mardi 18 novembre 2025

VIII  -  VOIR  -  CHERCHER où TROUVER.     (VIII  BIS )


   La grille rouillée roule ses yeux ardents sous leurs semelles meurtries. La longue marche a épuisé leur légèreté et leurs pas sont les larmes des coups reçus enfouis sous leurs cicatrices à corps ouvert. Le silence emmure les lèvres vrillées par la souffrance et le temps accélère la douleur des non-dits. Plus rien n'affleure à la surface des sentiments. Même la haine a suivi l'envol des oiseaux . Elle s'est muée en une traversée diagonale de la frayeur pour échapper à la résurgence du mal. 

    VII  -   CHERCHER   -  VOIR où TROUVER.     (VII   BIS )

   Le goéland sur son nuage
gardien du sable
gardien de l'eau
son oeil glauque et perçant
reflète les incertitudes 
du monde.
Petit Pouvoir
au-delà des luttes intestines
Sa solitude vulnérable
n'en fera qu'une bouchée
sous les incisives grotesques 
de l'Univers
ensorcelé
combat des chefs
yeux révulsés
par l'appât du vide
du rien qui servent tout
Il s'accroche à la certitude du ciel
à sa noirceur qui n'existe 
que par l'aiguille de Lumière
qui traverse les nuages
 de la nuit
L'Aiguille-Espoir.


 

 

 VI  - VOIR  - CHERCHER où TROUVER.   (VI  BIS)


    L'horizontal
entre le ciel et l'eau
Figure géométrique
Figure équilibriste
mais maintenir
se maintenir
sous les ciels laiteux
Ne pas poser bagage
Fendre les vagues
Guider sa barque
sur les strates de l'eau
Elire la nuit épistolaire
pour réécrire sa vie
Pouvoir encore rêver
et voguer, voguer
sans vague à l'âme 
à l'abri des maisons endormies
Enfin pouvoir aimer
à portes grandes ouvertes.



 

 

 

V - VOIR - CHERCHER où TROUVER.  (V  BIS)

(pour les photos, voir Version 1)

   Vouloir s'évader des eaux troubles confondant les rochers, les poissons, les ombres des grands fonds et tous leurs démons de l'oubli relève de la magie du corps à vouloir vivre à tout prix, surgir, émerger, prendre les vagues dans ses bras et se traîner sur le rivage. Le sable offre sa couche profonde, tendresse, caresses assurées. Un bras se lève et la main pointée vers le ciel la falaise s'entrouvre, laisse passer une silhouette étonnée, remplie d'une rage joyeuse. Les pieds nus flottent au-milieu des grains blonds-cendrés, entonnent une valse silencieuse d'abord étourdissante ensuite de la tête et du coeur. Dès lors, elle ouvre les portes des rocs engrillagés et le chemin dans la campagne hospitalière sinue sous la lumière d'un matin prêt à offrir le gîte à un corps révélé. Fermer les yeux, respirer, savoir que l'on peut exister.

lundi 10 novembre 2025

L'oeil et la source/ 9bis/ Insaisissable

 


 

 Quand l’insaisissable d’une pensée cherche un chemin, une échappée pour pouvoir s’énoncer. Alors pour commencer, il s’agit de créer une ouverture pour sérier le propos. Mais commencer n’est pas le mot qu’il convient, car cela vient de plus loin que devant cette image d’une ouverture sur un paysage ou sur quelque chose que l’on devine ou que l’on aurait envie de voir. Des bruissements de pensées existent dans l’amont qui se révèlent sans doute face à ce qui est regardé. Bien avant que des mots s’écrivent il y a eu un mouvement intérieur qui, confronté à la force de l’image, se coagule dans un fragment qui, parfois s’apparente à un vertige. Ici c’est le cadrage qui importe, avec cette succession de parois qui cernent l’ouvert, qui ceignent la mise en place d’une pensée dont on peine à la mettre en mots. Ce qui va naître alors était déjà dans les limbes mais ne se savait pas être en état d’être pensé et encore moins dit ou écrit. S’ensuit un mouvement ascendant de mots qui s’articulent et tentent de s’élever dans un équilibre qui n’appartient qu’à eux. Ils se portent les uns les autres, font un exercice d’haltérophilie en tentant de se soupeser les uns les autres pour que tout tienne debout et que la phrase se déploie avec justesse, prenne confiance en elle-même et poursuive son ascension, guidée par la lumière d’un sens qui se révèle au fur et à mesure, et dans l’intention de vouloir aller toujours plus haut, plus loin, presque à notre insu. Et les mots qui s’ajoutent, se greffent les uns avec les autres, intensifient leur emprise en laissant une empreinte dont on n’avait certes pas la conscience avant de se lancer dans cette aventure, ces mots qui s’écrivent, presque sans nous, ne sont là que pour nous faire toucher du doigt ce qui en nous est déjà présent mais dont on n’avait pas encore atteint la lumière qui les irisait. Dans une osmose bleutée, on s’échine à faire naître, à donner une existence, même éphémère et même confidentielle, à ces paroles qui jaillissent d’une intimité dont on ne savait pas posséder les clés pour les libérer, bien calfeutrées entre le visible et l’invisible. Quelque chose était là, qui se faufile, apparaît, disparaît, se murmure, se laisse presque caresser, toucher, épiphanie de l’être en constante mutation, sans cesse à onduler entre ombre et lumière, entre caché et révélé.



