samedi 5 janvier 2019

la nuit, tout peut arriver...

1/ C’est un jour dans visage, un de ces jours habillé de grisaille où la lumière peine à traverser les carreaux de la fenêtre de la cuisine. Ce n’est pas encore la nuit, mais ce n’est déjà plus le jour. La fillette, assise sur sa petite chaise a désormais de la difficulté à distinguer les points de dentelle qu’elle doit réaliser si elle veut terminer son ouvrage en ce jour. Un feu lance de petites flèches denses et brèves au sein de la cheminée. La lumière se concentre sur cette partie de la pièce, laissant glisser le reste parmi les ombres. La petite fille est seule à faire cliqueter les fuseaux; elle attend le retour de sa mère qui a laissé son carreau sur la chaise à côté d’elle. Dans l’angle opposé à la cheminée, la grande horloge n’en finit pas de dépecer le temps et de rappeler à l’enfant qu’il lui faut se hâter. Derrière elle, posée sur la table, se laisse deviner une tourte libèrant cette odeur si particulière de pain chaud qui parvient à se diffuser au-delà du torchon à carreaux qui la recouvre. Le balancier du temps déterre le silence alors que au-dehors le vent s’est levé. La fillette, dans un soupir, pose son regard sur les flammèches qui pétillent et oublie son ouvrage.


2/ La nuit est enduite de cette suie que strient quelques étoiles où le regard cherche à se racrocher pour garder quelque espoir. Les grands pins serrés les uns contre les autres gémissent bercés par un vent léger qui se faufile entre leurs branches. La lune n’est pas encore levée et la marche sur le chemin caillouteux n’est guère aisée. Elles se tiennent par le bras, à la fois pour se donner du courage et pour éviter de trébucher. Elles sont trois à remonter le chemin qui les a conduites, il y a quelques heures déjà, au bal du village voisin. Elles sont trois amies: Eugénie, la patte un peu folle, Pauline la plus peureuse et Madeleine toujours pleine de rires. Leurs sabots blessent un peu leur peau lorsqu’elles se tordent les pieds sur des racines ou des cailloux qui obstruent leur marche. La rivière est franchie: elles ont passé le gué en marchant sur des pierres judicieusement alignées et commencent la remontée là où la forêt se densifie et elles rient pour retrouver des forces qui faiblissent et combattre la fatigue. Elles sont proches du passage où le paysage se perd.

1 commentaire:

Linette a dit…

J'aime "la grande horloge qui n'en finit pas de dépecer le temps"...