samedi 15 décembre 2012

Dialogue de sourds

Pièce courte entre :
Une femme immense campée sur ses jambes. Fière. Les seins nus dardés. Les bras tenant son ventre rebondi.
Un petit homme corpulent aux minuscules membres tronqués. Large d'épaules. Tête carrée coiffée d'un chapeau plat. Ventre de Bouddha

-" D'où je suis, je ne vois que ton ventre, baisse-toi un peu vers moi que je te vois mieux... D'où viens-tu ? De quel pays ? Tous les humains sont-ils aussi grands chez toi ? Sous ta longue robe, je vois bien que tu attends l'enfant, tes mains l'entourent en un berceau. C'est pour cela que tu es tellement fière, hautaine ? Tu n'es pas la première, tu sais".

- " Hé petit homme, je veux bien t'écouter mais abstiens-toi de condescendance. Je viens de loin, mon pays s'appelle le Mali, j'ai fui, les hommes s'y battent. D'où je viens les hommes sont tous noirs, très grands et très beaux. Les femmes encore plus, comme tu peux t'en rendre compte. Oui, j'attends le troisième enfant, nous avons toutes de nombreux enfants que nous portons longtemps, dans notre ventre puis dans notre dos. L'enfant est toute notre vie de femme. L'enfant et les travaux, c'est notre vie. Et toi, qui es-tu ? Qu'as-tu fait de tes membres ? Tu n'es pas un guerrier, tu n'en as pas l'allure mais tu en as les décorations ; ton oreille droite est énorme, la gauche minuscule, pour quelles raisons ? Et ce petit chapeau noir qui te fait de l'ombre sur le nez, est-ce la coutume nationale ? Tes épaules sont puissantes, je suppose que tu es un personnage important ?"

- " Tais-toi, tu es trop bavarde ... et approche toi un peu ..."

- " Hé Oh ! Petit homme, on ne me commande pas, ni toi ni qui que ce soit. T'es pas obligé de répondre. Je peux me poser des questions à voix haute si j'en ai envie."

- " Je sens qu'il va être difficile de s'entendre avec toi. Susceptible. Agressive. Je suis d'un peuple doux, je viens du Pérou, mes ancêtres sont des indiens, des hommes paisibles qui vivaient dans les grandes plaines, respectueux de la nature, près de notre terre-mère. Notre peau est cuivrée, notre âme aussi..."

-" Et ce gros ventre ? D'où te vient-il puisque tu dis vivre près de la nature ? As-tu avalé un caillou ? Ou ton chapeau ? Ou alors, chez vous sont-ce les hommes qui portent les enfants ? Et par où sortent-ils, hein ? De nombril, tu n'en as pas. Par ta grande oreille ?"

-" Ca va, ça va, femme d'Afrique. Ne t'énerve pas. Nous ne portons pas les enfants. Je te laisse ce rôle. Je suis un personnage important, tu l'as bien compris. D'habitude, les gens s'inclinent devant moi. J'ai beaucoup de pouvoir."

-" Excusez-moi, mais la rencontre n'aura pas lieu. Je continue ma route. Vous êtes trop orgueilleux. La savane m'appelle. Au revoir, petit homme."

1 commentaire:

Lìn a dit…

et si, il y a bie rencontre, ils s'écoutent, aboutissent au aurevoir, mais ils se sont accueillis dans leurs différences et différends. c'est beau.