jeudi 6 novembre 2025

L'œil et la source/ 8 bis/ Intériorité

 

 

Devenir ce que nous avons à être. Mais par quel chemin y parvenir ? Et de combien de chemins avons-nous la disposition ? Hésiter, divaguer, progresser vers l’être qu’il semble que l’on doit être, ou pourrait devenir. Sans perdre le fil qui relie nos vies qui ne sont qu’un étrange serpent marin, louvoyant entre les écueils . Souvent désorientés, nous flottons, la tête tournée vers un ciel, dont on attendrait beaucoup plus qu’il ne peut nous donner. Mais c’est en soi que la réponse, si tant est qu’il y en ait une, ne peut se manifester que dans une extrême intériorité, et non plus comme dans les grands récits bibliques dans une surpuissance de manifestations qui font résonner terre et ciel, où le Créateur lui-même intervient. On ne peut pas recevoir du dehors ce que l’on a à vivre. Déporter alors son regard vers du plus infime, vers ce qui peut insuffler la mise en route du pas sur ce chemin intérieur, sans lequel nous n’arriverons à rien. Il est un peu obscur, peut-être en noir et blanc, car pas encore irisé des bleus de l’espérance. Il faut se laisser amorcer, que la peau accepte d’être piquetée des multiples sensations.  Ce qui nous a articulés avant a son poids, un poids déterminant sur ce qui sera après. L’arbre vers un devenir cherche sans fin la lumière dont il a la nécessité pour poursuivre son existence. Ses branches se tendent, luttant contre l’ombre qui s’insinue et gagne peu à peu. Et l’appel que l’on a cru ressentir d’une lumière plus grande, d’une vie plus ample, l’a-t-on vraiment entendu, ou se l’est-on fabriqué, pièce à pièce, pour se regarder en face aux petits matins d’une vie qui avance à pas comptés en direction de son estuaire. On le sait que l’advenue d’un bleu pénétrant, recouvrant ciel et terre, irisant jusqu’à nos ombres qui s’étaleraient paisibles sur le rivage, où nous accosterions emplis de cette sérénité vers laquelle on a couru tout au long de la vie, nous avancerions droits, sûrs de ce qui a été vécu, oui ce bleu pénétrant nous ravirait, où l’on serait dans une sorte de corps à corps avec lui. Mais où trouver le passeur pour nous guider, où trouver la silhouette salvatrice d’un Virgile se tenant là, à l’entrée de la forêt obscure où nous sommes déjà sur son seuil. Alors l’écriture pour aller chercher dans les quelques recoins de nous-mêmes et vouloir donner sens

mercredi 5 novembre 2025

11/V1 et V2 Tenter de s'annuler soi-même et ne pas y parvenir

           

Version1

Bien sûr je connaissais la pipe qui n'en était pas une, la pomme que personne ne pouvait croquer même pas Ève en rêve

Lors d'une exposition à paris, ça avait été une révélation : les titres des œuvres de Magritte font la moitié du travail ils interprètent au-delà de l'image, révèlent le mystère. Mon tableau préféré c'était Le Thérapeute. La silhouette d'un homme vêtu d'une cape-voile avec à la place de la tête et du tronc une cage dont la porte est ouverte, avec l'une des colombes déjà dehors, comme quand on fait une photo, le petit oiseau peut sortir. Figer l'instant de la révélation comme la photo de Harold (voir texte 3)

La parole plus que l'idée veut surgir, l'image révèle.

