jeudi 30 août 2012

Retour

 
Seule.
Seule dans la salle d'embarquement de l'aéroport de Cotonou en attente du vol AT551 de Royal Air Maroc pour Lyon via Casablanca.
Seule pour la première fois après trente jours pleins comme un oeuf, entourée de vos présences du réveil au coucher, bercée de vos paroles, l'âme comblée de vos rires, de vos chants, nourrie de vos forces de vie jaillissante.
Deux heures vides devant moi.




Pour quel retour ? Mouvement en arrière comme l'écrit le dictionnaire ou revirement, changement brusque et total venant se heurter à la répétition, la reprise ?
Retourner, mettre la face intérieure à l'extérieur, mettre sens dessus-dessous, bouleverser, la chair sensible, fragile, à vif, soudainement exposée.
Le billet aller-retour ne tient pas sa promesse. Je ne reviens pas. 

A peine a t-on appelé les passagers du vol AT551 qu'une voix crie mon nom : « Mme X est demandée de toute urgence pour une vérification de ses bagages de soute »

Décidément, on veut me retenir. Quelque chose dit que je ne vais pas partir.

Je pars néanmoins. Je me gèle dans cet avion. La clim réveille mes douleurs au bras, à l'épaule, douleurs qui s'étaient tues dans la douce chaleur subéquatoriale de la saison des pluies.
Descente sur Casa. Interminable attente dans cet immense aéroport … yeux fatigués … nausée à la vue de tous ces blancs.
Les gens sont laids ; les blancs sont moches, prétentieux, couverts de bijoux, de bébelles, tristes, moues de dédain de maîtres du monde.

Je voudrais prendre dans ma main une de ces peaux noires, sèche, lisse, douce, ferme, inimitable. J'en sens la texture sous la pulpe de mes doigts, sablée, de cuir fin.

Ces peaux-là, devant moi, sont molles, moites, mollusques morts.

 
La nostalgie me saisit et je vous entends chanter

« Yovo bonjour, bonne arrivée, bienvenue. Comment ça va avec la santé, et la famille ? Yovo, Yovo, bonjour ! Comment ça va ? Ca va bien ! Merci ! »
Rires en boucle, mains qui nous enserrent, rires en cascade



« En voyant, à l'aéroport JFK, tous ces Blancs se ruer vers le contrôle des passeports et la douane, j'ai failli prendre les jambes à mon cou et retourner à l'avion...... Ces gens-là, c'étaient mon peuple, les membres de ma tribu.
Mais les Blancs ne m'ont pas paru tout à fait humains. Leurs visages arboraient toutes les nuances d'une roseraie anglaise, du ton crayeux et du jaune citron jusqu'au rose et à l'écarlate. Leur nez et leurs oreilles étaient trop grands pour leur tête, leurs cheveux étaient mous, pendaient sans forme et, quand ils n'étaient pas tenus par une casquette ou un chapeau, donnaient l'impression d'être sur le point de glisser du crâne et de tomber par terre. Ces Blancs avaient l'air dangereux, terriblement sûrs d'eux-mêmes, déterminés et conscients de leur bon droit quand ils se précipitaient pour se ranger dans des queues bien ordonnées et tendaient leur passeport aux fonctionnaires en uniforme postés dans leur cabine comme des poinçonneurs de tickets s'ennuyant ferme à l'entrée d'un parc d'attractions. »
Citation extraite de « American Darling » de Russel Banks


 

samedi 25 août 2012

mardi 21 août 2012

Impro

19h La nuit tombe sur Abomey
25 juin – 22h
Récemment arrivée à Abomey, je savoure la fraîcheur de cette nuit, la nuit étoilée, le parfum des jasmins sous cette véranda où une vingtaine d'enfants, ados, rient, discutent, nous questionnent depuis deux soirées déjà.
L'air est doux, le chant de leurs voix flotte doucement, je me sens caressée. Dans mon incapacité à mettre, pour le moment, des noms sur des visages, tout se mêle agréablement dans mon esprit, tout s'imprime en désordre, les odeurs, les paysages, les voix, les émotions... Je suis un vase qui s'emplit pêle-mêle et j'accueille, m'imprègne.
Des mouvements parmi les plus grands me tirent de mon bien-être et attirent ma curiosité. Plusieurs sortent, entrent dans la cour, rient sous cape, les petits se resserrent tels des oisillons aux grands yeux.




