jeudi 11 mars 2010

Lettres à un jeune poète

Cher monsieur,

                                           J'ai un ami qui prétend là que, toujours à minuit, il se fait une fente minuscule entre le jour qui finit  et celui qui commence , et qu'une personne très adroite qui parviendrait à s'y glisser sortirait du temps et se trouverait dans un royaume indépendant de tous les changements que nous subissons; à cet endroit sont amassées toutes les choses que nous avons perdues...
Je vous le dis avec force, glissez-vous dans cette faille que vous commencez d'apercevoir, même si vous vous écorchez les doigts et que votre peau est brûlée, même si vous sentez le sang couler, continuez d'avancer. Vous êtes sur la bonne voie.
Allez un peu plus loin encore, forcez votre corps, n'écoutez rien d'autre que ces gémissements qui vous  attirent et qui vous effraient dans le même élan. Il est des zones d'ombres où sont amassées les lumières qui vous aideront à progresser. Creusez toujours plus avant et laissez remonter à la surface ces mots qui vous donneront ce surcroît d'être. Là et seulement là est la vie qui vaut d'être vécue.
Avancez. Fouillez. Défrichez. Inventez, découpez, taillez la vêture qui correspond le plus à votre être. Sacrifiez la joliesse pour la beauté.

Et soyez joyeux et confiant !
 

1 commentaire:

Ange-gabrielle a dit…

"Il devait y avoir dans le monde des défauts, des veines inconnues, où il suffisait une fois de se glisser..."
J. Gracq "Un balcon en forêt