L'autre colombe est encore dans la cage, l'autre parole, hésite encore. Peut-être qu'elle n'est pas prête à se libérer.

Dans le film le Peuple Migrateur, vu récemment au cinéma, la liberté conquise fait hésiter aussi le bel ara, qui avec sa patte, a tourné la tourniquette et ouvert la porte de sa cage, où avec d'autres animaux, ils sont prisonniers, entassés dans une pirogue. Au moment de retourner dans sa forêt, il n'en croit pas ses yeux, il hésite un court instant puis s'envole.

Je suis dans le bleus de ces images, comme les oiseaux, à quelques milliers de mille ou de pieds ou d'ailes, nous survolons les Alpes, dans ce gros volatile vrombissant. OIseaux migrateurs, nous allons voir la Baltique, goûter la lumière de la Neva. Il y a 18 ans exactement. à Saint-Petersbourg, à cette époque de l'année, ce sont les NUITS BLANCHES.

Pendant 13 ans dans sa cellule obscure, Carlos Liscano écrit dans sa tête, les nuits blanches et les jours noirs, rien ne s'oppose à la nuit, rien ne la distingue du jour non plus. Il écrit l'histoire du corbeau blanc, une histoire qui a pour point de départ une nouvelle de Tolstoï. Un corbeau noir se peint en blanc pour ressembler à un pigeon, qui est une espèce selon lui qui a plus de facilité pour se nourrir, qui est mieux accueillie.

« Nous sommes comme dans une cave et il n’y a même pas de soupirail » (Magritte)

Sa tête est un nuage qui s'agrège de mots et les fait plus tard retomber en pluie

Le nuage traverse la porte de la prison

Le nuage se cogne aux montagnes

Le nuage traverse la mer.

Le corbeau blanc revenu chez les corbeaux noirs n'y a plus sa place.

"On ne percevait plus que la rumeur de la fuite"

Les corbeaux, comme les nuages aiment cette vie errante et parfois, pour se reposer inventent des histoires ou se transforment en buée.

( 4 juin 2025)

Version 2 *********************************

V2

Si j'étais corbeau blanc parmi les corbeaux noirs ? parfois je pense à ça ?

Dans un pays où ma couleur de peau ne serait pas majoritaire ?

Si je devenais aveugle, parfois je pense à ça : ET si je devenais aveugle ?

Ou bien si par quelque circonstance exténuante, j'étais enfermée moi aussi dans un cachot ? Si je devais ne compter que sur mon for intérieur ?

Si je devenais pure pensée, nuage au-dessus des Alpes dans le jour polaire

où la lumière  

aveugle et fait sentir des grains de sable dans les yeux.

Si ma mémoire se dissolvait dans la sénilité ?

je regarderais à l'intérieur de moi, je deviendrais quelqu'un d'autre aussi

 

Est-ce que penser les images serait comme rêver et se souvenir de son rêve à peine éveillée ?

Est-ce que dans ma mémoire fragmentée,

penser les images serait comme construire des histoires 

avec les quelques mots qui me resteraient ?

 "j'ai eu des images belles et terribles de la parole, des images que je n'ai jamais réussi à piéger sur le papier"

 Tourner les pages de mes albums photos, classées suivant différents critères : famille, amis, vacances, heures de gloire, la joliesse de mes 30 ans, la certitude de mes 40 ans, les moues de mon enfance... quand j'étais corbeau blanc parmi les pigeons noirs.

De tous ces souvenirs quelles images voudraient bien traverser les membranes de mes méninges si souvent endolories ?

Les images seraient-elle sages ? silencieuses ? quelles histoires raconteraient-elles ? des fictions ? des inventions ? ré écrirais-je l'histoire à mon avantage ?

 "la vérité dépend de la façon dont on la raconte"

 Et au moment d'atterrir, comme dans ce rêve que je fais souvent ? quel paysage quelle image choisirais-je de laisser de moi ?

Comme le nuage de Magritte, ma pensée d'image traverserait-elle la porte, ou comme celui de Tchernobyl s'arrêterait-il à la frontière de mon inconscient ?

