jeudi 2 août 2012

Ouidah

 
Ouidah, berceau du vaudou, nous commençons notre visite avec le Temple des Pythons.


Le gardien – que je questionne sur ses scarifications, m'explique qu'avant l'existence d'un état civil, elles renseignaient sur l'identité des personnes (origine, peuplade, famille) –  puis, avant d'entreprendre la visite, nous parle des deux sortes de pythons
            le python anaconda ou boa constrictor qui étouffe sa proie en s'enroulant autour d'elle et ne la lâche plus
              le python royal, espèce en voie de disparition qui lui ne pique ni n'étouffe

Le python royal est un animal sacré, une des divinités vaudou et pour cela très respecté. Lorsque quelqu'un a la chance d'en trouver un dans sa demeure, c'est signe de bonheur et de grande chance, de même si l'on voit un python royal dans la forêt. On peut aussi l'emporter au temple. Cet animal pond des oeufs (gros comme ceux d'un canard), les enfouit dans le sable où ils éclosent grâce au soleil.
Un prêtre vaudou est présent dans le temple où il préside aux cérémonies. La légende raconte qu'il ouvre la porte du temple pour que les pythons puissent sortir et aller manger et qu'ensuite, ils rentrent seuls au temple, connaissant le chemin. Il leur faut 90 jours pour digérer.
A l'entrée de la cour, un immense iroko sacré , vieux de 600 ans, enserré dans les lianes d'un ficus étrangleur, sert d'autel pour les sacrifices. Tous les 10 janvier de chaque année se déroule une grande fête vaudou pendant laquelle sont faites des offrandes

Dans la cour, une très grande zingbin (vieille de 200 ans), jarre de terre servant à la purification. Tous les 7 ans, 41 jeunes vierges (aujourd'hui 41 femmes ménopausées car on ne sait plus qui est vierge ou ne l'est pas !) vont chercher de l'eau au marigot qu'elles mélangent à des herbes et du sang de boeuf. Alors a lieu une grande cérémonie avec offrandes et purification. On puise l'eau sacrée du zingbin et on va purifier les maisons.
Le moment-clé arrive lorsqu'on entre dans le temple lui-même où glissent, dorment, grouillent une trentaine de pythons royaux que le gardien saisit délicatement et vous offre pour qu'ils s'enroulent lascivement sur vos épaules, cou et bras. J(y pénètre, m'en approche, les photographie mais ne parvient pas à me résoudre à m'en faire un collier.
Aimé -16 ans – qui nous accompagne dans ce périple sur la côte atlantique, n'est là que pour ça. Un autre de ses émerveillements fut l'Océan, qu'il n'avait jamais vu, mais ça c'est une autre histoire. Au début de ces caresses froides, Aimé est peu rassuré, sa moue en atteste. Puis, il s'enhardit et se laisse enlacer par plusieurs, caressant même un bébé.

Juste en face du temple s'érige la cathédrale de Ouidah. Le gardien nous explique que le vaudou est bénéfique mais qu'il peut être aussi maléfique ; un vaudou qui est aussi chrétien, apprend de Dieu à ne faire que le bien. C'est la raison pour laquelle ces deux religions sont indispensables l'une à l'autre et que la cathédrale a été construite en face du temple, nous déclare t-il dans un syncrétisme partagé par beaucoup.

Là ne s'arrête pas notre visite. Maintenant nous attend le fort portugais, où se trouve aujourd'hui le musée de Ouidah. La visite du musée sera peu enrichissante par la faute d'un guide pressé, débitant son laïus en nous faisant traverser les différentes salles au pas de charge. Cependant, comparé à celui d'Abomey, ce musée récèle peu de trésors. Nous y avons essentiellement vu des reproductions de photos, dessins parus dans le journal « L'illustration » et un très beau vase en porcelaine, utilisé comme tam-tam dont on se servait pour annoncer la mort du roi.
Ce fort servait à parquer les esclaves avant leur départ. Ils étaient stockés dans la cour, mis aux fers par les chevilles et le cou, sous le soleil et la pluie jusqu'à ce qu'un négrier arrive et les embarque. Ils avaient auparavant été capturés, les rois y ont largement participé, de même que nous, colons qui échangions ces captures contre des briques, du whisky, du fer, du tabac, des boutons ou des perles. On pouvait encore échanger ces esclaves contre des canons. Un canon valait sept hommes robstes ou vingt et une femmes.
Il est des lieux où l'on aimerait ne pas être qui on est, ni traîner comme un boulet la honte qui nous fait baisser la tête et désirer rentrer sous terre.
Lorsqu'un négrier arrivait dans le golfe de Guinée, les esclaves avaient sept kilomètres à parcourir pour se rendre du fort à la plage. Sept kilomètres que nous parcourrons à pied : « la route des esclaves » jusqu'à la Porte du non-retour.


Cette route est aujourd'hui un parcours mémoriel . Tout au lon de ce chemin, des statues (malheureusement non-entretenues) de Cyprien Tokoudagba ( dont on célébrait justement ce jour-là l'enterrement à Cotonou). A mi-chemin, un mémorial, marqué par une plaque, inaugurée en 2000 par C. Tobira, au-dessus d'une immense fosse commune où l'on poussait les esclaves trop faibles dont on estimait qu'ils ne supporteraient pas la traversée et on les enterrait vivants.
On débouche sur une immense porte


la Porte du Non-Retour entourée de monuments qui ouvrent sur l'Océan grandiose une perspective sur la beauté et l'horreur.
J'y appris, entre autres horreurs, que dans les négriers, les hommes étaient enchaînés nus, à plat-ventre et les femmes sur le dos, ainsi les maîtres n'avaient pas beaucoup à hésiter sur le choix de qui ils violeraient.
Tout près de la porte du non-retour, un monument où est creusé la carte du Bénin, La
Porte du Retour par laquelle une partie des esclaves est revenue sur sa terre d'origine.

... et la plage, l'immense plage, la plage aux cocotiers, on n'ose y croire.

 
Les esclaves étaient essentiellement emmenés au Brésil, à Cuba ou à Haïti, pays qui ont reçu une influence culturelle forte du vaudou béninois. En contrepartie, les métis qui sont revenus au pays ont également rapporté des coutumes, fêtes, (la fête des jumeaux très pratiquée au Bénin, vient du Brésil), légumes, recettes, croyances du pays où leurs ancêtres avaient été déportés.
Mais, chut, ne le répétez pas, les béninois préfèrent penser que ces coutumes sont les leurs, ancestralement. Qui leur en voudra ?
Nous manquerons « la forêt sacrée » car Patrice, notre ami et chauffeur, originaire de Ouidah, nous emmena rendre visite à toute sa famille de pauvres fermiers. Cette visite s'avéra si riche de rencontres et de gestes quotidiens que nous ne regrettons rien.


 

2 commentaires:

Michelangelo a dit…

"Manquer" la forêt sacrée pour aller rencontrer des gens, c'est le style dans le voyage.
Pierre Bergounioux dit du style que c'est une manière de pensée.
Ta relation de voyage me donne à pensée, et ton style me touche.
Amitiés

Ange-gabrielle a dit…

Et tes commentaires me font un tel bien dans les moments que je vis
Merci