Brusquement, un sorcier accoutré, presque plié en deux, sautant de droite, de gauche, nous conte l'histoire d'un grand roi, d'un grand roi vous dis-je, ce roi était grand, ce roi était si grand et si puissant … et déjà, il est de l'autre côté d'une scène qui a toujours été là et que personne n'avait vue.
Les petits hurlent de rire, je suis stupéfiée par cet acteur qui il y a un instant était ce jeune adolescent timide.

La scène bascule, ils sont deux maintenant, un grand diable accoutré en slameur et un commandant, la main sans cesse au képi (imaginaire), le pied droit raide qui claque contre le gauche, et ces gamins de seize ans nous font tordre de rire et de douleur en arrière-fond par une satyre puissante de l'armée. D'où tiennent-ils ce savoir ? L'armée, ils n'y sont pas encore allés...
Déhanchés, sans inhibition, danseurs, acteurs, musiciens, on dirait qu'ils n'ont jamais fait que cela.




Ils nous emmènent maintenant à l'école : un maître - son élève, qui doit réciter « Le corbeau et le renard ». Ils jouent consciemment sur chaque mot qui, dans le contexte africain n'a aucun référent, donc aucun sens, tournent en dérision ET l'apprentissage, ET le contexte qui leur est imposé, tout en montrant leur amour de la langue et de l'éducation.
Je suis ébahie, pleure et rit en même temps.


Puis c'est le Sida, la contraception, la faim, ces maux qui vont ronger leur vie et dont ils peuvent encore rire et nous faire rire ; les voir de loin et les parodier, les exorciser et les expulser.
Arrive un immense Spiderman (mais où donc dénichent-ils ces nippes-costumes ?), l'excitation des petits est exultoire.
Tout à coup, dans le plus grand silence, Déo Gracias entonne un slam, tout doux, sans colère, son chant monte dans la nuit « Pour toutes les Aurélie, celles qui ont donné la vie ... ». Hymne à une jeune lycéenne de seize ans enceinte qui pince le coeur. J'apprendrai le lendemain qu'il est de Colonel Réel, slameur français, dont, dans mon ignorance, naturellement je n'avais jamais entendu le nom.


… De la même façon que cette improvisation était partie, tout s'arrête, les déguisements disparaissent, la catharsis est terminée, chacun reprend sa place, le visage un peu plus illuminé. On reste sans voix, la pudeur est revenue, « Bonne nuit Maman », puis chacun va dormir où il peut, sur une natte s'il en a une, sous une véranda sinon...

dimanche 19 août 2012

aidez-moi ici à ne pas venir dans votre pays


William T. Vollmann : « Pourquoi êtes-vous pauvres ? »


« Dans ce bidonville, dont je n'appris jamais le nom, déferlait une vague d'enfants aux visages rieurs et aux mains tendues . C'était une vague de bonheur. Quand je vis ces enfants courir autour du mur charbonneux, je me rappelai une fois de plus que, d'une certaine manière, la vie est ce qu'on décide d'en faire. La liberté qu'avait ces enfants des taudis de jouer avec des chiots plutôt que d'aller à l'école, en termes de marché, leur coûterait cher plus tard. Je n'envie pas leur existence. Et pourtant il serait faux de dire que ces gens qui étaient pauvres, selon la définition des Nations unies, étaient, à ce moment précis malheureux »

« Je me souviens d'avoir vu, sous les ponts, des visages rayonnants et souriants, des chiots assoiffés de liberté qui faisait confiance à l'hilarité des mains qui les portaient, car ils savaient qu'ils allaient être relâchés presque sur le champ ; ils savaient que ce n'était qu'un jeu. Ce moment était aussi joyeux qu'une éjaculation, tout ce brouhaha, ces éclats de rire, ces cris aigus d'excitation.
L'espoir a la vie dure, mais pourquoi espérer, alors que ce bonheur peut être si facilement partagé, pourquoi pas les ressources et les biens de première nécessité ? »

Les italiques sont de l'auteur, les gras ont été ajoutés par moi

dimanche 12 août 2012

A la volette ...

