samedi 17 septembre 2011

17 septembre : un an


Je reste persuadée que si l'alpiniste que vous étiez se balade quelque part dans l'infini, c'est bien dans un tel paysage que sont allés vos pas.

Même si je le savais, jamais je n'avais pris conscience avec une telle acuité, que nos lettres échangées pendant près de trente ans, étaient autant adressées à nous même, à l'autre « moi » en nous. Il n'y a donc aucune raison, pour que « vous » disparu, je cesse de vous écrire.
« Les lettres c'est s'écrire à soi-même ce qu'on ne sait pas qu'on va être.Elles commencent par une majuscule et tout en sort, comme les filaments d'une plante sous-marine.
Il sort -il doit sortir- de très profond tout cet enchevêtrement de mots dont nous aspirons à ce qu'il soit très abyssal quand il est généralement très superficiel »
J'ai à nouveau recours à R. Gomez de la Serna « Lettres à moi même » pour m'adresser à vous outre-tombe.

« Ne crois pas que j'ignore qu'il me faille aller vers cette vallée ultime, où il n'y a personne et où l'on n'entend pas siffler le train.
Dès que je perdrai l'équilibre et tomberai à la renverse dans le fauteuil où j'écris, je sais bien que j'entrerai dans cette vallée solitaire, et son jour plein de crépuscule.
Je veux retarder l'événement et donc je prends des médicaments, je prends le soleil dans un patio, je prends des cours de langue pour parler avec le néant du trajet, le temps d'arriver au lieu où il n'est pas besoin de mots, où l'on a l'éloquence de la lumière.
Je lézarde et je lézarderai longtemps avant d'arriver à cette vallée ultime, mais je sais bien que je suis en chemin -je l'ai été dès ma naissance ; tout vient à point à qui sait attendre.
Les images me distraient pour m'empêcher de trouver la non-image, qui est la véritable image.
C'est incroyable, mais c'est la vie. Ne pas pouvoir écrire à qui l'on aime le plus, pour se confier, pour lui faire les plus grandes confidences, pour revenir sur sa vie que l'on vit en aveugle.
Il y a de moins en moins de gens à qui écrire, surtout quand personne ne répond, mais le genre épistolaire ne peut disparaître. Mais que te dire pour te gagner au non-mourir, pour endiguer ton cours irrépressible ?
A qui vais-je écrire lettre sur lettre si je n'ai que toi au monde ?
Il est vrai que je tremble parfois comme cette nuit, parce que s'écrire à soi-même c'est comme écrire à un fantôme lointain et sa voix au fond de laquelle meurt le « Au secours ! » qu'on pourrait lui lancer, car il peut se mettre à mourir au moment où on lui écrit et alors la lettre, outre qu'elle serait sans réponse, resterait inachevée.
-Il écrivait hier ou il y a un moment une lettre où se reflétait encore la vie et là-dessus il et mort sans se rendre compte que c'était la dernière lettre qui n'en annonçait plus d'autres.
Il a entendu un petit bruit dans un coin de la chambre : il n'y a pas prêté attention, il n'en a pas fait la description dans cette dénonciation de la vie qu'est une lettre, et « cela » c'était la présence de la Tueuse pour qui il n'est ni serrure, ni tour de chambre avant de tirer le verrou, étant donné qu'elle était déjà là, à l'intérieur, avant toute précaution.
Aujourd'hui c'est encore et encore le même jour, car le monde ne connaît qu'un seul jour, qui se répète et se répètera jusqu'à la fin du monde. Ce qui fait la différence de ce jour unique ce sont les pensées, les événements politico-guerriers, les faits divers crapuleux »

Affectueusement vôtre. Je vous embrasse

2 commentaires:

Laura- Solange a dit…

J'aime cette écriture outre-tombe qui te relie à toi.
"Ne pas pouvoir écrire à qui l'on aime le plus, pour se confier, pour lui faire les plus grandes confidences, pour revenir sur sa vie que l'on vit en aveugle." Oui, écrire outre mur...

Lin a dit…

j'ai imaginer mARIA? rilke... lettre à un ami poète... une profondeur indescriptible, une vérité affective et intellectuelle spontanée, sans murs aveugles...