jeudi 26 décembre 2024

L'oeil et la source / 4

 




dans le labyrinthe de l'esprit s'acheminer et se perdre



face à l'homme reclus une paroi d'obscurité

des formes inattendues se manifestent

une langue d'aurore sur la pierre

quelque chose qui restera reclos

matrice d'imaginaire à l'apparence incertaine




un archipel de pensées fragmentaires, presque futiles, se festonne, pour ne pas perdre pied, conserver le contrôle

une langue sur une peau

la douceur d'une cicatrice

qui prendrait soin du temps qui passe

une présence-absence où quelque mémoire s'attise, se frotte, cherche le déjà-là



c'est une manière de voir migrante où

la lenteur à croître du lichen est lien

où s'incruste un alphabet d'énigmes

entre les thalles du lichen que l'on nomme crustacé

c'est alors le microscope qui serait utile

pour savoir qui, caché, nous nargue encore





dans une image y aurait-il incarnation d'une vérité

mystère et silence migrent dans la mosaïque

l'oeil s'égare dans ce labyrinthe

n'est pas Thésée qui veut et

il y a bien longtemps que le fil d'Ariane a été lâché

a-t-il même jamais été tenu sans parler d'avoir été serré



des visions s'entremêlent

des apparitions souffreteuses laissent percevoir quelque lumière bleutée

transfigurent un réel dans quelque repli de la raison

les failles s'élargissent dans le ciel que nous poursuivons de nos assauts qui peuvent se juger insensés

mais le silence de l'air et la vision floue s'épousent encore

alors on espère l'émergence d'un rhizome de sens



une harmonie secrète au cœur de la disharmonie




mardi 24 décembre 2024

LE CHAUFFEUR DE BUS par Elizabeth Gilbert

"Il y a quelques années, j'étais coincée dans un bus de New York à l'heure de pointe. La circulation était à peine fluide. Le bus était rempli de personnes froides et fatiguées, profondément irritées les unes contre les autres, contre le monde lui-même. Deux hommes s’engue... à propos d'une bousculade qui aurait pu être intentionnelle ou non. Une femme enceinte est montée et personne ne lui a proposé de s'asseoir. La rage était dans l'air ; il n'y aurait pas de pitié ici.

Mais alors que le bus s'approche de la Septième Avenue, le chauffeur prend la parole. Je sais que vous avez eu une journée difficile et que vous êtes frustrés. Je ne peux rien faire contre la météo ou la circulation, mais voici ce que je peux faire. Lorsque chacun d'entre vous descendra du bus, je lui tendrai la main. En passant, déposez vos problèmes dans la paume de ma main, d'accord ? Ne ramenez pas vos problèmes à vos familles ce soir, laissez-les moi. Mon itinéraire passe juste à côté de la rivière Hudson, et quand je passerai par là tout à l'heure, j'ouvrirai la fenêtre et je jetterai vos problèmes dans l'eau ».


C'est comme si un sort s'était levé. Tout le monde éclate de rire. Les visages s'illuminent d'une joie surprenante. Les gens qui, depuis une heure, faisaient semblant de ne pas remarquer l'existence de l'autre, se mirent soudain à sourire en se demandant si ce type était sérieux.

Oh, il était sérieux.

Au prochain arrêt, comme il l'avait promis, le conducteur a tendu la main, paume vers le haut, et a attendu. L'un après l'autre, tous les usagers qui sortaient ont placé leur main juste au-dessus de la sienne et ont mimé le geste de déposer quelque chose dans sa paume. Certains riaient, d'autres avaient les larmes aux yeux, mais tout le monde le faisait. Le chauffeur a répété le même rituel à l'arrêt suivant. Et au suivant. Jusqu'à la rivière."

Joyeuses Fêtes à toutes et à tous

Les 3 becs, Le col de la Chaudière & la chaîne de Couspeau

 

 

Les mêmes vus de ma chambre se reflétant dans la vitre des voisins d'en face

 

Que nos esprits et nos âmes soient aussi paisibles en 2025 que ce paysage.

Des mimis à vous toutes-s
 

dimanche 22 décembre 2024

L'image fige un temps révolu

 

   


Du bateau à aubes sur le Rio Magdalena au paquebot le France comme échoué sur des rivages craquelés de sécheresse, du canot dans les bras morts des affluents-rivières sur l'Amazone, de la savane du Soudan au Parc de la Tête d'Or, un parcours à la recherche de temps révolus, de migrations forcées et de paradis retournés au néant.

Dans ma collection de livres cultes, j'ai plusieurs fois erré dans cette forêt littéraire, baroque et musicale, cette forêt-piège avec ses zones interdites qui ne se laisse pas facilement spolier de ses trésors.