Apparition en la cathédrale du Puy en Velay

Road movie (1° partie)


Outre la chaleur humide qui vous enveloppe dès la sortie de l'avion (nous sommes en saison des pluies, le climat est très agréable pour un européen qui aime la chaleur et bénéfique pour les articulations), la circulation et l'état des routes sont frappantes et le restent, le séjour avançant, le dos, la nuque refusant de plus en plus les chocs perpétuels.
Dès Cotonou, en quittant l'aéroport, il nous est impossible de rallier Abomey par la route directe. Celle-ci est devenue impraticable à cause des cratères continuels creusés par l'intense trafic, les deux saisons de pluie annuelles et le manque total d'entretien (où partent les budgets votés pour leurs réparations ?? C'est une autre histoire, celle de la corruption lourde et omniprésente). Nous devons donc contourner par l'Est en direction du Nigéria et passer par Porto Novo.
 
Plusieurs kilomètres et une consommation d'essence supplémentaires qui en valent bien la peine, compte-tenues des heures en moins à rouler et de la fatigue épargnée.
Rapidement, on est dans l'ambiance, pas de trajets ici sans de multiples péripéties pour des raisons de mode de vie, mentalité, pannes, barrages routiers, sollicitations diverses, fatigue … Nous mettrons donc environ un jour pour rejoindre Abomey à 170
kms : banque, change, courses diverses, achats d'oranges, bananes en bord de route, zig-zag pour éviter les trous, les chèvres, les piétons, achat d'eau minérale, traversée de villages jour de marché, croisement ou doublement de titans (énormes camions remontant aux années 60), arrêt dans une coopérative pour déguster un succulent repas européanisé (riz, poisson, frites) et pour acheter sirops et confitures locales, le clou fut l'achat d'un réfrigérateur par mon amie. Celui-ci ne rentrant pas dans la 505 break, malgré les multiples essais commentés et l'aide des passants, quelqu'un hèle une mobylette, on cherche des ficelles, le réfrigérateur est arrimé sur le porte-bagages et le voilà parti sous nos regards un peu inquiets.
A cause de tous les trous et obstacles sur la voie, les véhicules roulent à droite ou à gauche, on est doublé par la droite, croisé par la droite puis on reprend sa file jusqu'au prochain obstacle. Par chance, il fait sec aujourd'hui. Les mobylettes et petites motos sont omniprésentes, sans plaques, sans casques, sans assurances, elles sont partout. De nombreux « zems » -taxi-moto que l'on reconnaît à la couleur de la chemise du conducteur (tous orange, tous bleu, tous jaunes, on les repère facilement)- sillonnent les villes, les routes et vous conduisent où vous voulez pour quelques francs CFA. La moto est aussi un véhicule familial, on s'y installe à quatre, voire six sans vergogne, un enfant sur le moteur, le conducteur, deux enfants derrière, la femme qui vient caler tout ça, et le petit attaché dans le dos, le compte est bon, ou charie d'énormes charges (tout l'art étant de les fixer) ; parfois, seulement deux personnes, la seconde ayant placé une charge volumineuse sur sa tête.
 
A Lomé, capitale et centre économique du Togo, où le trafic est particulièrement dense, lorsque l'on s'arrête à un feu rouge, quelques minutes suffisent pour que 20-30 motos pétaradent devant vous quand il n'y en avait pas une seule à votre arrivée.

Lorsque l'on traverse un bourg le jour du marché, toute la route est encombrée, piétons chargés, charrettes, titans, animaux, enfants, autos, nombreux trous et pour éviter tout cela « On ne badine pas avec le klaxon » me dit Patrice.

