mardi 19 juin 2018

Voilà, c'est ici


Voilà, c’est ici. Ici que les chevaux se sont tus.
Voilà, c’est ici. Le nom de Joannes Faure, resté gravé dans le granit d’une tombe toujours mystérieusement fleurie, gravé aussi parmi la liste interminable sur le Monument aux Morts. Joannes Faure, tombé à Moulicent, dans l’Orne.
Voilà, c’est ici. Les cris des femmes enfermées dans la maison d’école avec les enfants.
Voilà, c’est ici, cette année-là, que le vieux a perdu la parole. Mais pas ses souvenirs.
Voilà, c’est ici. La campagne était pourtant riante et le soleil insolent, voire indécent.
Voilà, c’est ici. Les femmes ont accompli, depuis, ce que leurs hommes n’ont pas eu le temps de leur dire : élever les enfants, cultiver les champs, dégager les chemins, ne pas laisser la friche prendre le dessus. Prendre soin de la terre.
Voilà, c’est ici. Le silence qui s’est transmis comme une onde et la parole qui n’a ressurgi qu’à la quatrième génération.
Voilà, c’est ici. Parmi tous les hommes abattus, le fossoyeur. Le menuisier. Le forgeron aussi. Pas de fosse, pas de planches ni de clous pour les cercueils.
Voilà, c’est ici. Le Jean, l’homme de la Léa, tombé au front le 11.11.1918, un mois tout juste après le petit Jean, emporté par la grippe espagnole.

1 commentaire:

Ange-gabrielle a dit…

Oui, tu es toujours à jour, et s'il en manque qqs uns, tu as tout l'été pour écrire et te régaler. Bravo !