Suite du chantier sur la cartographie! La mission du jour était de se pencher sur les ruisseaux ou rivières de notre carte, d'en suivre un ou une, d'évoquer les échos que cela suscite, le tout en une écriture continue, dense, un récit bloc, et la liberté de piocher des mots dans les textes offerts....
Quelques gouttes d'Elisée Reclus et son "Histoire d'un ruisseau":
L’histoire
d’un ruisseau, même de celui qui naît et se perd dans la mousse,
est l’histoire de l’infini. Ces gouttelettes qui scintillent ont
traversé le granit, le calcaire et l’argile ; elles ont été
neige sur la froide montagne, molécule de vapeur dans la nuée,
blanche écume sur la crête des flots ; le soleil, dans sa course
journalière, les a fait resplendir des reflets les plus éclatants ;
la pâle lumière de la lune les a vaguement irisées ; la foudre en
a fait de l’hydrogène et de l’oxygène, puis d’un nouveau choc
a fait ruisseler en eau des éléments primitifs. Tous les agents de
l’atmosphère et de l’espace, toutes les forces cosmiques ont
travaillé de concert à modifier incessamment l’aspect et la
position de la gouttelette imperceptible ; elle aussi est un monde
comme les astres énormes qui roulent dans les cieux, et son orbite
se développe de cycle en cycle par un mouvement sans repos....
Un soupçon de Jean Rodier " En remontant les ruisseaux sur l'Aubrac et la Margeride"
Le
rêve d’aller à travers la montagne de ruisseau en ruisseau et de
ruisseau en lac, de lac en rivière, sans frontières ni restrictions
que sa propre liberté.
On
monte à travers les forêts, les prairies parfois encombrées de
granits, le bruit des ruisseaux rapides – où l’on peut rêver
d’une vie délicieuse – et où on débouche sur le plateau à
l’herbe rase, aux ruisseaux lents, aux lointains bleus, au vent –
endroit que l’on imagine propice à la pensée. Pour peu qu’on y
demeure on comprend: c’est ici le lieu où la pensée s’absente.
et une immersion dans Julien Gracq " Au château d'Argol" :
La
rivière paraissait ici rouler ses flots au fond d'un abîme naturel
aux bords rapides, auxquels s'accrochaient les puissantes frondaisons
d'une glorieuse forêt. Les détours continuels et capricieux du
cours de la rivière donnaient à ces lieux un caractère d'isolement
singulier. Autour d'Albert, les hautes murailles de la forêt
sourcilleuse semblaient dévorer une partie considérable du ciel, et
venir effleurer juste le bord du disque ardent du soleil pourtant
élevé déjà sur l'horizon. Ces ramures animées de mouvements
majestueux et uniformes étaient agitées par le vent venu de la mer
toute proche, et qui apportait avec lui le grondement des vagues et
le tumulte aérien des libres étendues.....