 Tout à l'heure à la pharmacie je demande un produit dont j'ai oublié le nom commercial et que je décris comme étant conditionné dans une boîte bleue et blanche ;  quand je retrouve enfin son nom et qu'on me soumet la chose, la boîte est orange et blanche ; et l'a toujours été.

Comment faire confiance aux images dans ma tête ? je pense que l'image est bleue parce que le produit vient de la mer et que la mer est bleue, et s'il venait du ciel ?

 Parfois j'aime regarder les films (qui ne marchent pas sur la plage) avec les sous-titres pour sourds et malentendants ; les sous-titres de couleur rose qui décrivent les bruits (porte qui grince, chien qui aboie) me plaisent particulièrement. Pour les atmosphères, tout une gamme d'adjectifs subjectifs qui ne correspondent guère à la musique que j'entends et bien sûr au moindre crépuscule, le cri de la chouette ou du hibou, un son qui colle à l'image et me fait le guetter à chaque fois

Faire parler les images, faire aussi parler les images silencieuses, comme dans un sténopé de Diane Lentin interviewant des femmes sur le silence qui les contraint

"la vérité dépend de la façon dont on la raconte"

"j'ai eu des images belles et terribles de la parole, des images que je n'ai jamais réussi à piéger sur le papier"

 (les phrases entre guillemets et en italique sont tirées du livre de Carlos Liscano)


dimanche 26 octobre 2025

L'oeil et la source/ 7 bis/ Inconscience

 

 Essayons voir, ou essayons dire, par les images ou par les mots, ce qui au fond de nous ne cesse de trembler, de s’agiter de nous donner envie de nous lever chaque matin. Déchiffrer en soi comme sur ce tronc d’arbre abattu la trace de ce qui fait ce que nous sommes, et qui est souvent bien calfeutré sous les épaisseurs de nos peaux amassées, tassées, cuirassées depuis le début de notre temps. Cela pourrait aussi se nommer puissance de survie dont nous cherchons, tout au long de nos jours, à nous revêtir, ou à nous y lover. De l’image donnée et du dire qui en émerge, une forme de confiance nous pousse à nous assumer, à ressentir ce dont nous pourrions être capables si nous le désirions vraiment. S’inventer un lieu d’espérance, malgré. Le souvenir d’une image, comme celle du pommier aux pommes rouges d’Aharon Appelfeld, alors qu’il était un enfant affamé, dont il narra l’histoire plus de soixante-cinq ans après cette rencontre, donne l’espoir à trouver en nous ce qui nous hante, nous habite et nous porte, parfois sans que l’on en ait conscience. L’écrivain recueille cette image, d’où fut la possibilité de sa survie, dans une sorte de mémoire corporelle qui jaillit d’un en dessous de soi, s’élevant des profondeurs d’un brouillard. Des bribes de vie, comme ces fleurs de givre s’apposent sur la fenêtre, effleurant les lacunes de ce qui fut, avant de se dissoudre dans l’oubli. Élaborer, reconstruire les réminiscences qui remontent à la surface de l’esprit, par le miroir de l’image. Des lambeaux de ce qui reste, de ce qui émane, de ce qui veut bien se donner à voir, en étaler le tissu, étirer le linceul, même ajouré, et mettre à plat sur la table ce qui va pouvoir peut-être s’élever. Être dans le devenir depuis l’allusion que l’image vient de révéler. De ce lieu malgré soi, qui est le nôtre, dont on ne peut se déprendre, ce linceul aux lacunes, il nous importe de tracer, d’étirer les verticales qui vont permettre de s’élever encore un peu, et tenter d’atteindre les hauteurs qui nous attendent, que l’on espère, et vers lesquelles peut-être on ne pensait plus avoir la nécessité d’aller. Devenir encore et encore, tel serait le chemin à emprunter alors que l’on se croyait sans doute déjà arrivé au bout. Il y aurait toujours de nouveaux seuils devant lesquels se demander s’ils sont à franchir, de nouveaux chemins qui se dessinent pour aller plus loin. Fixer l’image qui, verticale au-dessus de mon bureau, n’en finit pas d’essayer dire.

jeudi 23 octobre 2025

L'oeil et la source /6 bis/ Infiltration

 

 