Dans les méandres du fleuve un indice à 3V sur un tronc indiquait le passage. Mais c'était sans compter ici avec les inondations, là avec la sécheresse ou les incendies. Avec les chasseurs, les chercheurs d'or, les braconniers, les producteurs de viande intensive. Les paysanges changent et deviennent des pays-démons.

Un jour le paradis ne suffit plus, il faut retourner faire provision de richesses qui n'existent que dans la civilisation des villes, un jour la girafe capturée sera privée de la course en bande dans la savane du Kordofan et exposée à l'ennui de l'enclos du zoo.

Mais il n'y a pas de retour possible. La route est redéfaite, le passage est perdu, sous les eaux, la girafe pleure dans son parc lyonnais, le France reste à quai.

Le texte se referme sur ses secrets et la symphonie de la forêt reste inachevée.

jeudi 19 décembre 2024

Balbutiement d'une pensée (4)


 

Je suis une baleine boréale, je navigue depuis très longtemps dans les eaux de l’Arctique, j’approche les 200 ans, je frôle les orques et les otaries à fourrure, d’un coup de queue ou de fanon, je les évite élégamment ; elles sont inquiètes comme moi. Et pourtant, est-il de plus grand bonheur que le nôtre ? Danser avec nos baleineaux sous la lumière presque irréelle d’une aurore boréale.

Mais plus rien n’est pareil dans nos profondeurs jadis si silencieuses où seuls nos chants résonnaient, on ne s’entend plus. Parfois un tel tintamarre retentit dans nos eaux que nous n’entendons plus les signaux de nos congénères. On ne peut plus danser et admirer les prouesses de nos danses, les enseigner à nos petits, l’eau n’a plus la transparence d’autrefois. Là où la nourriture abondait, souvent nous ne trouvons que détritus. Malgré tout, dans les eaux profondes et froides, de mon front, je brise la glace et continue à chanter.

Nous composons de nombreuses mélodies que nous renouvelons constamment et plus l’adversité nous menace plus nous chantons, surtout en hiver quand le soleil ne se montre jamais et que la glace couvre presque la totalité de la surface de l’eau.

Nous sommes chassées depuis si longtemps que nous ne sommes plus très nombreuses, allons-nous disparaître ? C’est fort possible. Alors nous déployons notre symphonie désespérée dans les profondeurs de l’océan. Nos chants sont puissants




CHERCHER-VOIR/ 4

 



 

 

 

 

 

 

 

 

 

VOIR – CHERCHER    TROUVER  (IV)

Des poumons oppressés.
Le souffle envahi par la solitude du gris.
La souffrance du silence obligé, emmuré dans un grillage rafistolé au plomb des sévices.
Liberté. Le mot gommé, foulé, refoulé, écrasé sous les semelles des prisonniers martelant les couloirs. Relégué sous les langues, au fond des gorges humides des émanations du chagrin.
L’avenir. Il se meurt dans le couloir aux lignes nauséabondes. Long tunnel étriqué. Grilles-mâchoires. Lumière falote des impossibles sur le sol de terre battue. Tunnel où se fourvoient les idéaux avalés par la porte entrouverte. La porte des incertitudes, du temps maudit qui déglutit l’envie de vivre.
 S’échapper dans le labyrinthe des jours Se soustraire à la peur des matins qui succèdent aux soirs.
 Le Rien.
Le Vide.
Palper les murs. Tourner, tourner, tourner. Devenir le derviche de la désespérance. Vouloir croire en la liberté incarnée.


LINETTE.

mardi 17 décembre 2024

CHERCHER-VOIR / 3

 



VOIR -  CHERCHER    TROUVER  (III)

Unis sur le même bateau, les arbres droits, fiers défient le monde. Leur Arche de Noé impériale, impérieuse vogue sur l’univers sombre du Temps qui passe et déroule ses vagues atones.
Le ciel chargé déverse ses nuages comme pour engloutir le cri qu’ils jettent, hébétés, dans le gris.
Le bateau tanguera, il se renversera mais les grands végétaux resteront droits. Ils sont notre âme que le destin  appelle. Ils sont nos cris dans la nuit noire du monde. Ils sont nos corps qui veulent résister ne pas finir en cage, tressés, ligotés, épuisés par la sourde colère des vaisseaux ennemis.
Ils sont le chat, le chien, le lémurien qui nous disent leur amertume, là où est notre indifférence.
Ils seront la prison de nos calculs erronés, l’incarcération de notre conscience.


LINETTE.