Nous avons fréquemment voyagé : au Nord, Dassa, Savalou ; sur la côte Atlantique, Grand Popo, Ouidah ; au Togo et lors d'un de ces déplacements, j'ai noté sur une demi-journée (en fait à peine 150 kms) tous les arrêts volontaires ou contraints. A peine une demi-heure après le départ, ralentissement, un énorme titan est renversé sur le bas côté, toute la marchandise a roulé sur la voie. Plus loin, un barrage routier : nous transportons des caisses de matériel scolaire que nous devons livrer, celles-ci sont visibles et des policiers veulent contrôler. Les barrages routiers sont nombreux : policiers, douane, mieux vaut être en règle, déférent et avoir quelques billets à tendre. Parfois, une corde tendue en travers de la route, ce sont des réparateurs de route improvisés qui ont décidé de prendre une pelle, de remplir d'un peu de terre quelques trous pour gagner quelques pièces. Mieux vaut rouler sur la ficelle qu'ils abaisseront à la dernière seconde, car ils sont fréquents, tenaces et hargneux si vous ne cédez pas à leurs pressions, sans omettre les coupeurs de route, individus malhonnêtes qui vous arrêtent, vous menacent pour quelques billets. Nous n'avons eu à faire qu'une seule fois à eux : nous étions seules, Renée et moi, assises dans la voiture au bord d'une route en pleine campagne, notre chauffeur étant allé se soulager dans la brousse. Ca nous a coûté quelques sous, une des nombreuses raisons pour lesquelles mieux vaut s'abstenir de rouler la nuit. Une heure plus tard, nous nous arrêtons dans une ONG pour décharger le matériel scolaire que nous devons livrer : chants d'accueil des enfants « Bonne arrivée... », attente des « officiels », discours, sortie du matériel, photographies pour preuves, discours, visite de l'ONG, chants d'adieu des enfants...
Puis, il faut se détourner de notre route et aller visiter Séverine qui a besoin de lunettes que nous avons en nombre dans notre coffre : paroles de bienvenue, d'amitié, verre d'eau qui circule, essais, re-formules de départ.

Première panne : Patrice ouvre le capot, observe, « C'est la courroie » conclue t-il, qu'à cela ne tienne, posté en bord de route il hèle un zem, se fait conduire jusqu'à la bourgade voisine où il avait déjà repéré un mécanicien, reviennent à trois sur le zem, cinq minutes, c'est terminé. Le mécano repart avec le zem, coût total : deux milles F CFA (trois euros), zem compris. Il est midi, nous avons quitté Abomey à 7h30. Mais quelle vie palpipante et riche nous avons vécu pendant ces quelques heures. La route béninoise nous immerge dans un univers aux multiples dimensions, en une expérience heuristique, kaléidoscopique, nous la vivons avec les tripes, le dos, la vue, l'ouïe, l'odorat, chaque sollicitation entraînant une infinités de ramifications où se mêlent l'espace, le temps, les sens … Le spectacle se déroule tant sur qu'aux abords des routes, on y croise la mort, la vie, dans toutes leurs couleurs et leurs zones d'ombre. Comment ? Dormir ? Comme dans ces voyages où l'on repose la tête mollement posée sur un appui tête dans un réceptacle presque neuf, insonorisé, aseptisé et air conditionnarisé, devant un paysage qui défile à toute allure où le seul spectacle sont les panneaux de signalisation et les péages d'autoroute ?

 

Road movie (2° partie)

 
Arrêt suivant : nous achetons des bananes en bord de route, tout cela nous a creusés, puis à Dogbo, bien avant Comé , nous passons saluer un ami, dans son bureau de chef des examens et concours. Naturellement, nous sortons partager le verre de l'amitié, échangeons les nouvelles de la famille, la santé, François Hollande …


 
Nous repartons, doublons des véhicules aux noms savoureux « Repos des Anges », « Le Retour », « La 25° heure », « Le Final », la mort stimule l'imagination.
Pas un instant d'ennui, le paysage est luxuriant, d'immenses arbres, un ciel chargé normand, la route à surveiller et les innombrables marchands « informels » tout au long de la route : pyramides de tomates, oranges, avocats, mangues, manioc, ananas, ignames, bouteilles rouges d'huile de palme …
 