L’ailleurs se dissimule aussi dans les bas-fonds de soi. Il faut s’infiltrer, creuser, se laisser guider par les rayons de lumière qui suintent d’entre les ombres, avancer à tâtons dans l’obscurité des galeries à emprunter. Croire ou espérer qu’il y a toujours un fil auquel s’accrocher qui traverse ces zones embrumées et confuses où malgré tout le pas se dirige. On est tous, un jour ou l’autre, cet homme prostré sur une chaise, à laisser décanter en lui le trop plein d’événements, d’informations, de souvenirs bons ou moins bons qui le hantent et l’empêchent d’avancer. Il ne reste qu’un vêtement de silence à endosser et suivre, trouver, chercher à voir, à dire ce qui, dans l’intériorité de chacun peut arriver à être suscité, effleuré, espéré. Ce fil de soi à retrouver et à ne pas lâcher. Ce que l’on n’a jamais vraiment pris la peine de regarder, ou que l’on a trop vite recouvert des hardes de la bienséance, ou que l’on a délibérément enfoui au plus loin de son épiderme. C’est là dans un lieu reculé, solitaire et silencieux, sur une chaise de simplicité, bancale peut-être, que l’homme se fait face et peut, dans sa singularité première, tenter de dénouer obsessions, vertiges, questionnements, incertitudes, tout ce qui l’empêche d’être, ou qui l’a conduit sur des chemins dont il veut se déprendre. Et si son visage disparaît c’est qu’il est sur le sentier d’une métamorphose, celle qui se doit de s’accomplir si l’on a le nom d’homme. La lumière filtre, s’insinue, met au jour ce qui doit l’être .Le visage ne peut encore être éclairé, il n’a pas achevé sa mue, il ne peut être déchiffré. Nous sommes sans visage. Nous ne savons pas qui nous sommes tant que nous nous n’avons pas acquis cette conscience d’être sur un chemin de mutation. Dans le vécu de tout homme la ligne droite n’existe pas, tout est méandres et arabesques, adieux et abandons, rencontres et retrouvailles, décompositions et recompositions. En un mot, création. Prophète de soi-même, c’est à cela que l’on est appelé. Tout se passe constamment entre moments d’ombres et poussées de lumières, vagues de voiles qui cachent puis délivrent les veines de ce qui qui grandit en soi. Approcher à petits pas du mystère que l’on est à soi-même, poursuivre notre propre création et recréation de qui on est, un travail à mener, à peaufiner tout au long de ses jours. Se sentir alors vivant et non vécu.

S'y noyer même, mais ne pas se dissoudre V2 pour les images voir la V1

 V2 du 9

Lobo Antunes azulejos

bain de cotons bleus

pilotis Venise Solange

 

Le bleu indispensable

Transpercé par les lances de l'enfance

dont il faut à jamais soigner les bleus

charrier des déchets de souvenirs

dans les circulations de sang

 

Du bleu

Plein les yeux

le son cristallin du Qânun

se mêle aux gravillons de sable

la mer, son va et vient

installe le calme

tandis qu'en silhouette le rocher à tête de Befana

défie la rage de vent

ce soir j'intègre les massacres et les bains de sang

dans la paix du moment crépuscule flamboyant

impuissante

je baigne enveloppée dans la foule attentive

comme dans du coton

les regards convergent vers le blanc de la robe et le bleu de la mer

inoubliable

je prends ce qui m'est offert

mon dos calé contre une pierre

plus debout qu'assise

prête à jaillir

prêt à avaler la musique

le feu du ciel conquistador de bleus

la langueur des vagues léchant le sable

plus tard la robe blanche s'avance dans la mer

la femme musicienne se retourne et sourit

étonnée de son acte joyeux, irrépressible,

elle marche et ne se dissout pas

 

l'instant reprend sa place

dans le puzzle du temps

l'enfance au magasin des nostalgies

sur pilotis

 

le bateau est à quai

il faut rejoindre l'autre rive

dans le brouhaha de diesel et de langues toutes étrangères

disparaître dans les reflets de la lumière du phare qui dansent sur le bleu devenu noir.

 

octobre 2025

Des images à y regarder à deux fois

V2 du 10 (pour les images voir la V1)

(Des images à y regarder à deux fois)

 

Nicolas Bouvier

arbre espalier

Bibliothèque de bouffe amazon

 

Comment choisir sa route parmi tous ces méandres ?

