mercredi 14 avril 2010

LETTRE A UN POETE, UN AMI.

19H45: ce 3 mars. Il fait nuit, une nuit de ces fins d'hiver où la température hier douce encore, a renoué avec le froid et la pluie. Les trottoirs mouillés et gluants ruissellent, l'asphalte brille d'une incandescence funeste, le ciel pleure la tristesse des hommes.
Je t'écris poète pour ajouter mes mots à l'arc-en-ciel de tes rimes et j'avance. J'articule avec peine mes doigts gauches et gourds, j'avance vers ce temps inconnu qui s'effiloche usant l'encre des jours, usant la fluidité du verbe. Et si je devais un jour ne plus pouvoir écrire? Est-ce que je pourrais au moins dire? Est-ce que je pourrais tenir dans ma bouche un pinceau? J'accuserais les heures grises de traits épais; de rage, quelquefois, je les violenterais de noir.Les moments doux, je les effleurerais d'une plume si fine à l'encre sympathique, qu'invisibles à l'oeil nu je serais obligée de les recommencer encore et encore, de m'attacher à eux comme un carton d'invitation pendu au fil d'un ballon de baudruche.
Poète, prends ma main, applique-la en creux contre ton oreille comme une conque d'or et écoute battre dans sa coquille le flux et le reflux de la parole, tous mes éclats de rire et mes éclats de larmes, toutes mes espérances teintées de l'éphémère beauté des cerisiers en fleurs, toutes mes angoisses balâfrées de rouge et de noir.
Poète, dans ton souffle, accompagne ma vie voilée de clair-obscur.

4 commentaires:

Ange-gabrielle a dit…

Bernie,

J'avais entendu chez moi, lors de nos lectures, ta phrase "est-ce que je pourrais tenir dans ma bouche un pinceau" et l'angoisse qui l'auréolait.
...Et puis, elle n'était pas revenue dans les textes parus, j'ai cru-étonnée te connaissant- que tu l'avais rejetée et là en ce jour de soleil, voilà que les trottoirs gluants apparaissent ; bien sûr, demain est ton jour ; rage, douceur, tu les affronteras tous ces moments de ta vie,éclats de rire et éclats de larmes. Tu les regarderas en face et tu seras toujours aussi vivante, belle dans tes mots, irradiante dans ton coeur.
Souvent je pense à Myriam et à ce qu'elle est arrivée à faire de sa vie, ça aide à chasser les peurs.
Ton écriture est belle, et même si ... des machines verbales écrivent aujourd'hui. Et même que non d'abord...
Le coup de blues peut tourner à l'arc en ciel avec tes rimes.
Je t'aime

Anonyme a dit…

Voilà un bon moment que nous foulons ensemble ou jamais bien loin tous les trottoirs gluants de la vie. et avec eux, tous les trottoirs irisés des mots, des lettres, des livres et des conversations téléphoniques.Comme dirait ce masseur aveugle et pas muet qui a essayé de remettre mon cou dans l'axe hier "c'est fou ce qu'on peut faire avec 26 lettres", certes certes, ai-je borborygmé, et il a enchaîné avec tout le bien qu'il pensait d'Yves Duteil. Il m'a aussi parlé de tout ce qu'il écrivait et à l'insu de mon plein gré m'a décrit dans le détail une nouvelle qui avait fait mourir de rire ses camarades ; j'étais consternée et aujourd'hui plus coincée que jamais. Donc comme cadeau d'anniversaire, j'ai décidé de ne pas l'inviter à nous rejoindre. j'espère que tu es contente. Et comme cadeau de consolation, beaucoup de bisous et de pensées choisies parmi les plus... Merci à toi douce et précieuse amie pour tout ce que tu donnes et tout ce que tu es.

béatrice a dit…

je suis sans mots devant ce texte, trop assommée de tristesse aujourd'hui pour rédiger un vrai commentaire, mais quand même en état de percevoir que c'est magnifique.une nouvelle année donc, de plume, de pinceau ou de quoi que ce soit pourvu que tu le dises...

Laura- Solange a dit…

Nouée à la lecture de ton texte et...sous le charme. Je t'embrasse.