dimanche 18 décembre 2011

Exposition Walter Benjamin - Archives 12-10-11 / 5-02-12


Walter Benjamin (1892-1940), philosophe, écrivain et critique, a construit une oeuvre au sein de laquelle l'archive constitue tour à tour, l'objet, la méthode et la finalité. Son audacieux projet, qui mêle la pensée, l'histoire et la réflexion sur l'art, se ferme à toute classification.
Cette exposition montre Benjamin en collectionneur ; son travail y est appréhendé comme un édifice composé d'innombrables archives qui rassemblent des images, des textes, des signes à voir et à comprendre, mais aussi des expériences, des idées et des espoirs que l'auteur a consignés et analysés. Tel un archiviste, Benjamin a établi les bases du sauvetage du fonds qui allait lui survivre ; il a appliqué avec passion les techniques de l'archivage et elles ont marqué de leur empreinte le processus même de son écriture : systématiser, reproduire, classer avec des sigles, extraire et transférer


Du petit au tout petit / Micrographies

Benjamin avait une prédilection pour la forme miniature, pour ce qui est à première vue insignifiant et secondaire. C'est dans ce contexte que son écriture micrographique peut être appréhendée. Jusqu'aux alentours de l'année 1918, le geste graphique est encore ample, le penchant de Benjamin pour la micrographie se développant principalement dans les années vingt. Le tracé est la plupart du temps minutieux et fin, rarement négligé. Les lettres mesurent environ un à sept millimètres. On retrouve cette écriture minuscule, fort serrée, aussi bien dans ses textes que dans certaines lettres. A la densité spatiale de l'écrit répond l'économie de l'expression, un style précis, laconique. Les micrographies se dérobent à toute lecture rapide. Seule leur image scripturale, leur expression graphique s'offrent au premier regard, leur teneur se révélant seulement après un effort de déchiffrage.(C'est moi qui souligne)


Constellation
« Je sentais en marchant mes pensées se bousculer comme un kaléidoscope – à chaque pas une nouvelle constellation ; de vieux éléments disparaissent, d'autres se précipitent ; beaucoup de figures, si l'une d'entre elles persiste, elle s'appelle une phrase »
(sur Proust, « Journal parisien » 11 février 1930)

Collection / Collectionneur
« Le collectionneur se plaît à susciter un monde non seulement lointain et défunt mais en même temps meilleur ; un monde où l'homme est aussi peu pourvu à vrai dire de ce dont il a besoin que dans le monde réel, mais où les choses sont libérées de la servitude d'être utiles »
(Ecrits français, « Paris, capitale du XIX° siècle »)

Femmes
« J'ai connu dans ma vie trois femmes différentes, et trois hommes différents en moi. Ecrire l'histoire de ma vie, ce serait présenter la formation et la décadence de ces trois hommes, et les compromis entre eux »
(G. Scholem, Walter Benjamin, Histoire d'une amitié)

Ange de l'histoire
« Il y a un tableau de Klee dénommé Angelus Novus. On y voit un ange qui a l'air de s'éloigner de quelque chose à quoi son regard semble rester rivé. Ses yeux sont écarquillés, sa bouche est ouverte et ses ailes sont déployées. Tel devra être l'aspect que présent l'Ange de l'Histoire. Son visage est tourné vers le passé. Là où à notre regard à nous semble s'échelonner une suite d'évènements, il n'y en a qu'un seul qui s'offre à ses regards à lui : une catastrophe sans modulation ni trêve, amoncelant les décombres et les projetant éternellement devant ses pieds »
(Ecrits français, « Sur le concept d'histoire »)

Paris
« ...Je pense à une après-midi à Paris à laquelle je dois des lueurs sur ma vie qui m'ont frappé comme l'éclair avec la violence d'une illumination. (…). Je me suis dit que Paris, où les murs et les quais, l'asphalte, les collections et les décombres, les grilles et les squares, les passages et les kiosques nous apprennent une langue si singulière, devait nécessairement être le lieu où, dans la solitude qui nous étreint, absorbés que nous sommes dans ce monde d'objets, nos relations avec les êtres atteignent la profondeur d'un sommeil où les attend l'image de rêve qui leur révèle leur vrai visage. »
(Ecrits autobiographiques, « Chronique berlinoise »)

La Seine
« … toute nouvelle collection de photographies intitulée Paris s'achève par l'image de la Seine. C'est elle le grand miroir toujours vivant de Paris. Chaque jour la ville jette dans ce fleuve les images de ses solides édifices et de ses rêves de nuages. Il accepte de bonne grâce les offrandes de ce sacrifice et, en signe de sa faveur, il les brise en mille morceaux. »
( Images de pensée, « Paris, la ville dans le miroir »)

Petit bossu
« Ma mère me le laissait deviner, sans le savoir. « Avec les compliments de Monsieur Maladroit » me disait-elle toujours lorsque j'avais cassé ou laissé tomber quelque chose. Et je comprends maintenant ce dont elle parlait. Elle parlait du Petit Bossu qui m'avait regardé. Celui que le Petit Bossu regarde ne fait pas attention. Ni à lui-même, ni même au Petit Bossu. Il se tient, effondré, devant un monceau de débris (…).
Le Petit Bossu était donc souvent là. Seulement je ne l'ai jamais vu. C'était toujours lui seul qui me regardait. Et plus son regard était perçant, et moins je me voyais moi-même. »
(Enfance berlinoise, « Le Petit Bossu »)

Proust
« J'admire sa manière stupéfiante (…), de retrouver l'usage probablement général des grands poètes qui tirent leurs métaphores de tout ce qui est proche et paraît futile, et de rendre comme mobile tout un ensemble enchevêtré de situations banales et rebattues au bénéfice d'une expression plus profonde, d'introduire dans les perceptions les plus labiles, en les coulant dans l'expression d'une image, une densité magnifique et percutante. »
(Correspondance – 28 décembre 1925, à H. von Hofmannsthal)

2 commentaires:

Marie, Pierre a dit…

Ange, je me suis permis une police plus grosse (je n. la po) car impossible de lire même avec mes grosses nouvelles lunettes

Ange-gabrielle a dit…

Bien, tu as bien fait,c'était en fait un repoussoir à la lecture que ces petits caractères.
Néanmoins, au départ le corps était encore plus petit que cela, je souhaitais créer la même sensation par ces citations en caractères minuscules que W. B. qui voulait que le sens se dérobe à toute lecture rapide et que leur teneur ne se révèle qu'après un réel effort de lecture.
Puis lorsque je suis passée au copier-coller pr tout mettre sur le blog les caractères ont automatiquement augmenté, alors tu vois à quoi vous avez échappé !