mardi 14 juin 2011

Heureux anniversaire Mr. Mathieu



Tous les 15 juin, il y avait ma carte de voeux, puis votre voix au téléphone. Attachée aux rites, ce 15 juin déboule dans mon année comme les hirondelles. Je voudrais que l'une d'elles vous porte dans son bec ma lettre d'anniversaire, là-bas, dans l'éternité d'où vous nous observez nous agiter.
Récemment, j'ai fait une bouleversante rencontre : un livre intitulé : « Lettres au hirondelles et à moi-même » de Ramon Gomez de la Serna

D'ici-bas, je vous offre ces merveilleux extraits, à vous, tout entiers dédiés

« Chères hirondelles

Un autre printemps !
Voici que je vous ai vues revenir comme pour m'assurer que le monde tourne et que, par-dessus tout, le devenir persiste.
Vous êtes la joyeuse écriture d'une lettre quand déjà l'humanité s'est faite au régime des condoléances et qu'il faut continuer à vivre et à avoir de l'espoir.
Je m'aperçois que vous êtes l'unique consolation de l'homme, l'affirmation tenace d'un doux anniversaire.
Il n'y a personne à qui écrire ; les lettres se perdent, n'arrivent pas ou n'ont pas de réponse et, cependant, le style épistolaire et sa voix qui console et donne de l'espoir ne doivent pas s'ankyloser et vous êtes là pour ça.
Mais le fait est que vous voilà et que vous êtes la joie du printemps, en même temps que la remémoration, avec vos signes noirs et brefs, du faire-part de décès de l'hiver.

Demi-lunes noires, vous posez sur le ciel une broderie orientale.
Vous glissez sur le zéphyr bleu et quand vous effleurez les eaux lisses de l'étang vous le faites vibrer comme si une note de musique parcourait la sensibilité du monde.
Pour peu que les hommes vous regardent – comme ils vous regardaient jadis -, ils apprendraient l'identité intemporelle du bien réalisé, du désintéressement ennobli en quenouille d'hirondelle, et ils comprendraient la disponibilité envers Dieu et son appel où l'homme s'envole, faisant des S et des cercles pleins d'ivresse.
Comme vous êtes essence d'encrier, vous êtes toujours entrain d'écrire des cartes postales de votre écriture hachée et pleine de post-scriptum. Aussi, dans la crise actuelle de la correspondance privée et pour éviter que ne se perde la confidentialité du style épistolaire, à qui écrire mieux qu'à vous, vieilles et chères amies, qui cautionnez de votre signature le chèque du printemps, vous aventurant parfois à virer à découvert ?
Vous êtes le cachet qui scelle l'envoi des jours heureux. Voilà les hirondelles et les hirondelles ne se trompent jamais, dit-on en vous voyant, mais le beau temps se fait attendre et nous pensons alors que vous avez pris de l'avance par abnégation, pour donner du courage aux malades et aux convalescents en leur faisant croire à un temps beau et sec.

Vous volez et écrivez, vous écrivez et volez. Vous avez quelque chose de secrétaires de l'amour et vous griffonnez les éternels modèles de lettres, du modèle de lettre n°1 « déclaration d'amour à la voisine » au modèle où la veuve répond à celui qui veut être son protecteur et qui fut l'ami de son mari.
Vous n'avez pas la frivolité du chardonneret, car, vous, vous ne chantez pas, vous écrivez en improvisant sur les feuilles que vous arrachez au carnet du ciel, lesquelles sont bordées de noir parce que vous êtes toujours en demi-deuil.

Dans les plus vieux de vos nids, il y a comme dans un petit bénitier un peu de temps passé resté au fond.
Je vous vois entrer et sortir, nerveuses et folles, comme des coups de ciseaux dans la lumière.
Quand vous piquez de l'auvent comme si vous vous suicidiez, vous ressemblez à des papiers découpés en forme d'hirondelle lancés du haut, mais aussitôt vous vous ranimez comme de vivants alléluias dans un charivari plein de sifflements.

Tout le monde doit comprendre que la vie est chose fluctuante entre ciel et terre, fugace comme votre vol, un paraphe dans l'air dont vous signez en notre nom toutes les condamnations et toutes les grâces qui peuvent être celles de la vie.
Vous pouvez signer en mon nom tous les revirements que voudra bien prendre le destin, et si vous ne pouvez répondre à mes prières, que peut-on y faire ? Tout s'évapore dans les jours qui passent, voir et ne pas voir, avoir pensé et n'avoir rien pensé, avoir aimé et n'avoir jamais aimé.
Après tout, je sais bien que notre pierre tombale est au ciel et que vous êtes notre épitaphe définitive, l'épitaphe vivante d'avoir vécu. »

Vous renouvelant mon amitié, je reste votre confiante, votre constante Anne-Marie

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Merci pour la beauté de ce texte. J'ai la gorge nouée. Linette