Je suis une baleine boréale, je navigue depuis très longtemps dans les eaux de l’Arctique, j’approche les 200 ans, je frôle les orques et les otaries à fourrure, d’un coup de queue ou de fanon, je les évite élégamment ; elles sont inquiètes comme moi. Et pourtant, est-il de plus grand bonheur que le nôtre ? Danser avec nos baleineaux sous la lumière presque irréelle d’une aurore boréale.
Mais plus rien n’est pareil dans nos profondeurs jadis si silencieuses où seuls nos chants résonnaient, on ne s’entend plus. Parfois un tel tintamarre retentit dans nos eaux que nous n’entendons plus les signaux de nos congénères. On ne peut plus danser et admirer les prouesses de nos danses, les enseigner à nos petits, l’eau n’a plus la transparence d’autrefois. Là où la nourriture abondait, souvent nous ne trouvons que détritus. Malgré tout, dans les eaux profondes et froides, de mon front, je brise la glace et continue à chanter.
Nous composons de nombreuses mélodies que nous renouvelons constamment et plus l’adversité nous menace plus nous chantons, surtout en hiver quand le soleil ne se montre jamais et que la glace couvre presque la totalité de la surface de l’eau.
Nous sommes chassées depuis si longtemps que nous ne sommes plus très nombreuses, allons-nous disparaître ? C’est fort possible. Alors nous déployons notre symphonie désespérée dans les profondeurs de l’océan. Nos chants sont puissants
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