lundi 30 juillet 2012

Chez Monique

 
Lorsque pour la première fois – quatre jours après mon arrivée- je suis entrée dans le parc de Monique, immédiatement la sensation de pénétrer au paradis dans un océan de fraîcheur et de verdure m'a envahie, sensation qui ne s'est jamais démentie.

Monique, la bâtisseuse et son énorme frère posé sur une chaise et surveillant le chantier en cours de construction (vingt quatre nouvelles chambres cachées dans la verdure), Monique qui fait vivre cinquante personnes, se logeant, mangeant, travaillant chez elle ; des enfants jouent partout, des artisans sont installés à l'ombre, creusant, évidant, frappant, taillant le bois dur de l'iroko, du teck, de l'acajou pour en faire émerger de magnifiques statues, animaux, êtres fantasmagoriques accrochés aux arbres, posés le long des allées. J'entends encore le son de leurs ciseaux, marteaux résonner ; Monique et ses deux crocodiles, son chien et Marguerite l'antilope, Monique qui n'a pas d'âge mais un âge conséquent et vient encore d'aller chercher un enfant à l'orphelinat.
 
Ce lieu magique, à la sortie d'Abomey, où l'on mange une délicieuse cuisine sous les paillotes, où les touristes logent pour 7000F CFA la nuit, où députés/ministres viennent se détendre à la fraîcheur, boire bières ou sodabi (le sodabi est un alcool fort, environ 45 degré, fait à partir du tronc du palmier. Le palmier est abattu, on y creuse des entailles et on récolte un liquide qui goutte – c'est le vin de palme- qui une fois distillé donne le sodabi).
Rien ne qualifie mieux «  A la lune » que le mot « forêt » : une forêt, une teckeraie et bambouseraie pleine de statues, d'oiseaux et d'enfants.

Paix, fraîcheur, propreté, allées de terre rouge ratissées par les courts balais de bambou reposent de toute l'agitation et du bruit des routes, dès l'entrée.
Ici logent, heureux, sept étudiants (pharmaciens, médecins) nantais venus pour un stage de trois mois à l'hôpital public, étudiants que nous rencontrerons à différentes occasions.
 
C'est chez Monique également que je rencontrerai Gabin, personnage aux multiples facettes, directeur de l'Office de Tourisme, élu municipal, communiste vrai, exubérant, chanteur à ses heures (il me révéla GG Viké, chanteur béninois aux textes tendres ou pleins d'humour, vieux Monsieur aujourd'hui vivotant à Cotonou), sociologue réputé spécialiste du vaudou et Yves K'pédé artiste plasticien, doux, tendre comme un enfant dont l'immense atelier où il nous invitera est situé dans le même quartier. Nous y partagerons un long repas un dimanche midi, Renée – l'amie qui m'a invitée au Bénin, grâce lui soit rendue-, Gabin, Yves et Aimé, directeur d'école retraité, cultivé, fin et passionnant. Monique est absente car elle marche chaque jour environ deux heures dans la brousse environnante – ce qui en Afrique est tout à fait surprenant et inhabituel-. Elle est, ce jour-là, partie à pied, avec quelques uns de ses gens portant le pique-nique sur la tête, pour une marche de plusieurs heures avec les étudiants nantais.
J'étrennais ma merveilleuse robe africaine bleu-nuit confectionné par Ildevert et après avoir mangé, bu et chanté, nous finissons l'après-midi chez Yves dans sa demeure inouïe : beauté et abandon, oeuvres magnifiques et végétation envahissante. Au moment de se dire « A tout à l'heure » (formule signifiant « A bientôt » qui m'a laissée désemparée les premiers jours « Ah bon, on se revoit tout à l'heure ?), Yves m'offre un magnifique tableau, technique d'application sur du tissu, des rois du Dahomey, moment qui fut un de ceux les plus chargés d'émotion parmi ceux que je vécus pendant ce mois africain.
Nous retournerons plusieurs fois chez Monique, elle nous fit visiter le chantier en cours, nous ouvrit ses coffres de colliers, bracelets, plats sculptés, masques, statues, nous offrit à manger (une fois de plus sans elle car ce jour-là elle gisait sur son lit, incapable de répondre à nos paroles, en proie à une violente crise de paludisme) ; nous y passions pour nous désaltérer de sirop de citrons fait maison, pour puiser à son énergie folle, ou tout simplement pour nous étonner encore et encore de l'ombre et de la fraîcheur, des taches de lumière qui jouent sur le sol et nous en abreuver.
Nous visitâmes tout l'hôtel – petits bungalows africains décorés par toute la grâce et la beauté qui sort des mains d'Yves -
Monique de profil entourée d'oeuvres de Yves
 
Si vous passez par Abomey, une halte s'impose chez Monique « A la lune », avec le risque que vous ne poursuiviez pas votre périple tant le personnage et le lieu sont inépuisables.

                             

2 commentaires:

lin a dit…

c'est agréable, doux, d'avoir de tes nouvelles via tes carnets de voyage, belles photos et des commentaires qui traduisent beaucoup de joie et de bien-être.

natô a dit…

oui, ton texte-périple nous fait rêver...tes talents d'écrivain-voyageuse te vont à merveille