur un immense rocher gravé de noms, de visages, portant l'inscription "Insurgés, déportés de Saoû 1851" "Gens de la campagne, contre les oppresseurs, mettons-nous en campagne". Nous avons promené notre questionnement tout un jour avant d'apprendre qu'il s'agissait de la révolte contre Napoléon III et que tous ces insurgés avaient été capturés et emprisonnés dans la tour de Crest, non loin d'ici.
Je vous invite aussi à emprunter le chemin des Caprines à Vesc, où quelques artistes ont disséminé leurs oeuvres, dont ces époustouflants "Hommes en marche"; celui de Muston, pasteur à Bourdeaux de 1836 à 1888, une plaque du patrimoine drômois le décrit : théologien, historien, naturaliste, poète, dessinateur, médecin, il soigna gratuitement ses paroissiens par l'homéopathie, la radiesthésie et les plantes, résolument républicain, il s'opposa au coup d'état de 1851, ami de V.Hugo, Michelet, G.Sand, Mistral, Rouvier et H.Fabre avec qui il correspond ; celui des protestants au col de la Chaudière où passaient les pourchassée pour se réfugier en Suisse. Les chemins nous content un pays, nous montrent notre vie, nous offrent le monde et ses richesses. Un chemin nous a dernièrement emmenées jusqu'à un lieu-dit "Le calme" : une maison incrustée dans les champs irisés, seuls, sertie dans le profil du col.
C'est là, je suis arrivée, je ne reprends pas la marche -pour le moment- et je vous rends les mots. Je n'en ai plus besoin.

"Un chemin ? qu'est-ce qu'un chemin et pourquoi ? Le prendre sur la droite, et disparaître avec lui ? Mais à quoi bon disparaître ? Le ciel est si vaste et si immobile, dans la chaleur. Le monde est tellement plus vaste quand on le regarde à travers la découpe d'une porte" Y. Bonnefoy "La longue chaîne de l'ancre"

jeudi 24 septembre 2009

Ecrire


" Travailler la langue de sorte qu'elle soit aussi le support de ce qu'elle a à dire. Chercher le rythme qui reflète les mouvements intérieurs, le tout premier lieu. S'entourer de phrases comme on est entouré de murs,d'un sol, d'un plafond, se laisser encercler par la répétition d'un mot, puis d'un autre, bleu et blanc, les mots tournent autour de moi pour former mon lieu, je répète "ici" et "là", je demande aux mots de délimiter une sensation, la rendre visible, cette sensation qui erre dans la pièce jusqu'à ce qu'elle vienne se poser dans le texte. Faire du livre un espace où quelque chose se tient. Attirer le lecteur à l'intérieur, dans ce rectangle ouvert.
Monter des murs de mots, et de ponts.
Ouvrir grâce à eux les portes fermées à clé"

Lise Beninca "Balayer, fermer, partir"

vendredi 18 septembre 2009

Les onze



Combleux, Monsieur.
Vous ne connaissez pas Combleux? A Combleux tout est clair. C'est l'enfance. C'est bien avant Les Onze, bien avant le grand tableau d'ombre dans lequel la clarté pièce à pièce est enfouie, bien avant que l'or et le soufre, le bleu, le blanc, le rouge, les couleurs trines de la République une et indivisible, dansent dans le noir, se lèvent calmement dans le fond de la nuit. A Combleux il fait jour. Il y a le fleuve, le ciel, l'été. On est loin de ventôse. C'est à Combleux qu'il faut revenir, pour bien voir l'enfant; et pour voir les deux femmes en grandes jupes claires qui fléchissent éperdument vers lui.

Pierre Michon "Les Onze" ( Verdier)

lundi 14 septembre 2009

Crassiers de Michon

Avant la rencontre vendredi 18 avec P. Michon, un avant-goût avec cet extrait d'un texte intitulé "L'âge de fer", dans le livre "Illusions sur mesure" de G. Macé. C'est un texte sur Sinté et dédié à Agnès Castiglione qui a invité P Michon


"...Quand on remonte au jour, vaguement ébloui s'il fait beau, le regard se tourne vers ce qu'on appelle ailleurs les terrils, et qu'on nomme ici les crassiers Michon : deux faux volcans mal éteints qui continuent leur combustion lente, depuis trente ans que le site s'est arrêté, à cause des gaz et du charbon emprisonnés dans ces pyramides de poussières . Pour les rendre moins tristes on a planté des acacias sur leurs flancs, car si l'on ne croit plus à l'éternité dur comme fer, on plante encore des arbres: du charbon dans trois cents millions d'années, à condition qu'on laisse à la terre le loisir de produire ce diamant noir, qui transformait les mineurs en pierrots maquillés de ténèbres,dont les yeux clairs étaient cernés en permanence d'un khôl naturel ;sauf les jours de fête et de Sainte Barbe, où le nez sur la glace on frottait le moindre interstice, afin de se refaire, luxe suprême et carnaval à l'envers, la tête de tout le monde..."

samedi 12 septembre 2009

lundi 7 septembre 2009

silence


Après une semaine de "retraite", les pages s'accumulent, une histoire prend forme. La vie pourrait s'écouler ainsi à l'infini... village vide, lumière plus belle que jamais, silence


"...Quand il se réveille la nuit proche a allongé les ombres et le monde a pris une douceur de songe.Le crissement des cigales de fortissimo s'est presque éteint. Au-dessus de sa tête, les arbres découpent dans le ciel des nuages sombres qui jettent sur le sol une ombre plus foncée. Il se met à parler bas à Anis, paisiblement, avec des intervalles de silence. La solitude, le parfum du bois, l'ombre du feuillage l'incitent au silence. De la terre monte un silence frais à l'oreille, la terre entière a l'âge de Paul. Le jour touche à sa fin..."

mercredi 2 septembre 2009

moi aussi j'ai mes voix



Bon d'accord, ce n'est peut être pas un amplificateur haut-parleur ni même un sonotone d'un modèle un peu ancien ; il s'agit même à coup probable d'un système de chauffage, vu le tuyau responsable de l'adduction, qui tient davantage de la plomberie -qui comme chacun le sait n'a jamais transporté d'ondes- que de l'archange Gabriel. N'empêche, Solange était peut-être frîleuse, (avec un ^) et ça on n'en sait rien.
Quant aux moutons, on ne va pas chipoter sur leur taille, c'est déjà pas facile de se tenir immobile sur un si petit espace, alors à 5, je voudrais vous y voir...