Tous ces chemins qui ne mènent qu'à Rome

surtout si on ne veut pas y aller

Tous ces fleuves qui mènent à la mer

quand on préfère la montagne

Toutes ces données codées dans les entrepôts amazoniques

dans la boue dans la fange de la jungle googlelienne

dont un oeil émerge parfois au-dessus de la vase

un troisième oeil ? un big brother ?

Une voix sourd d'entre les pages

du manuel de survie

mais le monde est muet

liquéfié dans sa glaise

les récits de voyage immobiles ou lointains

l'oeil se perd, se méprend, voit double

dans la mangrove où se tissent

les racines aériennes qui remontent à la source

les branches arrivent au tronc plutôt que le contraire

Et dans des bibliothèques calibrées

chaque produit mort dans son étagère

de la nourriture en briques

on nous prend pour des poires dans nos espaliers

codebarrés indicés qrcodés

et jamais ne pouvoir cocher la bonne case

 

Comment se repérer parmi tous ces mensonges

l'oeil crie, le nez sature de pourriture glacée

"suis devenu bizarrement allergique aux choses qui se décomposent trop vite"

Comme (un) Bouvier traçant son sillon parmi des routes affreuses

On n'est plus sûr que le dehors guérit

"On se sent inférieur au voyage"

 

on est parfois las d'aller voir là-bas si on y est

 

 

"Chaque jour

Je reçois de moi-même

Ce que l'usage est d'appeler de mauvaises nouvelles...

Chaque aube

Dans la forêt que j'avais plantée

Je m'égare...

Chaque matin

Je me porte en terre

Mais je suis le seul à marcher derrière moi" (Nicolas Bouvier)

mercredi 9 juillet 2025

L'œil et la source/ 12



 

 


 

les images de la pensée comme une écriture cartographiée



avec ses frontières, ses limites et ses lisières

ne pas lâcher la corde des mots

corde en hébreu se dit tikva

qui a aussi le sens d’espérance

le fil de chanvre de l’espérance

à serrer fort jusqu’à la fin





c’est le fil qui nous relie à nous-même

autour duquel on s’entortille

qui cerne notre visage et notre silhouette

en une errance de lignes frêles

en une chorégraphie de ricochets

en une narration de nos évasions

 



sur le fil des jours qui fuient on accroche nos mues

ces morceaux d’ordinaire de nos ciels

qui ont obstrué l’horizon

morphoses ou anamorphoses

qui nous ont déformés et nous laissent comme des copeaux de bois rabotés sur le bord du chemin





depuis toujours on se confronte à l’incertitude

d’avoir été, d’être, de devenir

par l’écriture des images de la pensée

on s’évade de ce qui nous a tenu lieu de réel

entre déchets et reliques

on frôle ses lisières

on lutte contre l’effacement





à chacun d’imaginer

son bassin de nymphéas pour se procurer

l’illusion d’un tout sans fin

où le corps s’accorderait à la parole

où les mots dits traduiraient

ce qui est en train d’advenir

cette métamorphose de l’être



qui est en chemin pour devenir soi


lundi 30 juin 2025

L'oeil et la source /5 bis/ Ineffacé

 



Le regard, porté par le désir d’un ailleurs, s’amarre loin sur la ligne d’horizon dont on sait depuis longtemps qu’elle reste inatteignable, mais on ne se résout pas, malgré tout, à la quitter des yeux. C’est un songe qui flotte alors, entre passé, présent et avenir dont on n’a pas les clés. En soi l’ineffacé. Au loin ce qu’il reste à découvrir de soi. Cette étendue profane, au silence épais en surface, mais où, par en dessous des rumeurs étranges dont on ne peut palper la teneur, grondent et s’amplifient. Ces sons, car on ne peut réellement parler de voix, s’épanchent, se diffusent, s’éparpillent sous l’eau, sans que l’on ne puisse les recueillir afin qu’ils nous révèlent ce quelque chose qui nous attend. Mais on se tient prêt à accueillir une prémonition, à se confronter à ce qui pourrait devenir vision. Au fond de soi des signes et des traces se condensent en superpositions de plis telles des pages saturées de messages, de dessins , de pensées serrées au sein d’un livre, que l’on pourrait déplier pour délivrer ce qui fut une vie :des archives que l’on ne consulte qu’avec distance, avec même parfois une certaine appréhension, car il y a toujours le risque de remuer ces souvenirs de l’intime et peut-être même des secrets bien enfouis, comme un chant muet ; et est-ce vraiment bon de les propulser à une lumière vive. Certains jours pourtant, on ressent cette nécessité d’outrepasser le danger et de rallumer le brasier de la mémoire, et l’on s’enfouit dans ce qui resurgit, progressant par ricochets ou à saute-moutons des rives d’un passé à un autre, qui donne tout son sens à ce que l’on est devenu. Et l’on ne peut s’empêcher d’observer, en éprouvant sans doute un sentiment de pitié ou de désarroi selon les moments, face à la vaste étendue du ciel, que notre vie est si minuscule et que ce que l’on a accompli a si peu d’intérêt, qu’il serait préférable de disparaître rapidement de la surface de la terre. Mais on tente malgré tout de sauver quelque chose, on se sent comme une mouche en train de se noyer dans une goutte d’eau, on s’agite en tous sens, on bat des ailes, et dans un éclair de lucidité ou d’amour-propre, on se tient face à quelque chose de soi que l’on trouve émouvant. C’est infime, mais cet infime, lui, brillant d’un étrange éclat, nous regarde et nous redonne des yeux, en un souffle venu de nos errances. Et nous voilà en chemin encore.

