mercredi 21 mars 2012

Itinéraire , un peu

Je l'ai presque fait. Sans respirer, Sans pensées du passé. Sans photos non plus. Juste avec les pieds s 'enfonçant dans l'asphalte. J'aurais bien aimé le faire sans regarder.
Le ciel était bleu, avec cette douceur des premiers jours de printemps, venue un peu avant l'heure, où l'on s'attend à voir surgir un lapin au coin d'une maison. J'avais au fond du sac un livre plein de mots. Et je me suis cognée à tout ce qui me heurte. Des voix démesurées qui ébranlaient les pierres, des éclats de bras qui tricotaient le vide, des rides rafistolées sous des cheveux de chaume, et tant de mains tendues ponctuant les trottoirs, et tant de mains tendues qui plantaient leurs échardes. Des regards somnambules et des phrases glanées entre les bouches obscènes, une sorte de sciure où se noie le chagrin. Au milieu de cela, l'éclair d'une vitrine emplie de chocolat et le regard clair de l'enfant juché sur les épaules d'un père égaré dans la ville, un papier à la main, une adresse où aller, un refuge peut-être. Et je le guidai là, agriffant mon regard à celui de l'enfant.
Peut-être j'exige trop de la ville que j'arpente et bougonne de la voir si renfrognée , un peu abandonnée. Mon regard, toujours enchevêtré au passé, ne sait pas feuilleter la partition des rues, saisir aux commissures d'un mur une lumière douce, dénicher un angle de vue où tout est un peu flou, pousser la porte d'un peu d'imaginaire. A force de chercher des traces, on oublierait de vivre.

3 commentaires:

Marie, Pierre a dit…

Commentaire 1 : rien que pour ça, je suis contente d'allumer mon ordianteur.
commentaire 2 : et ce n'est pas rien !
commentaire 3 : on devrait régulièrement
a) être en congés de la république
b) en profiter pour voir les copines
c) leur suggérer à la volée qu'elles en ont encore sous la pédale.

Lin a dit…

magnifique texte, fort!

Michelangelo a dit…

Je pensais musique et rythme quand après avoir souscrit aux précédents commentaires l'esprit du vieux Verlaine m'a soufflé à la conscience:
"De la musique avant toute chose,
Et pour cela préfère l'Impair
Plus vague et plus soluble dans l'air,
Sans rien en lui qui pèse ou qui pose."