mercredi 14 décembre 2011

Avancer

Une colère qui suinte et s'écoule à tous les coins de rues, lorsque le pied forçant la marche bute, écrase ce que chacun vomit, crache ,éructe à la place des mots qu'il ne possède plus. On a beau chercher le bleu, on ne rencontre que des immeubles gris, des arbres esseulés, aux rameaux dépecés sur le trottoir sale, des feuilles d'automne que même les enfants - les écouteurs sertis dans ce qu'il reste d'oreilles - ne ramassent plus sur le chemin de l'école.
 Comme une cicatrice, un peloton de laine jaune trace soudain sur la place une ligne de désir qui serpente ainsi entre les crottes de chiens, les paquets de cigarettes froissés et les crachats du jour. Un fil qui suscite le regard, murmure que les couleurs existent, qu'elles sont là prêtes à reprendre de leur vivacité dans l'inculte d'un matin abandonné. Ayant trouvé le début de l'histoire, il suffirait de bien tenir le fil, ne pas perdre la couleur des mots qui se mettraient à chuchoter contre le sens du vent, et, dans ce tremblement de présence, marcher vers la fleur qui ne peut qu'être là, plantée entre deux pavés, étendard fragile des rêves oubliés. Et puis, devant une allée, qu'ici l'on nomme traboule, le voir ce petit bouton nacré, légèrement brillant qui nargue l'œil averti. Et réaliser alors que oui, c'est là, on a trouvé l'entrée: il suffit de pousser la porte entrebâillée et même les yeux fermés, on trouverait le chemin, on l'a emprunté tant de fois...Mais planté sur ce seuil , un quart de seconde de trop, on hésite comme toujours, on se penche pour cueillir ce qui brille et l'on  ramasse un vieil élastique trop grand qui claque entre les doigts et casse brutalement le songe.

1 commentaire:

Ange-gabrielle a dit…

Ce n'est que ce soir que je découvre vraiment ton texte, un bijou