 

Pour la version 1 à partir des trois images liées à Marguerite Duras, voir ici 

mardi 24 juin 2025

 CHERCHER  -  VOIR  où  TROUVER.  /12/

 



Derrière les spirales closes entre les cercles de métal la matière du temps s'enfuit ignore la réalité du présent. La géométrie du carré s'est effacée dans la topographie du rond. Illusion de douceur. L'enfermement est le même et les années se meurent à rechercher l'issue du labyrinthe. Froideur de la matière sous sa couleur de plomb. 
Ainsi les veines du parquet mimétisme des raboteurs veines saillantes sous le poids de l'outil. Leur prison est la même à genoux. Dur labeur encerclé de par les lignes droites. Temps imparti pour la perfection d'un rendu les yeux chargés des copeaux de fatigue. 
Soulever les paupières ou du moins essayer apercevoir le ciel. La verticalité des murs les fenêtres étroites empêchent la lumière mais l'Esprit la devine. Et par-delà les cheminées par-delà les nuages abscons une étoile l'étoile de la Liberté. Où se cache la Vérité?

CHERCHER  -  VOIR  où  TROUVER.  /11/


 

 

 

 


 

 

 

 

 

La vie la mort créées
entre deux temps
entre des murs suintant 
la douleur d'exister
larmes-grêlons piétinées 
à pas lents 
sur la glaise mouvante
s'en aller
greffons multipliés à l'empathie
d'un mur
candélabre implorant 
aux bras fendus de joie
"Entre vidas" pour légende
"Entre muerte" en direction
repos du corps
abandon
souplesse de la main-nonchalance
 sur papier déchiré
le monde du visible
derrière les paupières closes


 CHERCHER   -  VOIR   où   TROUVER.  /10/





       Virgules de sang
apostrophes posées sur la berge
en attente d'un peut-être départ
langues de feu
lutte extrême
souffle du chaud et du froid
aux frontières de la mer gelée 
la glace-baldaquin pour les corps immolés
pour les corps pétris
sous le bleu profond 
des lignes de la nuit
en attente d'une île
réversion des couleurs
émergence d'un souffle
dans le vert sombre de la 
pierre dressée
de l'horizontal au vertical
l'effort de vivre et de créer
                                                                                                                                                                                         
 
 
 

lundi 23 juin 2025

 CHERCHER - VOIR où  TROUVER  ( IV- bis)

 Le moucharabieh de la peur
sur fond de mur de pierres
petits carrés-mouchoirs
voilage de l'indifférence
de la liberté emmurée
mot pernicieux déchiré refoulé
mot enterré dans la profondeur d'un
couloir
aux cris lugubres de l'oubli
des idéaux meurtris sous les pieds
lacérés des pertes ajoutées
froid tremblement lumière sourde
aux cris mouroirs
aux cris miroirs
d'un échappement impossible
seul le labyrinthe des jours 
vide de l'enfermement
du retour impossible
tourner tourner tourner
ne pas sombrer 
être le derviche de son ombre
d'une autre vie imaginée

