lundi 11 avril 2011

Même Rimbaud !

Quel monde merveilleux que celui dans lequel nous vivons ! On nous apporte sur un plateau les réponses aux questions que l’on ne s’était jamais posées. Il suffit de tourner le bouton de la radio, de tourner les pages d'un magazine dans la salle d'attente du dentiste et hop, on ressort truffé de savoir inattendu.
Ainsi, on a retrouvé la photo d’Henri IV, enfin, sa tête plutôt, alors qu’on ne savait pas qu’elle avait été perdue. J’étais peut-être la seule  à l'ignorer, mais franchement, si quelque chose m’empêchait de dormir, ce n’était pas ça.
Un type la tenait serrée dans son armoire depuis quelques années, dont il avait du reste perdu la clé, et seule sa femme était dans la confidence. Il a fallut forcer la porte, mais tout est bien qui finit bien, les grains de beauté correspondent, le trou pour la boucle d’oreille aussi. Youpi la tête d'Henri IV, je ne me souviens plus si le corps était disponible ailleurs, mais le corps c'est toujours moins ragoûtant.
Et tout à coup c’est l’angoisse, si ça se trouve des tas d’autres têtes manquent à l’appel et on ne s’en est jamais soucié.
Celle d’Henri 4 était bien conservée car il avait été embaumé par des Italiens, passés maîtres en la matière comme en bien d’autres. On a fait appel à des nez pour lui renifler l’haleine, ils ont identifié des odeurs d’herbes et de vieux papier ; je me dis ça c’est tout moi, et je ne suis même pas reine mais voilà ce que l’on sentirait de moi si l’on retrouvait ma tête : les herbes et le vieux papier. Parfois aussi je me demande si je ne pourrais pas me faire embaumer de mon vivant, pour les jours de plus en plus fréquents ou je la perds pour de bon, si embourbée et bourrée des boucles de pensées sèches, de vieux papiers et d'herbes folles. Si quelqu'un de compétent lit cette annonce, qu'il me contente sans coup férir. Oh oui, embaumez-moi !

Puis on vous explique qu’il est difficile de trouver des fossiles de poux. Cette fois encore, vous êtes pris en défaut, vous n’aviez jamais jaugé  la difficulté de la chose : comment ne pas confondre un fossile de poux avec un grain de sable ? Et d'ailleurs les poux vivaient-ils au bord de la mer ? Ou avec un caillou ? Et les cailloux ? Ne sont-ils pas eux-mêmes des fossiles de pierres ? Ou des fossiles d’autre chose, détaché du tout ? Comment savoir ?

Chaque porte ouverte débouche sur une multitude d’autres. Faisons comme pour la porte des cabinets, laissons-la fermée et par la même occasion, laissons dormir les réponses, qui ne sont au final que des pierres sous lesquelles dorment cent mille autres questions.

Et pour finir, mais je crains bien que non, on vous explique que Rimbaud, une fois débarrassé des affaires poétiques, avait des lectures navrantes, telle que celle du catalogue Manufrance.
Comme cette clé de l’énigme non posée s’est retrouvée dans une liste hagiographique dudit catalogue, expliquant que tel bambin avait appris à lire avec, dans et grâce au catalogue Manufrance, (hier encore ce cousin par alliance ou tout comme) au regard si liquide, qui s’était usé le peu qu’il avait d’yeux sur les vignettes de l’objet de l’art, dès l'âge de 5 ans, que tel autre s’enfermait les jours de pluie dans la cabane au fond du jardin, la culotte aux chevilles et le monument sur les cuisses, bref, que le catalogue Manufrance avait sauvé le monde en le faisant rêver, voilà qu'on tombe de haut, lorsque tout à trac, alors que l’on est bercé de cette douce unanimité, on apprend qu’Arthur, notre saint, notre cher et moribond Jean Arthur Nicolas, « avait des lectures navrantes »*, qui lui donnaient de mauvaises idées, comme celle de devenir marchand de canons. Je ne vous dis pas merci, monsieur de Manufrance. Oh non ! En deux lignes, 2 mythes se sont écroulés, j'étais à l’abri dans les cabinets, tout à mes affaires, relâchée, « sans peur du lendemain, ain ain », et j'apprends que Rimbaud avait des lectures navrantes. je reste sans voix.
* cité par Gérard Orthlieb in Rimbaud, L'éternel retour (heureusement indisponible)

2 commentaires:

Ange-gabrielle a dit…

Ca fait des lustres, t'attendais des réponses à tes questions, aujourd'hui t'as des réponses à des questions que tu ne t'es même jamais posée. Que s'est-il passé dans le monde pour en arriver là ? Et il y a toujours plein de questions dans tes textes ... alors t'as raison, ne soulevons plus ces pierres que sont les réponses et laissons dormir les questions. Je ne sais plus où j'en suis ...

Lìn a dit…

toujours cette écriture si charmante et déroutante de l'absurde, même Rimbaud craquait pour le catalogue, regardait-il aussi les petites annonces du Chasseur ? voici une question pour MP... j'attends la réponse...