samedi 29 septembre 2012

Poèmes express

Le 29-08-2009, Laura-Solange publiait sur ce blog un extrait d'un texte de Antoine Emaz (cf libellé : poésie, Emaz, Laura) dont je reprends ici des bribes
"...la situation initiale du poème reste la même : une brusque et violente souffrance de déficit de la langue face à ce qui arrive, aussi bien un deuil qu'un ciel parfaitement bleu ... L'origine du choc est parfois même non-identifiable en mémoire ou parmi l'afflux d'images et de tensions vécues au quotidien. Mais il y a eu choc, émotion ... On écrit pour ne pas rester muet, pour reprendre prise un peu, autant que possible, sur soi et sur ce qui est."

Et, comme je suis totalement, tout à coup, en déficit de langue, l'idée m'est venue de reprendre une consigne de production de "Poèmes express" en ouvrant au hasard les pages d'un livre et yeux fermés, avec un crayon de "piquer" sur un mot, une phrase et d'en faire un poème, sans en changer un seul mot, et parfois, sans même modifier l'ordre d'apparition des mots.


L'enveloppe
maintenant qu'elle est fermée
fait obstacle.
Jetée comme une frontière
elle occupe le paysage
et rappelle par sa présence
les premières blessures.
                    
(Mariette Navarro "Alors Carcasse")


Au milieu de la nuit
on a chahuté et rigolé.
J'ai serré mes poings;

Manque de sommeil.
Plus tard, je m'endors
un peu comme une sirène d'usine.
      
(Katarina Mazetti "Le mec de la tombe d'à côté")


Mon grand-père
tout en vous empêchant de reculer
vous humiliait.
Je me suis caché
en direction des joncs,
derrière ces crayons de couleur
avec un petit éclat délicat.
               
(A. Lobo Antunes "La nébuleuse de l'insomnie")


Je ne l'avais jamais vu
dans ton lit.
Une espèce de glu a coulé
encore inachevée.
Une détresse qu'il n'aurait su expliquer
suintait.
Je glissais de mon siège.
                   
(idem)


Le cadavre d'un adulte
glissait sur les rails étroits.
Les paysans t'ont-ils battu ?
Pendant un instant
expliqua-t-il,
tout en poussant des soupirs
et tenant des propos ignorants.
       
(Kenzaburô Oé "Arrachez les bourgeons, tirez sur les enfants") 



Je me mettais à ma table de travail.
Je continuais à creuser
des chimères d'images, de souvenirs.
Comme une évidence
je déposais avec soin
les housses de dentelles brodées
qui brisent la mer gelée en nous.

(Jean-Philippe Toussaint "L'urgence et la patience")



Elles se regardaient l'une l'autre
entre l'aveuglement et les désirs.
Elle se mit à penser
que la statue,
pour le ballet des jambes
utilisera
les torsions des tapisseries.             
pour le ballet des jambes.
           
(Louise Bourgeois)


J'en garde pour les autres jours pluvieux ... 

1 commentaire:

Marie, Pierre a dit…

ou pour les jours sans mots, à moins que la pluie ne te rende particulièrement "sèche" ?