mercredi 30 novembre 2011

Un trajet entre Cotonne et Bellevue 1°Partie

Aller : De la rue J d'Arc à Dombasle



L'itinéraire que j'ai choisi commence rue J d'Arc et conduit à la gare de Bellevue « par les derrières » comme on dit à Sainté.

Excentré, côté sud de la ville, il m'apparaît maintenant évident que je n'aurais pas pu retenir un itinéraire central, avec magasins, néons, piétons faisant du lèche-vitrines ou courant à un rendez-vous.  Le mien ne pouvait être qu' en marge, zone anonyme, sauvage, larguée en périphérie, échappant à l'ordre de la ville policée, envahi de « mauvaises » herbes insolites, et surtout ne relevant pas de la promenade dominicale.



Je traverse le Bd R Duval, et là en face une montée assez raide. A ma droite un panneau jaune : Rue C. Darwin 1809-1882, naturaliste et biologiste. Je laisse sur ma droite la rue Marc Bloch (lui, on ne sait pas qui il est). Sur ma gauche, à portée de bras tendu, la voie ferrée Saint-Etienne-Le Puy. Je monte encore, à droite quelques immeubles bas, grisâtres puis beaucoup de végétation, encore verte pour cette fin octobre, et passe devant « ma » vieille maison délabrée entourée de son incroyable jardinet. Et là, surprise, pour la première fois, un homme en bleu de travail, accompagné de son chat roux, désherbe. Je repère l'adresse : n° 8, une maison toujours fermée, au jardin entretenu en toutes saisons, depuis toutes ces années où nous empruntons cet itinéraire pour nous rendre à pied, à la chasse aux photos des tags sans cesse renouvelés, derrière la gare de Bellevue. Je me suis toujours demandée qui jardinait puisque la maison est manifestement inhabitée et sans doute inhabitable, on y entend le passé clapoter.

Cet homme me révèle que la maison n'est qu'une façade, un décor de théâtre, tout est écroulé à l'arrière. L'ordonnancement du jardin contraste avec les vieux murs : buis taillés, allées rectilignes, harmonieuses et symétriques. Il me dit « c'est beaucoup de travail » et reprend son humble position penchée vers la terre, il ne m'en dira pas plus.



Je continue et aperçois la porte de service du n° 10, rouillée, attaquée du bas par le lierre, elle n'a sans doute plus été ouverte depuis belle lurette, je continue et passe devant le portail du n°10, grand ouvert, immense allée conduisant en une belle courbe arrondie à la porte d'une imposante demeure entourée d'un parc aux arbres gigantesques « La grande Beausseigne », c'est son nom.

La rue présente maintenant un replat. Le parc s'étale sur tout le coin de la rue qui effectue un coude sur la droite et là, trois possibilités s'offrent au promeneur : monter à droite sur le plateau et se rendre aux « Résidences Dombasle » ou à la piscine P. Poty puis sur la Place Bobby Sands à La Cotonne ou, prendre sur la gauche en empruntant des escaliers, traverser le pont métallique qui surplombe la voie ferrée, continuer les escaliers jusqu'à la rue Jean Allemane en contre-bas. Pour l'aller, mon choix se portera sur le troisième : un petit chemin de terre dans la verdure qui suit la voie ferrée et dont, d'ici, je ne perçois pas le trajet, caché par un coude orienté vers la droite. Pendant 6 à 7 secondes un TER ébranle le pont, suivi peu après de ses trois sifflements avant qu'il ne s'engage sous le tunnel.

Il est 15h30. Soleil d'automne. 11 degrés. Le froid saisit déjà mains et oreilles. Les verts dominent encore, mais ça et là apparaissent les rouges vifs des vignes vierges, les jaunes claironnants et les orangés des hêtres. Des poires vertes s'offrent comme des présents, en avance sur Noël, sur un poirier qui a déjà perdu la plupart de ses feuilles. Les jardins d'automne m'ont toujours chavirée, avec leur allure désuète ; ils ressemblent aux vieux, fragiles, déjà marqués par les premières gelées et les brouillards matinaux, à l'affût du moindre rayon de soleil pour paraître aussitôt vingt ans de moins et emmagasiner encore un peu de chaleur pour l'hiver.


3 commentaires:

Marie, Pierre a dit…

Fine Allemand, tu t'es retrouvée, plus de peur électronique que de malle de voyage. OUF !

Lin a dit…

magique itinéraire dans la campagne et tes mots tissés avec les noms des rues, une saint-etienne cachée,l'ouvrière révolutionnaire meurtrie (B Sand), appartenant à un autre temps (Marc Bloch, l'historien résistant), survivant dans l'illusion spatiale(ici était une maison, il n'en reste que cette façade, chut, ne pas le dire). Qui prend le soleil encore encore...

Laura- Solange a dit…

Les marges d'une ville: c'est un bon thème d'écriture!