samedi 6 mars 2010

Solitude

La consigne consistait à inclure la phrase suivante de Rilke dans le texte:

« Voilà pourquoi il est si important d'être solitaire et attentif lorsqu'on est triste : l'instant apparemment immobile où... »

Tu me demandes comment je peux rester plusieurs mois, totalement seule dans cette maison de bourg située dans un village éloigné de toute ville, où seuls règnent le silence et la lumière. Je vais essayer de t'expliquer pourquoi il est si imprtant d'être solitaire et attentif lorsqu'on est triste.
En restant chez moi, je reprends chaque jour les mêmes chemins qui me conduisent irrémédiablement aux mêmes lieux, me font croiser les mêmes gens. Tout ce tissu de dépendances, d'accoutumances me carapaçonne, m'asphyxie. Je n'ai plus accès à mes émotions.
Mais ce n'est pas tout : en quittant tout le confort que m'offre ma maison habituelle, pour vivre dans ce lieu plus rude, je retrouve au fil des semaines une vie plus simple. La solitude, le silence dont je suis entourée, l'absence de paroles échangées sans réelle nécessité, l'absence de spectacles, réhabilite peu à peu chaque acte qui se densifie, s'amplifie. Ici, le temps apparemment immobile donne tout son poids à chaque geste. Solitude et immobilité du temps me rendent attentive au moindre mouvement des feuilles, des nuages et à ceux de mon âme. Je vois ce que mes yeux ne voyaient pas parce qu'ils ne prenaient pas le temps de regarder. Ce que je vois parfois me met à nue mais sans ce risque-là, que vaut la vie ? Le monde s'entr'ouvre : je me glisse dans une fente et peu à peu les amarres sautent, je suis délestée et légère. Non seulement la tristesse me quitte mais l'intimité avec moi-même est retrouvée.
A la tristesse dont je peux être submergée quand je suis plongée dans la foule des gens et des habitudes qui me constituent, succède une conscience paisible. Je ressens physiquement tomber une vieille peau, je n'ai plus besoin de lire tant de livres, deux phrases peuvent alimenter toute une journée.
Levée avec l'aube, sans toilette ni petit déjeuner, j'écris face à la fenêtre. Il faut faire vite avant que le grand jour arrive. Alimentée par la nuit, la ballade de la veille, les mots glissent aisément. Suivent un repas pris sur les genoux sans aucun temps de préparation, une longue ballade. Ma seule entorse au monde du dehors : la radio le soir. Non pas pour les nouvelles, dans ces moments-là, des nouvelles je m'en fiche, je ne veux pas savoir ce qui se passe dans le monde. Je suis débranchée, dé-préoccupée. Seulement capter une émission où je glanerai quelques mots pour rêver, bifurquer ; ou bien quelques lignes de lecture ou un peu de musique.
Là ne sont sans doute pas toutes les raisons du bonheur que je retrouve à vivre chaque instant – l'un après l'autre -, là n'est pas une recette pour tous. J'approche seulement l'essentiel qui me manque et le vacarme se tait.

1 commentaire:

Laura- Solange a dit…

Je me glisse dans tes mots, dans cet éloge d'une solitude revendiquée, avec pleine conscience. Je comprends cette exigence là!