mardi 26 février 2013

Ours

Pas d'ours
pas de pouce 
pas de bout de tissu à l'odeur de mère indéfiniment suçoté, embarqué, empoché 
paspaspaspaspaspas-paspaspaspaspaspas (alex-andin)
ça sentait la salive surie
la petite soeur se faisait les dents sur le rebord du lit


Un autre en faisait collection
comme d'autres les cochons
les tortues, les chats ou les boîtes à savon
Un jour elle met tout à la benne
les ours sont en voie de disparition
Dans un geste désespéré comme on en finit avec la vie
on croit qu'on peut en finir avec l'enfance
mais le besoin de doux est accroché à la peau
mais le doux rêche du nous-ours

on le lui avait bien rendu
à force de caresses, c'est nous qui l'avions écorché
arraché un oeil
tordu un bras
décollé les oreilles
mis de la coco dans son ventre

"C'est pour mieux te soigner mon enfant"

Dans la chambre de la nouvelle vie à rebours
repose l'ours du pas doudou
il m'avait donné sa photo, dessinée par lui
on me l'avait volée, avec mon porte-monnaie
puis sans doute jetée
pour en finir avec les cochonneries
ne garder des autres que leur valeur marchande
l'ours regarde dans le vide
"Tu es un ours", lui dit-on parfois 
mais il en fait son miel et s'en retourne hiberner
au fond de sa cabane rêvée

Je tricotais des nounours
Un pour ma petite
un pour mon amie
Je passais ce temps à les penser
et glissais dans chaque maille ma tendresse pour elles

il y a une parole confiée au silence que l'ombre nous transmet 

Mon père gardait son bêrét le jour et la nuit
il ne l'enlevait qu'en marque de respect 
c'est pour ça qu'il ne restait pas longtemps à la messe, il avait trop froid à la tête
Ainsi il ressemblait à quelque chose de rond comme un redon
une sorte de nounours, lorsqu'on le câlinait, papouillait, son auréole tombait
plus de nounours, il protestait : qui c'est le chef ?

aujourd'hui le même jour le téléphone sonne et mon père était mort
les morts arrivent par le téléphone
tôt le matin ou tard le soir

papapapapapa papapapapapa

la neige est au beau fixe



1 commentaire:

Linette a dit…

"Je tricotais des nounours..." et j'ai détricoté ton texte ...un peu la gorge nouée comme si un grain de laine était resté accroché à l'émotion...Très beau.