lundi 30 novembre 2009

crépuscule (1)

Les champs du crépuscule veinés de blancs.
Puis ce sont des maisons, blanches aussi, surprenantes à cette latitude, tolédanes en plein Chalonnais. A droite le ciel se distingue, jouant le jour contre la nuit tandis que le dernier rose s'abandonne à l'horizon. Je vis, parfois, pour rien. Du temps donné à l'ennui, toi tu dis à la mort. Oui. Rien ne se pose, beaucoup se consume dans l'instant. Des moments épais, lourds, on serait mieux seul, à faire ou à ne rien faire. On cherche le déclic, alors qu'il est là tout le temps, alors qu'on pourrait chercher autre chose, consacrer sa vie à une grande cause.
Mais là, il est question de traverser des espaces au crépuscule, et à grande vitesse. Car pour cela le train est parfait. Je n'ai jamais aimé stagner au crépuscule. Je me souviens de ma chambre fushia, à Londres, je levais le nez de ma table, vers la fenêtre à guillotine, et si je m'étais laissée surprendre par le noir, j'étais transie dans la gueule du loup.
Je trouve mon reflet très laid dans la fenêtre, alors je détourne la tête, de peur de l'être vraiment.
L'étiquetage des bagages est obligatoire, bien sûr on peut mettre de vraies étiquettes avec de faux noms et de fausses adresses sur des vraies valises pleines de bombes.
Nous arrivons à Châlon, le coucher de soleil brûle de ses derniers rouges. Et moi ? Où arriverai-je ? Ma maison est à l'intérieur de moi.

samedi 28 novembre 2009

La nuit du père

Cet été, j'ai écrit un texte d'une soixantaine de pages sur un petit Paul (3ans) : il s'est égaré seul durant 2 jours et une nuit. Voici un extrait : son père, la nuit.

...« Le père,s'éloignant du gîte se dirige dans le chemin
à découvert et lève la tête vers le ciel. Lui, plutôt enclin à tourner en dérision toute superstition, se surprend à chercher des réponses à ses peurs dans le ciel étoilé. Il se convainc que Véga, là si lumineuse au-dessus de lui, veille sur Paul. Paul, ne peut pas -ne pas la voir- et se consoler auprès de sa brillance. Hier soir, tous les deux, Paul juché sur ses épaules, étaient allés observer le ciel, ici si noir et tellement criblé d'étoiles, alors qu'à Paris le ciel semblait vide. Il lui avait montré Véga, fichée au-dessus de leurs têtes, « au centre du ciel ».Le triangle de l'été qu'elle formait avec Deneb et Altaïr, dans son équilibre parfait, lui semblait être le garant qu'aucun malheur aussi grand que perdre un fils, n'était possible dans un monde aussi parfait.Le ciel étoilé ne l'apaisait pas, il y cherchait des signes, et chaque étoile lui apportait l'exacte réponse à sa peur.Une de ses constellations préférées était celle du Dauphin, fine, aux scintillations tremblantes, à l'est d'Altaïr. Ce soir, toutes étaient visibles : Cassiopée, le Dragon, Hercule, la Couronne Boréale et son diadème l'étoile Margarita, si brillante,le Scorpion d'un côté de l'immense Serpent et le Sagittaire de l'autre.Au Nord-Est se levait lentement Jupiter et l'on commençait à apercevoir sur le haut de la montagne tout à l'est le lever des premières étoiles de Pégase et la galaxie d'Andromède. A chaque constellation il posait une question et selon la brillance, le clignotement de ses étoiles, il savait la réponse. Il obéïssait totalement aux étoiles, tout son destin en dépendait.
Maintenant que ses yeux s'étaient habitués à l'obscurité, il pouvait voir des pluies d'étoiles filantes partant des Perséïdes traverser le ciel du Sud au Nord.Le ciel crépitait. Des souvenirs d'adolescence remontaient : quand, pour la première fois lors de vacances d'été, les copains et lui s'étaient rendus dans ce pré hors du village en compagnie du pasteur passionné d'astronomie. Ses mots et les histoires qu'il leur avait contées pour leur insuffler sa passion pour ce ciel d'été percé d'étoiles et si énigmatique pour qui n'a aucun repère. Ce pasteur était intarissable et communiquait son savoir et sa passion avec sagesse, sans superstition ni didactisme.
Ce grand bol d'air frais et de brasillement d'étoiles l'avait un peu calmé. »...

