jeudi 24 avril 2014

L'homme séparé et la femme coupée en deux

L'homme séparé est le jumeau vertical de la femme coupée en 2. Mais ce pourraient être 2 hommes ou 2 femmes, en tous cas c'est une histoire d'amour qui a tourné en eau de boudin.
L'un est coupé en 2 dans le sens de la longueur, 1 côté droit, 1 côté gauche, 1 côté cœur, 1 côté raison. L'autre est coupé en 2 dans le sens de la largeur. 1 côté tête, tronc et bras, 1 côté ventre et tout ce qui s'en suit, et tout ce qui en coule et en découle. De ces 2 corps séparés, on ne peut plus rien faire. C'est trop tard. Les morceaux ne se recolleront plus, ni ensemble, ni l'un avec l'autre.
Il en résulte des morceaux de viande, des amas de sentiments inutiles, des tripes offertes à l'étalage de la vindicte, et aux mouches. Il en résulte des chorégraphies monstrueuses, lorsque les 2 corps essaient de se joindre à nouveau. Mais ça décale toujours et de plus en plus, ça joint mal et ça fait des humeurs malignes qui suintent des cicatrices boursouflées.
Ce n'est pas beau à voir. C'est pathétique et un peu écœurant. Le Séparé se pare parfois de beaux vêtements qui l'assemblent un peu, donnent l'illusion qu'il est entier et qu'il sait où il va.Bien entendu il n'en est rien.
La Coupée en 2 se met des cataplasmes sur le diaphragme, respire à gros bouillons et à petites foulées, passe des coups de téléphone et s'entortille dans les fils. On dirait une paupiette de veau, un roulé de dinde.Elle se couche en boule dans son lit, s'enfœtuse sur elle-même et pleure, pleure pleure, se disloque. 
Au matin, elle ressort sa boîte à couture et se recoud à grandes aiguillées pour pouvoir continuer au grand jour sa vie d'Entière.
Au loin, le Séparé a remis son armure bien huilée et il avance en fendant la petite foule qui ne perçoit qu'à peine un petit cliquetis, un grincement de ferraille dans un balancements de membres à contrecourant.

2 commentaires:

Lin a dit…

Merci ! c'est marrant, le texte lu sur le blog ici paraît plus court que quand tu le lisais hier soir à haute voix il garde son humour, sa "classe", sa sensibilité quelque peu ironique, bravissimo

Ange-gabrielle a dit…

Je ne peux dire qui, de l'un ou de l'autre, est le plus malheureux, ce que je sais c'est que ton texte coule de source