jeudi 16 mars 2017

Printemps des poètes : l'oubli


Oublier ? 
On raconte volontiers que le temps aide, qu'avec le temps on oublie. Les hommes s'accrochent à cette idée, veulent y croire à tout prix pour adoucir quelque peu le chagrin d'un départ, d'une disparition ; le trou creusé est si intense que chacun se cramponne au moindre espoir.
Tout d'abord l'odeur disparaît : ton odeur tant aimée dans laquelle parfois je venais noyer mes pauvres chagrins, dont je m'abreuvais comme à un sein, le parfum de tes cheveux, du creux de ton cou, celui de lait et de foin, celui de l'enfance. Il m'arrive parfois de la retrouver au pli d'un de tes vêtements, au coin d'une rue, apportée tout à fait par hasard par le vent et je sais alors que tu me fais signe, que tu es toujours là avec moi, pour moi.
Puis la voix elle-même s'estompe, de plus en plus évanescente ; restent quelques accents, des expressions qu'avec étonnement je m'entends prononcer à mon insu.
Tu fus celle que je perdis la première … puis vinrent les suivantes … Semaines et mois passent ... effectivement la vie continue, la joie revient, la vie prend le dessus dit-on, l'envie même de vivre renaît, mais le trou reste béant, là tapi dans un coin, de ce qui sera désormais ce nouveau moi qui a dû réapprendre à vivre avec quelqu'un qui a changé d'état. Car c'est bien de cela qu'il s'agit, se construire à nouveau et vivre, non avec un vivant, mais avec un disparu avec qui l'on continue de dialoguer, d'échanger. La transmission n'est jamais terminée. Il y a maintenant vingt-cinq ans que tu n'es plus mais le temps entre nous a oublié de s'écouler, le sablier est bouché. Le reste des années lui, a bien poursuivi son chemin ; j'ai vieilli, les feuilles sont tombées d'innombrables fois, les arbres ont reverdi mais tu es là, présente, ici, maintenant. Je me blottis toujours contre toi au creux de mes nuits blanches. Vous êtes tous là.
A chaque disparition sur ma route, la même horreur, la même folle douleur, le même manque mais je sais que le temps ne fera rien à l'affaire, ne viendra rien gâcher, que le fil d'or persistera.
Il y a aussi celui que l'on laisse, loin, dont des milliers de kilomètres nous sépare, distance qui empêche de se revoir et avec qui on échange d'innombrables mails qui se vident peu à peu de toute substance : il manque le toucher, le son de ta voix, tes pas traînés dans le sable, l'intensité des moments passés ensemble, les confidences, nos rires …

Que je porte ton bijou à mon cou, que tout à coup au tournant de la page d'un livre une de tes annotations me ravisse, que le vent m'apporte quelques notes d'un de tes airs préférés et voilà mon coeur qui gambade et toi-vous assis à mes côtés.

1 commentaire:

Lin a dit…

magnifique