 

vendredi 13 juin 2025

l'œil et la source /11

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



 

dans l’entre-deux des lèvres se décline la langue



la parole parabole résonne entre deux rives

le mot hébreu safa a le triple sens

de lèvre de langue et de rive

alors voguent les mots

d’une lèvre à l’autre

d’une rive vers l’autre

d’une langue à l’autre





entre les montagnes une vallée à traverser

dans la co-errance d’un crabe

d’une image en métaphore et en naissance d’images

on chemine pour traduire une lance à la main

on trébuche parfois

on lutte avec le contre-sens

sous un regard protecteur 

 



traduire vient du latin traducere

trans :à travers, ducere : conduire, mener

cela veut donc dire faire passer, faire traverser

d’une langue à une autre porter vers un au-delà du vouloir dire

ne pas cesser de vivifier

la résonance d’un dire





rendre compte du chaos du discours

extraire les pépites du dessous des mots, leurs ailes de lumière

qui parsèment les pages du livre

mais aussi les aléas de la perte au gré du passage

lors de la fuite de mots

et traduire c’est aussi trahir on le sait





comme sur le tronc de l’arbre les écorces s’ajustent se grisent ou se colorent

la traduction effectue une traversée, tangue du point de départ à l’arrivée

s’essaie à un tableau impressionniste entre rythme, sens, transmission et réincarnation, à une polyphonie sur la peau de la page

comme sur les tableaux il faut combler les lacunes et recoller les écailles qui se sont mises à jour



les doigts bien serrés sur la corde des mots assister à une métamorphose

 


vendredi 6 juin 2025

L'œil et la source / 4bis/ Insaisissable


 

Sur la pierre de granite, la tache de lichen saxicole est immobile depuis des millénaires. D’autres sont là, plus loin, et recouvrent le rocher de plaques grisâtres, denses de ces petites particules qui constituent le lichen. Cet être vivant, souvent caractérisé de lépreux ou pustuleux, d’eczéma de l’arbre ou de la pierre, n’est pour moi, comme les taches et les nuages, rien d’autre qu’un projecteur de songes. Le lichen fait image. Il me propose ses hiéroglyphes à décrypter. Ma vie ressemblerait-elle à un jour de lichen* où je tenterais de déchiffrer ce que va être la matière du temps, ou à réfléchir sur ce qui fait s’irradier l’imaginaire, ce qui donne image à voir et à méditer. La broderie des lichens inciterait à voir outre le visible. De cette tapisserie sur pierre aux gravures sur roches dans les grottes préhistoriques, il n’y a qu’un fil à saisir et à se laisser happer par les dessins qu’il reste à interpréter, à replacer dans le contexte de l’histoire, ou à admirer tout simplement. Sur la peau des pierres, tout un monde pour laisser libre cours aux songes et aux transfigurations que l’on peut imaginer, créer, recréer. Les images, les photographies sont des porteuses d’histoires, révélatrices d’un en-dedans que la trajectoire de l’œil a pu détacher et provoquer ainsi une rencontre, une pensée. Cette scène du puits de Lascaux, une source pour apprendre à lire, relire, relier les temps, et prolonger les sources à l’infini. Quelque chose surgit, qui vient dialoguer avec un présent, au-delà de la disparition d’un monde. D’autres temps, d’autres réalités, mais des impressions, des imaginaires qui se côtoient, se croisent, des dérives qui s’épousent. Pourquoi faire image, si ce n’est pour aller vers l’au-delà d’un réel, faire émerger des questions, déplacer le regard, pousser la pensée sur des territoires inconnus, faire du geste de photographier un phrasé d’imaginaire. S’immiscer dans ce chaos d’images perdues, ou de souvenirs qui s’emmêlent, images diffractées d’une réalité dont on n’a plus de certitude. On tentera de reconstruire ce qui a été déconstruit par les années, de se reconstituer un paysage mental, désaliéné de ses entraves. Autour de chaque image, particulièrement lorsqu’on est auteur et acteur de la photographie, il y a une sphère émotionnelle où poser sa peau, frotter son épiderme aux visions cachées, à ses archives intérieures qui surgissent, se révèlent dans une vitalité insoupçonnée. Saisir un élan dans ce tremblement qui palpite, une ouverture vers le fragile, l’insaisissable, vers cette étincelle qui a permis au regard de s’accrocher, l’espace d’un instant.

 

 On peut retrouver la version 1 ici