samedi 15 décembre 2012

envie de partager...

... avec vous cette lecture de Etty Hillesum "une vie bouleversée", Seuil, coll. point, 1985. Il s'agit du journal et de lettres de l'auteure écrits entre 1941 et 1943, morte à Auschwitz le 30 nov 1943, ses parents et ses frères aussi. C'est d'une force incroyable jamais larmoyante, terrible et sans concession pour elle-même, rempli d'amour. Le journal suit ses métamorphoses. Ici quelques passages...

"Ces maux d'estomac, cette oppression, cette sensation de noeud intérieur, d'écrasement sous un énorme poids constituent sans doute le prix que j'ai à payer de temps en temps pour mon avidité à tout savoir de la vie et à pénétrer partout [...]
"(...) Oui nous autres femmes, pauvres femmes folles, idiotes, illogiques, nous cherchons le Paradis et l'Absolu. Je sais pourtant par l'intellect - un intellect fonctionnant à la perfection - qu'il n'y a rien d'absolu, que tout est relatif et nuancé à l'infini et pris dans un éternel mouvement, et que c'est justement ce qui rend le monde si fascinant, si séduisant, mais si douloureux aussi. Nous autres femmes, nous voulons nous éterniser en l'homme. C'est vrai ; je veux qu'il me dise : "Chérie, tu es la seule et je t'aimerai éternellement". C'est une fiction. (...) Ce peut-il que ce soit précisément ma propre incapacité à donner un amour absolu qui me pousse à l'exiger de l'autre" (...).
"Il faut oublier des mots comme Dieu, la Mort, la Souffrance, L'Eternité. Il faut devenir aussi simple et aussi muet que le blé qui pousse ou la pluie qui tombe. Il faut se contenter d'être" 
"Ici, les Juifs se racontent des choses réjouissantes : en Allemagne, les Juifs sont emmurés vivants ou exterminés aux gaz asphyxiants. Ce n'est pas très malin de colporter ce genre d'histoires et de surcroît, à supposer que ces atrocités se passent vraiment sous une forme ou une autre, ce n'est pas nous qui avons à en répondre ?" (1942)
 "Lorsque je souffre pour les faibles, n'est-ce pas souffrir en fait pour la faiblesse que je sens en moi?"

"Je suis assise sur mon sac à dos, au milieu d'un wagon de marchandises bondé. Papa, maman et Misha sont quelques wagons plus loin. Ce départ est tout de même venu à l'improviste. Ordre subit de La Haye, spécialement pour nous. (...) un au revoir de nous quatre" (dernière lettre, 15 sept 1943).
 

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