
Version1
Bien sûr je connaissais la pipe
qui n'en était pas une, la pomme que personne ne pouvait croquer même pas
Ève en rêve
Lors d'une exposition à paris,
ça avait été une révélation : les titres des œuvres de Magritte font la
moitié du travail ils interprètent au-delà de l'image, révèlent le mystère. Mon
tableau préféré c'était Le Thérapeute. La silhouette d'un homme vêtu d'une
cape-voile avec à la place de la tête et du tronc une cage dont la porte est
ouverte, avec l'une des colombes déjà dehors, comme quand on fait une photo, le
petit oiseau peut sortir. Figer l'instant de la révélation comme la photo de
Harold (voir texte 3)
La parole plus que l'idée veut
surgir, l'image révèle.
L'autre colombe est encore dans
la cage, l'autre parole, hésite encore. Peut-être qu'elle n'est pas prête à se
libérer.
Dans le film le Peuple
Migrateur, vu récemment au cinéma, la liberté conquise fait hésiter aussi le
bel ara, qui avec sa patte, a tourné la tourniquette et ouvert la porte de sa
cage, où avec d'autres animaux, ils sont prisonniers, entassés dans une
pirogue. Au moment de retourner dans sa forêt, il n'en croit pas ses yeux, il
hésite un court instant puis s'envole.
Je suis dans le bleus de ces
images, comme les oiseaux, à quelques milliers de mille ou de pieds ou d'ailes,
nous survolons les Alpes, dans ce gros volatile vrombissant. OIseaux
migrateurs, nous allons voir la Baltique, goûter la lumière de la Neva. Il y a
18 ans exactement. à Saint-Petersbourg, à cette époque de l'année, ce sont les
NUITS BLANCHES.
Pendant 13 ans dans sa cellule
obscure, Carlos Liscano écrit dans sa tête, les nuits blanches et les jours
noirs, rien ne s'oppose à la nuit, rien ne la distingue du jour non plus. Il
écrit l'histoire du corbeau blanc, une histoire qui a pour point de départ une
nouvelle de Tolstoï. Un corbeau noir se peint en blanc pour ressembler à un
pigeon, qui est une espèce selon lui qui a plus de facilité pour se nourrir,
qui est mieux accueillie.
« Nous sommes comme dans une cave et il n’y a même pas
de soupirail » (Magritte)
Sa tête est un nuage qui
s'agrège de mots et les fait plus tard retomber en pluie
Le nuage traverse la porte de
la prison
Le nuage se cogne aux montagnes
Le nuage traverse la mer.
Le corbeau blanc revenu chez
les corbeaux noirs n'y a plus sa place.
"On ne percevait plus que
la rumeur de la fuite"
Les corbeaux, comme les nuages
aiment cette vie errante et parfois, pour se reposer inventent des histoires ou
se transforment en buée.
( 4 juin 2025)
Version 2 *********************************
V2
Si
j'étais corbeau blanc parmi les corbeaux noirs ? parfois je pense à ça ?
Dans
un pays où ma couleur de peau ne serait pas majoritaire ?
Si
je devenais aveugle, parfois je pense à ça : ET si je devenais aveugle ?
Ou
bien si par quelque circonstance exténuante, j'étais enfermée moi aussi dans un
cachot ? Si je devais ne compter que sur mon for intérieur ?
Si
je devenais pure pensée, nuage au-dessus des Alpes dans le jour polaire
où la
lumière
aveugle
et fait sentir des grains de sable dans les yeux.
Si
ma mémoire se dissolvait dans la sénilité ?
je
regarderais à l'intérieur de moi, je deviendrais quelqu'un d'autre aussi
Est-ce
que penser les images serait comme rêver et se souvenir de son rêve à peine
éveillée ?
Est-ce
que dans ma mémoire fragmentée,
penser
les images serait comme construire des histoires
avec les quelques mots qui me
resteraient ?
"j'ai eu des images
belles et terribles de la parole, des images que je n'ai jamais réussi à piéger
sur le papier"
Tourner
les pages de mes albums photos, classées suivant différents critères : famille,
amis, vacances, heures de gloire, la joliesse de mes 30 ans, la certitude de
mes 40 ans, les moues de mon enfance... quand j'étais corbeau blanc parmi les
pigeons noirs.
De
tous ces souvenirs quelles images voudraient bien traverser les membranes de
mes méninges si souvent endolories ?
Les
images seraient-elle sages ? silencieuses ? quelles histoires
raconteraient-elles ? des fictions ? des inventions ? ré écrirais-je l'histoire
à mon avantage ?
"la
vérité dépend de la façon dont on la raconte"
Et
au moment d'atterrir, comme dans ce rêve que je fais souvent ? quel paysage
quelle image choisirais-je de laisser de moi ?
Comme
le nuage de Magritte, ma pensée d'image traverserait-elle la porte, ou comme
celui de Tchernobyl s'arrêterait-il à la frontière de mon inconscient ?
Tout
à l'heure à la pharmacie je demande un produit dont j'ai oublié le nom
commercial et que je décris comme étant conditionné dans une boîte bleue et
blanche ; quand je retrouve enfin son
nom et qu'on me soumet la chose, la boîte est orange et blanche ; et l'a
toujours été.
Comment
faire confiance aux images dans ma tête ? je pense que l'image est bleue parce
que le produit vient de la mer et que la mer est bleue, et s'il venait du ciel
?
Parfois
j'aime regarder les films (qui ne marchent pas sur la plage) avec les
sous-titres pour sourds et malentendants ; les sous-titres de couleur rose qui
décrivent les bruits (porte qui grince, chien qui aboie) me plaisent
particulièrement. Pour les atmosphères, tout une gamme d'adjectifs subjectifs
qui ne correspondent guère à la musique que j'entends et bien sûr au moindre
crépuscule, le cri de la chouette ou du hibou, un son qui colle à l'image et me fait le guetter à chaque fois
Faire
parler les images, faire aussi parler les images silencieuses, comme dans un sténopé
de Diane Lentin interviewant des femmes sur le silence qui les contraint
"la
vérité dépend de la façon dont on la raconte"
"j'ai
eu des images belles et terribles de la parole, des images que je n'ai jamais
réussi à piéger sur le papier"
(les phrases entre guillemets et en italique sont tirées du livre de Carlos Liscano)