crépuscule



le silence d'un souffle
soudain
quand le jour se dérobe

les barques d'ombres
accostent
plurielles et singulières

et la crue de la nuit
ruisselle
en rêveries de craie

l'immensité sombre
s'insinue
comme une haleine

et c'est un ciel de suie
sur le sol
qui suinte

des buissons de silence
glissent
dans le cercle de nuit

un goût de crépuscule
salive
sur mes lèvres

jeudi 26 novembre 2009

Nous marchions


Nous marchions dans la forêt, là-haut, dans la parenthèse, accrochant plus fort nos mains à chaque craquement de brindille.
Nous marchions sur la route longeant l'Urubamba et le joueur de flûte n'avait pas de bonnet péruvien mais des dreadlocks avant la mode
Nous marchions dans la campagne encore endormie fiévreux d'une nuit blanche et tout était blanc, même nous, qui en une nuit avions vieilli de mille ans d'un coup.
A chaque fois je - nous marchions vers notre destin quotidien.
Quelques lumières de civilisation nous raccrochaient au monde dont nous nous étions extraits, mais si loin, nous liant par un fil incassable à ce décor qu'il nous faudrait réintégrer le jour venu, remettre nos masques diurnes témoignant alors du chemin nuitamment parcouru. Indélébiles traces de ce chemin voulu, sous les étoiles, à mille miles de toute raison raisonnable. Seul importait ce temps de la nuit, la présence furtive des bêtes qui continuaient leur vie sans trop se préoccuper de nous, mais si quand même, et la nature bruissante, à l'affût, qui ne nous traitait en intrus que dans la mesure où nous omettions ses codes les transformant alors en embûches. Je me disais alors qu'il est bon de ne pas tout voir, de ne pas tout savoir. Je me disais qu'être attentive à mes pieds, à la musique de la flûte, au dessin des constellations, aux infinis mystères, aux cris des animaux, au chuchotement des brises, tout cela suffisait amplement.
Et les étoiles de briller davantage, à la proportion du nombre de regards tournés vers elles.

de la part de la petite souris (message provisoire)

Bonsoir,

lorsque vous choisissez un libellé, merci de ne pas faire de doublon, ainsi pour le libellé : Atelier D'après.... il faut choisir celui qui a les guillemets fermés. d'accord ?

chemin (2)

chemin, chemine,
cheminer à côté de mon grand-père,
promenage, marcher côte à côte,
ma main dans la sienne ou pas, à petits pas,
nos chemins, de petites routes frangées en vert sur les côtés,
(à vélo aujourd'hui, je les regarde encore ces bas-côtés,
à la recherche des mottes de gazon rebelles qui mordent le goudron,
contente si les herbes reprennent le dessus sur l'asphalte gris, contente)
lorsque nous cheminions mon grand-père et moi,
silencieusement parfois, ou en compagnie des mots,
de mes questions comme : "qu'est-ce qui se passera quand tu sera mort pépé ?",
en cheminant, nous recherchions des branches, de beaux morceaux de bois, à la bonne taille...
ce seront nos bâtons de promenade, chacun le sien, des cannes idéales ;
et le soir venu, nous les cachions dans les hautes herbes qui bordaient notre chemin,
certains de les retrouver le lendemain.

mercredi 25 novembre 2009

lundi 23 novembre 2009

sans voir

nuit,
ville la nuit,
dans les villes de nuit,
marcher,
déambuler,
quand le ciel passe au noir,
parcourir la ville,
courir les rues,
quand tout s’assombrit,
s’assoupit,
se calme ;

une nuit,
jouer aux «yeux bandés» dans la ville,
accrochée à un bras qui me guide,
m’entraîne,
en essayant de me perdre,
et moi,
mettre mes sens aux aguets,
une odeur de foin ?
la rue du poisson ?
des pavés ?
mes pieds remarquent les reliefs du trottoir,
l’inclinaison des rues,
la pente ;
percevoir d’autres sons,
grésillements d’éclairages publiques,
invisibles ;
surtout ne pas me perdre,
garder mes repères,
allumer mon «système de positionnement global»
sens de l’orientation sur chemin urbain,
visualiser mentalement le fil du parcours ;
du noir devant les yeux,
je sens mieux la nuit,
la ville,
ma ville ;

bientôt, on me fait toucher une chose,
et puis,
j’entends la question attendue,
«où sommes-nous ?»