Je me souviens particulièrement des sacs de plastique blanc où est empilé le charbon de bois, tous alignés comme des bonshommes de neige avec leur capuchon pointu,
 
des sacs allongés comme des saucisses dans lesquels est vendue la farine de manioc pour le « gari » et bien sûr des vendeuses d'essence informelle : de grosses dame-jeanne jaunes posées sur une table, un tuyau de caoutchouc et l'on remplit le réservoir en aspirant un peu. Au Bénin, l'essence informelle est bien moins chère que l'essence en station. La nuit, les hommes, sur leur mobylette, passent en fraude de l'essence nigériane, les femmes la revendent en bord de route. Cette essence n'est pas très pure, sent parfois très fort, ces femmes mettent leur santé en péril car elle svivent en permanence dans cette odeur, aspirent … mais … l'essence est moins chère … « Et avec quoi je mangerai ? » nous dit une de ces jeunes femmes à qui l'on conseillait de cesser cette activité pendant sa grossesse.
 
Une seule fois, une heure durant, j'ai cru être arrivée en enfer : l'enfer sur terre.
Nous allions entrer dans Lomé, où les travaux sont continuels. Lomé possède un port gigantesque où de nombreux cargos attendent en mer leur tour pour un accès au port ; actuellement, pour entrer dans la ville, une déviation est imposée à tous les véhicules qui doivent longer les entrepôts portuaires. Nous nous retrouvons vers treize heures -heure la plus chaude et la plus circulante- sur une piste provisoire où les innombrables véhicules soulèvent une poussière épaisse, étouffante. Sur cinq-six files, voitures, titans surchargés, motos, sur une piste toute en virages où de nombreux policiers attendent, arrêtent, contrôlent, rackettent. Ils nous arrêtent, longtemps, nous stationnons en plein virage pendant que Patrice parlemente et finit par payer.



Les klaxons nous arrachent les oreilles et quand nous reprenons la route, Patrice, très calme, en nous montrant un titan surchargé, nous annonce « Le titan-là se dandine ». Voyager au Bénin est passionnant et extrêmement fatigant.
Je ne vous parlerai pas des routes après un orage, nous annulions simplement tout déplacement. Elles sont alors impraticables. La grande cour de la maison Hangbé où nous logions était alors envahie d'une boue rouge, glissante ...


... qui sèche très rapidement et alors je peux …
grimper sur la moto d'Ildevert, filer au marché pour y choisir ensemble de beaux tissus.

jeudi 9 août 2012

Chez les soeurs "Orantes de l'Assomption"

 
Après Lomé -capitale du Togo- nous continuons direction Nord-Ouest et sommes maintenant à Kpalimé, petite ville d'artisanat dans une région qui est un grenier à fruits et légumes,tout près de la frontière ghanéenne.
Kpalimé, son Centre de Formation Artisanal, son marché n'est pas mon sujet aujourd'hui, mais les soeurs « Orantes de l'Assomption » quartier Kusuntu à Kpalimé. En cherchant un lieu calme où loger (j'étais un peu chancelante souffrant d'une tourista), nous avons atterri chez ces soeurs congolaises, « soeurs contemplatives, ouvertes au monde », ainsi se sont-elles définies. Elles gèrent un centre, le Centre Eménéfa ; n'ont pas d'activité à proprement parler, si ce n'est quelques cultures vivrières ; l'essentiel de leur activité est la prière ; comme ressources le centre est équipée de dix-huit chambres qu'elles louent, rarement.

En pénétrant dans ce lieu, en bordure de Kpalimé, j'ai aussitôt dit  « Je ne rentre plus jamais nulle part, je me fais soeur, je reste ici ». Vocation bien tardive certes mais tout à fait sincère à ce moment-là.
Le centre s'étire le long d'une rivière, bordée de bambous géants, flamboyants, tecks, bananiers, manguiers, fromagers, dans un champ ombragé, entouré de collines boisées. Les seuls sons que l'on entende sont l'eau qui coule dans la brousse, les oiseaux, les criquets … et … le silence.

