jeudi 19 décembre 2024

Balbutiement d'une pensée (4)


 

Je suis une baleine boréale, je navigue depuis très longtemps dans les eaux de l’Arctique, j’approche les 200 ans, je frôle les orques et les otaries à fourrure, d’un coup de queue ou de fanon, je les évite élégamment ; elles sont inquiètes comme moi. Et pourtant, est-il de plus grand bonheur que le nôtre ? Danser avec nos baleineaux sous la lumière presque irréelle d’une aurore boréale.

Mais plus rien n’est pareil dans nos profondeurs jadis si silencieuses où seuls nos chants résonnaient, on ne s’entend plus. Parfois un tel tintamarre retentit dans nos eaux que nous n’entendons plus les signaux de nos congénères. On ne peut plus danser et admirer les prouesses de nos danses, les enseigner à nos petits, l’eau n’a plus la transparence d’autrefois. Là où la nourriture abondait, souvent nous ne trouvons que détritus. Malgré tout, dans les eaux profondes et froides, de mon front, je brise la glace et continue à chanter.

Nous composons de nombreuses mélodies que nous renouvelons constamment et plus l’adversité nous menace plus nous chantons, surtout en hiver quand le soleil ne se montre jamais et que la glace couvre presque la totalité de la surface de l’eau.

Nous sommes chassées depuis si longtemps que nous ne sommes plus très nombreuses, allons-nous disparaître ? C’est fort possible. Alors nous déployons notre symphonie désespérée dans les profondeurs de l’océan. Nos chants sont puissants




CHERCHER-VOIR/ 4

 



 

 

 

 

 

 

 

 

 

VOIR – CHERCHER    TROUVER  (IV)

Des poumons oppressés.
Le souffle envahi par la solitude du gris.
La souffrance du silence obligé, emmuré dans un grillage rafistolé au plomb des sévices.
Liberté. Le mot gommé, foulé, refoulé, écrasé sous les semelles des prisonniers martelant les couloirs. Relégué sous les langues, au fond des gorges humides des émanations du chagrin.
L’avenir. Il se meurt dans le couloir aux lignes nauséabondes. Long tunnel étriqué. Grilles-mâchoires. Lumière falote des impossibles sur le sol de terre battue. Tunnel où se fourvoient les idéaux avalés par la porte entrouverte. La porte des incertitudes, du temps maudit qui déglutit l’envie de vivre.
 S’échapper dans le labyrinthe des jours Se soustraire à la peur des matins qui succèdent aux soirs.
 Le Rien.
Le Vide.
Palper les murs. Tourner, tourner, tourner. Devenir le derviche de la désespérance. Vouloir croire en la liberté incarnée.


LINETTE.

mardi 17 décembre 2024

CHERCHER-VOIR / 3

 



VOIR -  CHERCHER    TROUVER  (III)

Unis sur le même bateau, les arbres droits, fiers défient le monde. Leur Arche de Noé impériale, impérieuse vogue sur l’univers sombre du Temps qui passe et déroule ses vagues atones.
Le ciel chargé déverse ses nuages comme pour engloutir le cri qu’ils jettent, hébétés, dans le gris.
Le bateau tanguera, il se renversera mais les grands végétaux resteront droits. Ils sont notre âme que le destin  appelle. Ils sont nos cris dans la nuit noire du monde. Ils sont nos corps qui veulent résister ne pas finir en cage, tressés, ligotés, épuisés par la sourde colère des vaisseaux ennemis.
Ils sont le chat, le chien, le lémurien qui nous disent leur amertume, là où est notre indifférence.
Ils seront la prison de nos calculs erronés, l’incarcération de notre conscience.


LINETTE.

dimanche 15 décembre 2024

CHERCHER -VOIR / 2



 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

VOIR – CHERCHER    TROUVER.  (II)

Il cherche à approfondir l’espace, à repousser les maisons, creuser le ciel, creuser la mer dans les reflets endormis.
Au premier regard les arbres couleurs d’automne, les coquelicots taches de sang ou la tour du phare inversée dans la mer retiennent l’attention mais bien vite, l’œil s’étire.
La rectitude des maisons alignées, leurs fenêtres aux rectangles identiques oppose quelque peu la douceur à celle évanouie, seule dans la verdure, les volets et les toits discordants.
Et l’horizontal et le vertical reprennent vite leur droit jusqu’à épouser le bord de mer.
Ses lignes tracées au cordeau, en abscisses ou en ordonnées nous rassurent-elles quand elles sont l’âme des villes ? Les perpendiculaires, les diagonales définissent-elles notre façon de voir ?
 Heureusement, il reste les courbes des nuages, les arrondis des feuilles du frêne ou les alvéoles de celles du tilleul. Il reste la douceur des accolades en vaguelettes pour arrondir les angles de la vie brouillée par la mathématique des éléments.


LINETTE.