samedi 21 novembre 2009

NOCTURNE

Entre chiens et loups
les arbres gémissent.
Languides
leurs branches se drapent
de tristesse ouatée.
Le vent chuinte.
C'est le moment où pleurent
les morts
les sentinelles de la nuit.
Pourtant
d'on ne sait où
jaillissent des odeurs colorées.
Carnation de crépuscule
sur lit de mousse noctambule
exhalaison fragile et tendre
d'un ruisseau murmurant.
C'est le moment
vaste et charnel
où dans un ciel de bleu
et de violine ourlé
la lune vague tangue
sur les franges de la voie lactée.
Le temps avance.
Un long frisson
tourmente la campagne.
Les chiens se taisent.

Les loups hurlent maintenant.
Leur ombre fantomatique
en errance
au bord de mes nuits monochromes.

Nocturnes

D'après Pierre Gilloire « Nocturnes »
Plein été à la campagne. Le repas pris au jardin s'est étiré et la nuit est maintenant bien installée. Têtes renversées, certains repèrent étoiles et constellations dont ils nous font partager leurs connaissances. D'autres hument, chacun parle bas, le silence s'infiltre, le temps se distend et se dissout dans l'obscurité. Quelqu'un suggère : « Et si nous allions marcher dans cette nuit étoilée ... ». Rapidement, nous sommes tous d'accord, mais ce sera sans lampe, laissant nos yeux s'accoutumer à la pénombre.
Pendant les premières minutes, des discussions à voix basses se poursuivent ; peu à peu le silence s'installe. Nous longeons la rivière, l'odeur verte et fraîche de l'eau nous fait presque frissonner, le courant sur les cailloux nous indique à l'avance que, là-bas, le chemin fait un coude. Des effluves de lavande et romarin annoncent que nous approchons d'une maison ; subitement,à hauteur de narines un parfum de chèvrefeuille vient à notre rencontre bien avant que nous atteignions la haie.
De la terre remontent toutes les odeurs surchauffées pendant le jour, moins suffocantes mais plus nombreuses. Mes yeux n'essaient plus de percer, j'avance guidée par l'odorat, et suis peu à peu capable de détecter les distances auxquelles se trouvent les différentes odeurs, leurs reliefs, leurs intensités, leurs puissances, leurs saveurs, leurs nuances. Toute une gamme prend corps... Là, il y eut un feu, là-bas plus loin, nous allons vers de la mousse et par ce fourré un animal est passé.
Les perspectives ne se dessinent plus en lignes de fuite mais en strates et couches, en nappes et volutes. Parfois, la surprise d'un couïnement furtif me rend à ma perspective habituelle. L'absence de lumière, bien vite, avale à nouveau tous contours et j'avance guidée par des effluves sucrées, chaudes, sèches ou miellées dans un monde dilaté. Mon pied écrase une herbe anisée dont j'ai la certitude que le bouquet a réveillé le flair aiguisé de ce chien qui aboie au loin par intermittence.
Mes narines, totalement dilatées, sont devenues ma principale boussole ; les rares sons -étouffés-, le visible -toujours découvert à la dernière minute-, sont relégués en informations subsidiaires. Je flotte dans un univers sans angles dont j'ai une intime connaissance bien avant d'avoir atteint chaque lieu défini.

Les odeurs débordent des contours comme la couleur d'un mauvais coloriage.
La musique aussi déborde. Le lait déborde. Le fleuve déborde. Ma vie déborde.

Nuit saturée.
Nuit surabondante.

jeudi 19 novembre 2009

Nuit

Le paysage nocturne est un théâtre d'images. Ses couleurs sont ombrées, ses formes incertaines. Ce qu'il donne à voir entrouve les portes de l'imaginaire. Il inspire les voyants et les passeurs. La musique, tout particulièrement, a des affinités avec les arcanes du monde de la nuit".