Sommes-nous encore en Afrique ? Où sont passées les motos qui pétaradent,les gens qui s'interpellent, les chèvres qui bèlent de faim, les enfants qui se chamaillent, les femmes qui se disputent ? Ni bruit, ni poussière. Une immense paix, la fraîcheur, la verdure.
 
L'Afrique est usante si on est fatigué et si on a besoin de repos. Soeur Lucile nous explique qu'elle a cessé d'écouter les nouvelles de son pays, du monde en général. En Côte d'Ivoire, son pays, la guerre est continuelle, les membres de sa famille n'ont que des plaintes quand elle les appelle. « Cesser sinon, on ne peut plus se recueillir et être en paix » dit-elle.
Nous louons trois chambres extraordinairement propres et fraîches pour 3500 F CFA la nuit. Des chambres toute blanche, quelques fleurs aux rideaux et sur le lit, une moustiquaire blanche et fluide, une bougie sur la table – car, oui il y a une table où écrire, inouï, et, un placard qui ferme – une douche-sanitaire individuelle et impeccable.

Je fais une longue sieste et dans mon demi-sommeil montent les chants des soeurs accompagnés d'instruments de musique qui s'évadent de la chapelle. Suis-je au paradis ? Ce sont encore des chants qui me réveilleront le matin suivant.
Au réveil, requinquée, de la longue promenade desservant les chambres, j'aperçois, sur un fil, un bel oiseau noir et blanc avec de très longues plumes égales à trois fois sa taille sur la queue. Très vite, le soleil se couche, nous sommes près de l'équateur, les jours égalent les nuits tout au long de l'année.
 
Je me réveille à six heures (deux heures de décalage entre le Togo et la France, il est donc huit heures pour mon organisme) dans un paysage digne de la Jasserie (42) : le brouillard enrobe toute la nature, l'air est humide et frais, la paix totale et le petit déjeuner qui nous attend dans la cuisine fumant.
Pourquoi les bruits de Kpalimé, pourtant si proche, ne viennent-ils pas jusqu'ici ?
Et c'est de Kusuntu que nous partirons pour la balade botanique avec Prosper et c'est encore ici que nous resterons une nuit supplémentaire, ne nous résolvant pas à partir.

lundi 6 août 2012

Mes amis - chers


Pour les jeunes, de la part de leur « naroviche » (petite maman chérie), vous qui me nommiez aussi mamilou, annielou ou maman-anouk – bien plus doux à mes oreilles européennes que « la vieille », terme pourtant très respectueux dans la bouche d'un africain - je ne vous oublie pas.
Et pour les moins jeunes ... 

Aimé, mon protégé
Aimé, improvisation théâtrale à la veillée
Moriane, 6 ans, ma chérie
Gilles, le forestier
Dieudonné, coiffeur et cordonnier
Dieudonné-en femme- et Déo Gracias, impro
Cédric et Soussou, les frérots
Isaac
Fallone, 14 ans
Adeline
Médard
Edouard et Emile
Edouard et son papa
Aimé Hangbé, instit et directeur d'école retraité avec qui j'ai planté 120 tecks
Partice, ami et chauffeur bienveillant
Monique, maîtresse-femme
Ildevert, prof et tailleur
Prosper et un de ses fils, chez lui
Marguerite dans son maki
Certains, très chers aussi, manquent ici : Christian-mécanicien ,Gabin,-sociologue, Yves -plasticien et quelques autres. C'est en rentrant que je me suis rendue compte que je ne vous avais pas photographiés, non par oubli. Parfois, on vit si intensément que l'appareil reste dans la poche, quand le coeur, lui, est grand ouvert.
A vous, tout spécialement, mes protégés, Aimé, Moriane, Gilles, Dieudonné.
A votre amitié, vos larmes retenues, votre pudeur, on ne pleure pas ...