lundi 5 décembre 2011

dos

Dos (remis sur le blog, publié automne 2010)
Nous nous percevons, apprécions, rejetons de face, le recto domine le verso, ne dit-on pas « perdre la face »mais jamais "perdre le dos" ? Que nous dit le verso pour être aussi délaissé ? Comment percevons-nous cet autrui mis à nu côté pile ?

Scène : fond de plage, 30 mètres séparent le fond (vers un grand mur de pierre) de la mer, sur ces 30 mètres : 3-4 personnes au m2, c’est le matin.
1er dos : fin, maillot deux pièces, hauteur : 1m30, cheveux mi-longs arrivant jusqu’aux omoplates ; creux de la colonne vertébrale accentuant la verticale énergique et tranquille de l’enfant.
2ème dos : large et courbé, hanches relâchées et peau flasque faisant des petites vagues, bras descendant jusqu’au milieu des cuisses ; bermuda quelque peu flottant ; omoplates... plates ; tête en avant accentuant la courbure du haut du dos, cou avec un coup de soleil.
3ème dos : peau lisse et couleur homogène brune, os apparents et fins, omoplates creuses, cou court délimité par le carré des cheveux à mèches ; une culotte de bain, pas de graisse sur les hanches.
4ème dos : bourrelets divers sur les hanches accentués par la culotte verte, hanches larges, dos lourd sans creux mais vivant malgré l’absence de ligne directrice. Cou long terminant sur un chignon.
5ème dos : assise convexe soutenant une casquette beige, long cou rougi comme énervé. Epaules larges et musclées, deux creux verticaux sous les omoplates ; dos contradictoire, musclé en haut et relâché en bas, fougueux mais renonçant. Poils sous les bras qui dépassent.
6ème dos : d’abord contre le ventre d’une femme blanche, puis seul allant vers l’eau ; dos fier (à cause de la jolie blanche ?), bronzé, fin et musclé aux épaules, un fessier étroit souligné par une culotte noire, qui se balance dans sa marche comme celui d’une femme. C’est pourtant un dos dominateur qui semble crier son « coming out » qui reste à faire à la plage. En partant il me regardera d’un air interrogateur... l’intuition que j’écris sur lui ?
Retour au 5ème dos : il gueule sur ses deux petites filles qui souhaitent partir de la plage, il râle, s’énerve. Les petites sont contraintes d’aller dans la mer. Satisfait de leur abdication face au pouvoir paternel, il entoure sa femme d’un bras protecteur. Père de famille autoritaire, hurlant son besoin de tendresse Dos contrarié dans la vie.
7ème dos : de face : seins nus tombant, plis joufflus du ventre d’une jeune ménopausée, couleur brune pas tout à fait homogène : le haut a été protégé par le soutien gorge d’un maillot de bain. Je voudrais qu’elle se retourne et que je voie le dos, mais elle discute, s’exprime avec les mains, garde plusieurs minutes une cigarette non allumée à la main droite. Elle explique rieuse quelque chose au couple d’amis ou de parents qui l’accompagne. Bras fins, côtes apparentes. J’attends. L’animation de son propos la fait tourner légèrement sur la gauche, j’entraperçois un tatouage sur la hanche droite. Bas de maillot jaune. Elle ne se retourne toujours pas, j’attends, je lis, je jette un oeil discret de temps à autre. Enfin le miracle arrive, le ventre se couche, et pour ce faire, le dos se donne aisément à la vue et à la vie de la plage : dos rieur, fier, jeune et dynamique, plusieurs creux soulignant les liens des muscles et des ligaments, dos au doux babil, dos inépuisable et inépuisé par l’amour.
8ème dos : il est double, chameau, masculin athlétique, râblé, féminin élégant et gracile, bosses toniques ; il plonge à grandes brassées ; il s’allonge sur une planche et brasse fébrilement ; elle demeure sagement dans les premiers mètres cubes de l’eau, s’arrosant. Et puis, elle le rejoint, à moins que ce soit lui : les mains se touchent, les regards s’embrasent, les dos disparaissent au fond de la mer.
9ème et dernier dos : il marche le long de l’eau, marche en « canard » et chantonnant. Et la main gauche touche la fesse gauche, la main droite tripote la fesse droite ; dos âgé, blanchi par la déteinte du temps, un peu courbé, tête droite ; et la main droite gratte l’épaule gauche, et la main gauche caresse vigoureusement la tempe droite ; une rencontre d’une dame du même âge : le dos du monsieur blanchi s’arrête, répond ; puis reprend sa cadence : et la main gauche grattant la fesse gauche, tout de suite après la main droite chatouille la fesse droite, puis la main droite effleure l’avant bras gauche, et la main gauche touche l’épaule droite ; autre rencontre, une autre dame du même âge : le dos s’arrête à nouveau, répond, reprend sa déambulation : main droite, fesse gauche, main gauche fesse droite... regarde à droite, hésite, puis se dirige vers un emplacement, et la main gauche sur l’épaule droite, et la main....
13 heures : la plage se dépeuple, les dos se rhabillent avant de suivre docilement leurs ventres attirés par le repas à venir. Fin des morceaux choisis du fond de plage.

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