vendredi 23 octobre 2009

Sommets



Un des éperons de la forêt de Saoû se nomme Roche-Colombe, à l'autre extrémité dominent les Trois Becs. Quand on longe des yeux les crêtes de ce long synclinal, la ligne d'horizon se prolonge par la montagne de Couspeau dont le sommet a forme de téton, appelé Le Grand Delmas. Puis suivent les sommets de la montagne d'Angèle, ceux de la Lance, de Saint- Maurice et tant d'autres. D'où que je regarde, à partir de la vallée, mes yeux sont inlassablement attirés par ces sommets : pour y guetter les premiers rayons de soleil du matin, les gros nuages de pluie, le brouillard en fin d'été ou les cimes neigeuses l'hiver, mais surtout pour leur faire signe ou répondre à leurs appels. Chacun d'eux me hèle pour y grimper.

Ce matin, la vallée est encore dans le brouillard. Arrivés au col de la Chaudière, nous surplombons une mer d'épaisse mousse blanche mais rayonnons dans le soleil. Nous sommes dans le ciel. La montée est longue jusqu'au Grand Delmas, un peu plus d'une heure, six cents mètres de dénivelé raides, en éboulis, parfois en sous-bois comme une récompense. Après beaucoup d'efforts et brusquement, on débouche sur un vaste espace dénudé, d'herbes rases, de rares arbustes, de profondes ravines creusées par les moutons. Encore plus près du ciel. Deux gros chiens blancs accourent en jappant, s'arrêtent près de nous. Ce n'est qu'à ce moment-là que l'on perçoit , faiblement, les sonnailles des moutons. Il faut encore monter, fouler les cardabelas, ces immenses chardons porte-bonheur, suivre les drailles qui prennent légèrement sur la gauche avant que s'ouvre un second espace, plus vaste encore aux flancs parés de plusieurs rangées de colliers de moutons. Parvenus au sommet, le Grand Delmas s'offre en un immense pâturage vallonné. L'espace entier occupé par le ciel et l'herbe. Derrière nous, la mousse épaisse s'est dissipée : Bourdeaux, Les Tonils, Le Rastel, Fondoresse … villages, hameaux ou fermes ramassés, apparaissent. Au loin, la grande plaine de Montélimar et la vallée du Rhône. Pour ouvrir l'éventail à trois cent soixante degrés, il suffit de tourner lentement sur soi-même : Le Vercors, Saillans, le Diois, des routes à flanc de montagnes, d'autres villages …
Aucun autre sommet ici n'offre une telle douceur de paysage. Tous sont découpés, en rocs ou pics, en abrupts ou aplombs. De tous ces sommets, ces croupes sont mes préférées. Ils me sont une caresse au regard, m'invitent à m'allonger pour contempler le ciel ou à continuer plus loin puisqu'ils sont moins une cime atteinte qu'une partie du prochain paysage à parcourir, un voile soulevé vers le futur.

1 commentaire:

Marie, Pierre a dit…

"le chapeau de la cime est tombé dans l'abîme."
elle est sotte celle-là...