J'aime voir décliner le jour, s'étirer le crépuscule jusqu'au moment où s'installe, à la brune, non pas la nuit noire, mais la nuit bienveillante qui métamorphose le paysage sans totalement l'effacer. 
Pierre Gilloire


Consigne d'Ange Gabrielle: Vos balades la nuit dans les lumières des villes quand tous dorment ou vos marches en pleine nature vous guidant à votre connaissance du terrain, à votre odorat, aux bruits ou à la lueur de la lune.

dimanche 15 novembre 2009

1 dimanche, rivage

1 dimanche, rivage ; souffle une bise glacée, le lac entre les montagnes, tangue, tout bouge, bruit du ressac, vent dans les branches, gris roulis liquide ; automne ; serais-je au bord de la mer ? gerbes d'eau, froides, flaques sur le ponton de bois panoramique, bâtons plantés en lignes, verticales contre le grève, brise-lames pour petites tempêtes ? assise sur la plage après choix d'un gros cailloux plat, je me laisse prendre par la houle, champ de bosses ; mouvement ; hypnotiser par les surfeurs à voile, ils se jouent des vagues, accrochés aux cerfs-volants géants, des virgules ; couleur ; au moment où je m'éloigne de ma mère, encore un peu, je m'imagine vivre au bord de l'eau, venir voir la mer tous les jours ; l'idée me plaît, m'apaise, et puis, je regarde le sol, le sable mouillé entre mes pieds, il y a des coquillages, minuscules ; surprise.

mercredi 11 novembre 2009

Colline

Quatre maisons fleuries d'orchis jusque sous les tuiles émergent de blés drus et hauts.
C'est entre les collines, là où la chair de la terre se plie en bourrelets gras.
Le sainfoin fleuri saigne dessous les oliviers. Les avettes dansent autour des bouleaux gluants de sève douce.
Le surplus d'une fontaine chante en deux sources. Elles tombent du roc et le vent les éparpille. Elles pantèlent sous l'herbe, puis s'unissent et coulent ensemble sur un lit de jonc.
Le vent bourdonne dans les platanes.
Ce sont les Bastides Blanches.
Un débris de hameau, à mi-chemin entre la plaine où ronfle la vie tumultueuse des batteuses à vapeur et le grand désert lavandier, le pays du vent, à l'ombre froide des monts de Lure.
La terre du vent.

Jean Giono "Colline"

lundi 9 novembre 2009

Ka ï dan

Spectacle vendredi 13 et samedi 14 à 20h30
KaIdan - Billetterie 04 77 80 30 59 - à la Salle Louis Daquin -Centre Culturel de la Ricamarie

vendredi 6 novembre 2009

plage



l'oeil se fait bleu avec
l'ombre qui creuse
les traces serrent ces riens
qui ont été
on s'enfonce 
dans ce qui ne cesse


                   on est déja passé là
                   et c'était autre
                   on revient toujours
                   il y a les mouettes
                   il y a ce qui frémit
                   il y a ces mots qui passent


sur le sable 
on se sent 
un peu flou

mardi 3 novembre 2009

Julien Letrouvé colporteur



Le pré, avec un unique arbre à mi-pente sous lequel l'herbe broutée, foulée par les troupeaux qu 'on y laissait sans garde, formait un cercle jauni autour du tronc, était clos de haies noires, presque sauvages, striées à travers la distance par la pluie qui reprenait. A sa partie la plus haute, un échalier en permettait l'accès, il cédait à la moindre poussée dans le geignement des gonds pris par la rouille. Une souche fendue sous un coudrier pouvait en servir de banc à des enfants inoccupés qu'on envoyait parfois surveiller les jeunes vâches folâtres. D'une ramée en berceau sous quoi le soldat avait trouvé refuge, de grosses gouttes froides se détachaient à intervalles réguliers, comme de la voûte d'une caverne. Immobile, les yeux écarquillés sur rien qui lui fût visible, il dormait peut-être, à la façon d'un grand oiseau de nuit en équilibre sur sa branche, qu'un claquement de mains n'eût pas fait s'envoler, ni même dresser un instant la tête pout lâcher un cri éraillé.

Pierre Silvain "Julien Letrouvé colporteur" ( Verdier 2007)

En hommage à Pierre Silvain récemment disparu.
Voir aussi le site de Poézibao et Jardin d'ombres

dimanche 1 novembre 2009

Clairière


l'enclos
de la clairière
des sillons de lumière
lacunes de silence

des elfes au pied des pins ?
mais qu'ils dansent
qu'ils dansent!

l'éclaircie
l'espace
qui se creuse
les mots
en écho