mardi 13 mars 2012

Mon itinéraire : de La Cotonne à Bellevue

 La conférence donnée par Jean-Christophe Bailly -invité à la Médiathèque par Stéphane Bouquet- sur son livre « Le dépaysement / Voyages en France » a ramené mes pas et mes pensées dans les traces de mon itinéraire et ranimé mon enthousiasme pour ce projet.

En commençant à écrire, je n'ai pas vraiment compris pourquoi mon choix s'était porté sur les marges. Jean-Christophe Bailly m'a éclairé. Ici, toute l'histoire de la ville affleure et quelques couches d'un mille-feuilles y sont bien visibles.
Une minuscule maison ouvrière avec pour unique luxe ses volets peints en bleu et son jardinet potager impeccablement entretenu, son faux puits, sa petite brouette en bois et ses carrés tracés au cordeau y côtoie une grosse maison bourgeoise entourée de son immense parc arboré, avec sa porte de service ayant servi dans d'autres temps et sa longue allée élégante en arc de cercle conduisant en voiture jusqu'aux portes de la demeure ; aisé d'imaginer la vie telle qu'elle se déroulait dans ces deux maisons, deux façons d'habiter le monde.
HLM des années 70 – cinq/six étages- se dressent au milieu de maisons individuelles, HLM sans jardin mais avec « Espaces verts », vocabulaire et usage ont changé avec le temps.
Les noms de rues, noms de métiers « Rue des Verriers », « Rue de la Lithographie » nous parlent de métiers aujourd'hui presque disparus et il m'a été impossible de trouver l'histoire de ces rues ni la moindre trace dans le quartier de ces métiers, excepté un nom sur une plaque. Ils nous rappellent aussi les rêves sociaux d'un XIXième siècle : Rue de l'Egalerie, Rue Proudhon …
Voie ferrée et TER flambant neufs et petits chemins de terre. Poules dans un jardin et Lavomatic au karscher. Friches d'un ancien squatt et piscine aux formes modernes. Jardins ouvriers et casse automobiles. Parkings payants automatiques disputant leur place à un terrain vague. Tags s'infiltrant dans des hangars abandonnés de la SNCF et l'arrière d'une gare repeinte de neuf en façade. Tout cohabite en une seule mosaïque, s'enchevêtre.
Nous sommes derrière le décor, dans ces derrières attachants. Un monde est là, vibrant, fait de juxtapositions et de chevauchements de territoires, hors de l'exposition de marchandises à consommer qui achalandent les vitrines des magasins de la Grand'Rue, cinquante mètres plus bas.
Envers du décor où se déroule la vie, non son spectacle.
Lieux où sont venus s'installer diverses populations, se juxtaposer, cohabiter, sans réel partage mais sans heurts non plus. Je n'y sens aucune violence, aucun communautarisme.
L'aujourd'hui, le contemporain se résume à ces diverses couches d'hier. Traces d'un monde entrain de disparaître (?) comme on constate aujourd'hui la disparition d'un certain monde rural, ou seul monde vivable ?
Il semblerait que ce qui est entrain de se faire, de se défaire, de se déliter ici, se reconstruit plus loin, essaime ailleurs, comme les jardins sauvages. J'y pressens, de plus, toutes sortes de choses secrètes qui palpitent. Jean-Christophe Bailly, lui, écrit « clapot », petites vagues qui forcément laissent des sédiments qu'il faut découvrir en examinant les strates.
Sont-ce ces petits secrets que nous révèlent les « urbiers » et les « herbains » de soeurs Natô et MPB, le minuscule nous transmettrait-il ces messages-là ?
L'expérience menée à cinq, d'emprunter ensemble le même itinéraire a bien mis en évidence la multiplicité des points de vue, des approches. Quand on s'empare du trajet à dix pleines mains et dix yeux dévorants, avec des rires, des histoires et des déguisements inventés sur place avec les rebuts délaissés, quelle richesse et comme on se sent bien, chez soi, dans un monde où la vie, la créativité, l'humour sont possibles, où toutes sortes de portes sont grandes ouvertes et où l'air circule dans tous les sens et non selon une signalétique pré-établie.
Oui, je vais y retourner, ne serait-ce que pour le parcourir à rebrousse-poil et écrire sur le retour puisque chacun sait qu'on voit pas différemment quand on change de « sens ». Et puis, je n'y ai pas cherché les animaux sauvages : lombrics, araignées, chenilles, … ni les plantes, tous ces êtres vivants qui ne connaissent pas les frontières.

3 commentaires:

lin a dit…

ah quel enthousiasme, communicatif ! merci

Marie, Pierre a dit…

Il faut dire que cette soirée à Tarentaize était très enthousiasmante aussi. Grande douceur, émotion tranquille, entendre ce qu'on ne savait même pas qu'on avait envie d'entendre mais qui tombait directement de "leur bouche" (Stéphane Bouquet, Jean-Christophe Bailly et même ! même Philippe Roux) au plus doux et plus clair de nous-mêmes. On aurait pu rester là le reste de la vie.

Anonyme a dit…

Bravo à ces hommes ! il y en aurait donc, les filles, qui éclairent nos chemins, parcourus avec jubilation mais un peu à l'aveugle, sans eux. Et merci cher ange de nous le livrer sur un plateau

Jean-françois